Hadrien Clouet nous rappelle que les jours fériés sont un acquis social et un pilier de la vie collective.
Le petit livre que le sociologue et député de La France Insoumise, Hadrien Clouet, consacre à l’une des mesures les plus commentées du projet de budget présenté par François Bayrou avant l’été – et qui a sans doute contribué à son départ – se veut une défense du temps libre et des jours fériés face à leurs détracteurs.
Après la réforme des retraites, la suppression de jours fériés semble devenue le nouvel horizon des partisans de l’allongement du temps de travail. Rejetée il y a quelques mois par la commission mixte paritaire sur le financement de la Sécurité sociale, la mesure est vite réapparue, et il est probable qu’elle reviendra encore souvent.
Clouet rappelle d’abord que les jours fériés sont le produit d’une longue histoire, jalonnée de luttes sociales, et qu’ils ne sont pas plus nombreux en France que dans le reste de l’Union européenne. En revanche, son affirmation selon laquelle notre pays se situerait dans la moyenne haute de la durée annuelle du travail est plus discutable : si l’on considère uniquement les salariés à temps plein, la conclusion ne vaut pas. La moyenne française est en réalité gonflée par la faible proportion de temps partiels, lesquels travaillent par ailleurs davantage d’heures que dans les autres pays européens.
Croissance ou destruction d’emplois ?
L’ouvrage aborde ensuite l’argumentaire économique avancé par François Bayrou : deux jours supplémentaires travaillés stimuleraient la croissance. Derrière cette présentation, qui peine à convaincre les économistes, l’objectif était plus prosaïque : échanger une baisse du coût du travail contre une hausse des cotisations patronales, sur le modèle de la journée de solidarité, mais cette fois au profit direct du budget de l’État. Si Clouet critique vivement ce dispositif, il ne s’attarde guère sur les hypothèses économiques qui le soutiennent.
Il cite pourtant une note de l’OFCE de 2003 rédigée à la veille de la mise en place de la journée de solidarité, qui aurait peut-être mérité plus d’attention de sa part. Supprimer un jour férié revient à allonger la durée du travail sans coût supplémentaire, ce qui devrait permettre aux entreprises, si elles savent s’en saisir, de dégager des gains de productivité, leur permettant de financer une augmentation des cotisations. Le montant avancé par le Premier Ministre, 4,2 Mds d’euros, correspondait au taux retenu dans le cas de la journée de solidarité. La note permettait de comprendre que ce chiffre représentait la moitié du gain dont les entreprises pourraient bénéficier. Elle faisait alors l’hypothèse que 80 % d’entre elles y parviendraient, et pourraient ainsi conserver l'autre moitié des gains de productivité. Les autres, soit 20 % des entreprises, incapables de réaliser ces gains pour différentes raisons, subiraient au contraire une hausse du coût du travail. Au total, si l'on en restait là, la mesure aboutirait à une destruction d’emplois relativement significative. Si l’État réinjectait intégralement le montant des cotisations supplémentaires dans l’économie, des créations d’emplois pourraient compenser ces pertes, notamment dans les secteurs comme la défense, pour rester dans le cadre du projet de budget. Mais si, comme il est plus vraisemblable, elles devaient servir à réduire le déficit public, c’est la baisse des emplois qui l'emporterait.
En outre, et cette fois Clouet ne manque pas de le souligner, tous les secteurs n’auraient pas été touchés de la même manière : le tourisme en particulier aurait été directement pénalisé, la baisse d’activité induite par la suppression de ces deux jours l’emportant probablement largement, en ce qui le concerne, sur les gains de productivité. La prise de conscience de ces difficultés explique sans doute le revirement du patronat qui avait d’abord été séduit par la mesure.
Des repères pour la vie collective
On ne saurait reprocher à Hadrien Clouet de ne pas livrer une analyse économique exhaustive. Son apport est ailleurs : replacer le débat sur des bases historiques, sociales et politiques, et rappeler qu’on ne s’improvise pas économiste – mais que l’on est en droit d’attendre d’un Premier ministre qu’il appuie ses propositions sur des analyses solides.
Le dernier chapitre est sans doute le plus original : après avoir fait un éloge appuyé du repos, Clouet insiste sur le rôle discret mais essentiel des jours fériés. Loin d’être de simples « temps morts » pour l’économie, ils constituent, explique-t-il, des repères fixes qui structurent la vie collective. Ils rendent ainsi possibles des activités associatives, sportives, culturelles ou solidaires en offrant à chacun la possibilité de se coordonner avec les autres. En ce sens, les jours fériés apparaissent comme un bien commun précieux, dont la défense dépasse largement la seule question du travail.