Un livre qui dénonce le nouveau fondamentalisme politique français réduisant l’Afrique et ses réalités aux fantasmes issus de l’imagerie coloniale.

Reçu comme une déflagration, le discours prononcé le 26 juillet 2007 à Dakar par Nicolas Sarkozy a provoqué une onde de choc dont la portée est loin d’être circonscrite à l’Afrique. Ce qui était attendu, et considéré par l’entourage présidentiel comme un message d’espoir à l’attention de la jeunesse africaine, et notamment à son élite, est devenu une attaque profondément blasphématoire contre l’Afrique et les africains.

Certains observateurs avaient cru un moment à la mort de la pensée critique en Afrique. Le silence assourdissant des plûmes noires entretenait en effet la vulnérabilité des frontières africaines qui cédaient facilement aux assauts. Mais depuis le discours de Dakar, la réalité est tout autre : les écrivains africains ont brisé le mur du silence. Fait exceptionnel, ce sont vingt trois auteurs, issus de divers horizons et de pays différents   , qui se sont rassemblés pour répondre au discours incendiaire. Cette initiative est un évènement qui fera date et, vue d’Afrique, cette publication ressemble à une petite révolution copernicienne. Elle apparaît d’autant plus symbolique qu’elle est révélatrice de failles nouvelles provoquées par des mouvements à l’œuvre dans les sociétés africaines depuis deux décennies.  

Au-delà de la colère qui transparaît dans les pages de ce livre, les auteurs ont tenu à développer une argumentation adossée à de solides références historiques, pour rappeler d’une part au président français sa grande ignorance de l’Afrique, et d’autre part, démontrer que l’Afrique a joué et jouera la partition qui est la sienne dans l’histoire de l’Humanité. L’Afrique répond à Sarkozy est avant tout un réquisitoire mené à charge contre le président français, accusé d’avoir commis une profanation mémorielle à l’encontre de l’homme africain et de sa place dans l’histoire. Il est aussi et surtout une impressionnante entreprise de déconstruction des mythes et fantasmes qui nourrissent l’imagerie française et européenne sur l’Afrique.

Qu’apporte concrètement cet ouvrage dans le débat actuel sur les rapports franco-africains après cinq décennies d’errance ? En lisant les différents auteurs, trois grandes lignes de réflexions se dégagent, annonciatrices de rupture, et donc d’un temps nouveau en gestation sur le continent noir. La première porte sur le prix de l’offense présidentielle. Les propos incriminés dans le discours de Dakar sont considérés par les signataires de l’ouvrage comme injurieux, provocateurs et dangereux. La faute du président français doit donc être expiée. La seconde insiste sur le contexte africain actuel, résultat de l’échec de la gouvernance politique essentiellement, qui précarise les citoyens africains tout en portant atteinte à la dignité de l’Afrique. Il y a donc lieu de souligner la responsabilité de ses dirigeants dans ses malheurs. Enfin, les souffrances et tourments qui assaillent injustement les africains, et notamment les plus vulnérables, ne sont pas une fatalité. Il appartient alors à la jeunesse africaine, particulièrement à ses élites, après un sursaut de conscience, d’entrer durablement en résistance contre les immobilismes, et provoquer l’avènement de la renaissance tant espérée.


Le prix de l’offense présidentielle

Faut-il être scandaleux pour lutter contre le scandale ? Alors que couvait la grogne après les propos de Nicolas Sarkozy, les auteurs de ce livre ont voulu opposer au président français un démenti catégorique, construit sur des arguments puisés dans l’histoire, la sociologie, l’anthropologie, la linguistique, la psychologie, etc. Ainsi, face à l’immense tollé provoqué par les passages incriminés du discours de Dakar, les intellectuels africains, déjà poussés à bout par "l’injustice et la roublardise des relations franco-africaines" (ce sont les termes du signataire de la préface de L’Afrique répond à Sarkozy), ont opté pour un style direct basé sur un mode de raisonnement universitaire. Ce qui les situe d’emblée aux antipodes de la démarche de Nicolas Sarkozy. Pour riposter à l’offense présidentielle, ils ont décidé "d’emprunter à l’hyène son audace et sa témérité", prévient Makhily Gassama, toujours dans sa préface.

À l’université de Dakar qui porte le nom de Cheick Anta Diop, la liste des phrases de trop dans l’adresse de Nicolas Sarkozy tient essentiellement à quelques mots ou expressions. Le colonisateur a "commis un crime contre l’humanité", mais "nul ne peut demander aux fils de se repentir des fautes de leurs pères" ; "le colonisateur est venu, il a pris, il s’est servi, il a exploité […] mais je veux dire avec respect qu’il a aussi donné" ; "mais la colonisation fut une grande faute qui fut payée par l’amertume et la souffrance de ceux qui avaient cru tout donner et qui ne comprenaient pas pourquoi on leur en voulait autant" ; "le drame de l’Afrique, c’est qu’elle n’est pas assez entré dans l’Histoire […], reste immobile au milieu d’un ordre immuable où tout semble être écrit d’avance"; "dans cet imaginaire [celui de l’Afrique], il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès"; "l’Afrique a sa propre part de responsabilité dans son propre malheur. On s’est entre-tué en Afrique au moins autant qu’en Europe". Enfin, "vous qui vous êtes tant battus les uns contre les autres et souvent tant haïs, qui parfois vous combattiez et vous haïssez encore". Ainsi se résume le forfait présidentiel.

La déflagration trouve précisément sa cause dans ces propos, jugés méprisants et attentatoires par les auteurs de L’Afrique répond à Sarkozy. Comment un homme, chef d’État en l’occurrence, à la tête d’un pays de culture, la France, a-t-il pu de tenir, en Afrique, des propos si insultants pour les Africains ? D’une ligne à l’autre, les mots du président français sont épinglés et disséqués, ses intentions sondées de même que ses sources idéologiques décryptées et dénoncées. La prestation présidentielle serait un sophisme de mauvais goût qui, appliqué au paradigme de l’esclavage et de la colonisation, ne viserait qu’à mettre sur le même plan la victime et le bourreau. La conséquence que les auteurs tirent de cet amalgame dangereux, c’est qu’en procédant de la sorte, le président français restituerait au révisionnisme ses funestes galons. L’accusation à la charge de Nicolas Sarkozy ne manque donc pas de gravité.

En cédant à un double excès, celui de la simplicité et de la facilité, Nicolas Sarkozy devient lui-même victime du syndrome de l’apprenti sorcier. Fait remarquable, ce discours, prononcé à l’étranger, dans le cadre d’un voyage officiel, n’a provoqué aucun incident diplomatique. Faut-il voir dans l’insensibilité des pouvoirs publics sénégalais dont le président français était l’hôte une connivence diplomatique ou du larbinisme politique ? Si l’incident n’a pas été diplomatique, il a été en tout cas, et continue d’être, intellectuel, historique et politique. Que l’on ne se méprenne pas : le pugilat intellectuel né du discours de Dakar repose sur une base philosophique qui soulève des enjeux de civilisation entre l’Occident et l’Afrique. Pour Djibril Tamsir Niane, le discours "relève plus de l’ethnologie avec vocation à l’endoctrinement que de la science politique". Le problème semble donc opposer non pas la France et le Sénégal, mais bien l’auteur du discours aux intellectuels africains qui jugent ces propos profondément méprisants et inacceptables. Aussi loin que l’on remonte aux origines de la cinquième République, sur cinquante ans de pratique franco-africaine, c’est la première fois qu’une crise oppose directement un président français aux sociétés civiles africaines.

Les causes du dérapage sémantique sont-elles intentionnelles ou accidentelles ? Y avait-il intention de blesser les africains ou s’agit-il d’une erreur de communication qui se retourne contre son auteur ? Dans l’hypothèse où la piste accidentelle venait à être privilégiée, quelles seraient alors les responsabilités respectives de Nicolas Sarkozy et de son porte-plume, Henri Guaino ? Dans l’ouvrage, Odile Tobner s’interroge sur les motivations de l’auteur du discours de Dakar en évoquant les drames de l’esclavage et de la colonisation. Pour elle, "il semble finalement qu’il n’ait évoqué ces sujets que pour se délecter de son refus, compulsivement répété de discours en discours, de cette fameuse "repentance" que personne ne lui demande". Elle ajoute : "cette dénégation devient carrément freudienne". Indéniablement, la réputation sulfureuse du président français aggrave sa situation et rend ardue toute plaidoirie en sa faveur. Il aurait agi à dessein, avec une "brutalité digne de la droite la plus réactionnaire", et comme si Cheick Anta Diop, Joseph Ki-Zerbo, Ibrahim Baba Kaké, Djibril Tamsir Niane, Amadou Hampaté Bah, Théophile Obenga et d’autres n’avaient rien laissé de leurs plûmes érudites. Entre douleur et colère, les auteurs ont tenu à administrer sans ménagement une piqûre de rappel historique à Nicolas Sarkozy.

Théophile Obenga, égyptologue et disciple de Cheick Anta Diop, lui aussi auteur d’un article dans ce livre, situe la responsabilité de Nicolas Sarkozy dans son choix de s’inscrire "de lui-même, dans la longue tradition des préjugés et de l’ignorance de l’Europe des XVIIIe et XIXe siècles concernant l’Afrique et les Noirs de ce continent". Un autre co-auteur, Moussa Demba Dembélé, souligne l’aveuglement du président sur les causes réelles du sous-développement de l’Afrique qui selon lui "prouve là son ignorance crasse de l’histoire de l’Afrique et de ses relations avec le reste du monde, plus particulièrement avec l’Europe". Sur la question de la colonisation, la tentative de justification qui s’est appuyée sur ses "aspects positifs" manque tout à fait de rigueur historique. Celle-ci a été, "en vérité, une entreprise de destruction dans tous les domaines", insiste Moussa Demba Dembélé. Le président français ignorerait tout de l’Afrique et de ses réalités.

Par souci d’objectivité, rappelons tout de même que, dans le discours de Dakar, certaines phrases ne manquaient guère de fondements. Il en est ainsi de : "l’Afrique ne veut pas de  la charité" ; "Ce que veut l’Afrique […] c’est la compréhension et le respect" ; "la jeunesse africaine doit prendre en main le destin de l’Afrique" ; "la jeunesse africaine ne peut pas être la seule au monde à être assignée à résidence" ; "je ne crois pas que la jeunesse africaine ne soit poussée à partir que pour fuir la misère. Je crois que la jeunesse africaine s’en va parce que, comme toutes les jeunesses, elle veut conquérir le monde. […] Car rien ne retient jamais la jeunesse quand elle se croit portée par ses rêves". Enfin, "ce que la France veut faire avec l’Afrique, c’est le co-développement, c'est-à-dire le développement partagé. La France veut avec l’Afrique des projets communs, des pôles de compétitivité communs, des universités communes, des laboratoires communs ; ce que la France veut faire avec l’Afrique, c’est élaborer une stratégie commune dans la mondialisation". Ces phrases peuvent bénéficier d’une présomption de vérité, peu importe peut-être qu’elles aient été dites avec sincérité ou non. Par ailleurs, elles rencontrent des échos en Afrique depuis bien longtemps et certainement avant l’élection de Sarkozy à la présidence de la République. Il y a là, en tous les cas, quelques pistes de réflexion susceptibles d’inspirer ce que devrait être le cadre futur des relations franco-africaines. Mais tout cela est quasiment passé à la trappe, comme si le soldat Sarkozy ne méritait plus d’être sauvé.


La responsabilité des élites politiques africaines

On peut aisément être d’accord avec le président Sarkozy si derrière l’expression "l’Afrique a sa part de responsabilité dans son propre malheur", il visait les élites politiques africaines, notamment les gouvernants qui, depuis les indépendances, ont poussé le cynisme à son paroxysme. Il est intolérable de nier la part de responsabilité des dirigeants africains dans la chute abyssale du continent, qui dispose de tous les atouts pour réussir son développement mais demeure assigné dans son statut de continent paria des temps modernes. En ce sens, le président français et le discours de Dakar ne doivent pas être l’arbre qui cache la forêt. Alors que les Africains réclamaient des droits justes et des libertés légitimes, trop de dirigeants ont pillé ou laissé piller les ressources naturelles de leurs pays et ont maté les efforts démocratiques grâce aux forces armées, au service de la dictature et de l’obscurantisme. Cette réalité est largement a rappeler dans l’ouvrage  et notamment par Makhily Gassama quand il dénonce les pratiques courantes de la majorité des pays africains : "tantôt l’Afrique marche la tête tristement basse", écrit-il, titubant de honte aux "soleils des indépendances, car nos gouvernants ont trahi leurs peuples ; par incompétence, par cupidité, par couardise ou par insouciance, ils bradent nos ressources et nous affament ; ils tremblent encore devant l’ancienne puissance coloniale, qui n’a rien perdu de sa superbe et de son hégémonie, alors que, par ailleurs, ils broient, quotidiennement, la fragile dignité de leur peuple". Il poursuit : "notre responsabilité est grande dans la balkanisation du continent et dans les guerres barbares qui retardent son développement, car nous n’avons pas su écouter et protéger les plus vaillants de nos hommes politiques".

Les États bafouant impunément les droits de l’Homme et semant le malheur ne constituent malheureusement pas des exceptions sur le continent. Pensons ne serait-ce qu’à "l’ivoirité", concept d’un autre âge qui a provoqué une guerre sanglante et endeuillé la Côte d’Ivoire, et qui ne lasse pas de rappeler certaines pratiques du Troisième Reich. Des pratiques désastreuses du pouvoir ont infligé d’indicibles souffrances aux peuples africains. Elles ont également contribué à brouiller toutes les grilles de lecture de l’Afrique et de ses réalités par les opinions publiques internationales. Rien a priori ne constitue dans l’identité africaine un frein au développement. Il apparaît pourtant difficile de faire un autre constat : l’Afrique du XXIe siècle est encore orpheline de dirigeants visionnaires au service exclusif des intérêts supérieurs de leur continent. Le temps est-il venu d’ouvrir officiellement une chasse aux nuisibles ? Il y a là le plus grand défi de la jeunesse du continent, qui appelle de tous ses vœux l’avènement de la renaissance africaine.


La renaissance africaine

Ce livre n’est pas une fronde vengeresse d’intellos en colère ou en manque de sujets de débat. Vu de près, et rattaché à son contexte historique, il semble bien être une odyssée intellectuelle digne des grandes heures de la négritude. Il fait partie de l’un de ces signes visibles des grandes mutations anthropologiques en gestation en Afrique. Celles-ci s’opèrent certes silencieusement, mais n’en demeurent pas moins réelles. La France a-t-elle suffisamment pris conscience de l’ampleur de ces profonds changements, annonciateurs d’un temps nouveau en Afrique ? Annonciateurs aussi de nouveaux rapports avec le monde extérieur.

Au fond, les auteurs de ce livre ont voulu adresser à Nicolas Sarkozy deux messages. Le premier est une sanction : les Africains ne laisseront plus personne les injurier et offenser, intentionnellement ou accidentellement, les valeurs de leur continent, de quelque façon que ce soit. Fini à jamais le temps où l’Afrique était un sujet que chacun retournait à sa guise, pour les besoins de la cause. Le deuxième est un message d’avertissement : l’Afrique ne veut plus permettre à qui que ce soit de penser et d’agir en ses lieux et places. Désormais, l’Afrique veut être reconnue comme un véritable espace où l’on produit du sens. Il est clair que l’incident de Dakar doit être saisi comme une occasion de refondation des bases des relations franco-africaines. Carte blanche donc au président français, pour introduire une rupture dans ces relations, vues de Paris.

Sur cette matière, la question n’est sans doute pas de se demander si Nicolas Sarkozy provoquera ou non la rupture dans les relations qui lient l’Afrique à la France mais plutôt de s’interroger sur ce qui doit être fait pour pousser le président vers le changement promis. Pourquoi autant de résistances sournoises et d’atermoiements pour mettre fin aux pratiques honteuses de la Françafrique ? D’autant que Nicolas Sarkozy a déclaré que "la France n’avait pas besoin économiquement de l’Afrique" ! Avant son élection, le président français s’était bien engagé à mettre fin aux dérives des rapports franco-africains qu’il qualifiait alors de "relations d’un autre âge". Qu’il y ait réformes et volonté politique ou non de part et d’autre n’empêchera pas les sociétés civiles africaines et européennes de faire accoucher, à terme et non sans douleur, d’une nouvelle relation franco-africaine basée sur l’égalité en droit et en devoir, sur le respect de la démocratie et des droits de l’homme. Nicolas Sarkozy pourrait cependant enclencher un mouvement qui accélèrerait la refonte des pratiques, qui doit être totale.

Esquissons-en ici, dans trois secteurs, les pistes qui paraissent les plus essentielles. Au niveau politique d’abord, il s’agit de rompre définitivement avec le soutien de la France aux régimes de dictature. Aussi faudrait-il subordonner fermement la coopération française avec l’Afrique au respect des principes démocratiques et républicains, au respect des droits de l’homme, à la lutte contre la corruption, au développement de la transparence, à la reconnaissance et à l’implication des acteurs associatifs dans la gestion des affaires publiques. Au niveau économique ensuite, l’enjeu consiste à rendre aux pays membres de la zone CFA leur souveraineté économique et monétaire (en réalité, il leur appartient de conquérir leur liberté !), à mettre fin à la tutelle du trésor public français sur la BCEAO (Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest) et aux subventions – essentiellement européennes et américaines – aux exportations agricoles qui minent les capacités de l’agriculture africaine et appauvrissent le paysan africain. Il faudrait également démanteler le système de "l’aide liée" qui asphyxie économiquement et financièrement les États dits "bénéficiaires", de même qu’il renforce leur vulnérabilité et leur dépendance vis-à-vis de la France. Au niveau militaire enfin, de profonds changements sont là aussi attendus. Il est principalement question ici du retrait des forces militaires françaises pré-positionnées dans certains États africains (Sénégal, Côte d’Ivoire, Gabon, Tchad, Djibouti) et de la remise en cause des accords de défense. La fin de la guerre froide et l’émergence d’un monde multipolaire ont profondément bouleversé l’équilibre des rapports de force. Les menaces ont donc changé de nature et ne surgissent plus forcément là où on les attendait. Ces accords de défense ne sont adaptés ni aux réalités actuelles du contexte africain et du contexte international, ni aux aspirations démocratiques des peuples du continent. Ils sont encore moins conformes aux exigences de transparence qui demeurent une des principales marques des États qui se respectent. Seuls les accords de défense régionaux ou sous-régionaux (CEDEAO, CEMAC, SADEC, UA) disposent d’une légitimité pour la prévention et le maintien de la paix et agir ainsi dans le cadre des missions de défense et de sécurité collective en Afrique. La France peut, en plein accord avec l’Union européenne, soutenir les efforts de la restauration de la paix par l’Union Africaine et participer au renforcement des capacités de son Conseil de Paix et de Sécurité.

On le voit, le chantier est immense et les enjeux énormes. C’est pourquoi il est permis de douter de l’utilité de rompre définitivement le dialogue avec Nicolas Sarkozy. Qu’on le veuille ou non, il présidera aux destinées de la France pendant au moins quatre ans encore. Qui plus est, il semble aujourd’hui que le président français soit pris entre de deux forces antagonistes : celles qui incarnent le changement et celles qui représentent l’immobilisme. Jeter le bébé avec l’eau du bain pourrait être dangereux et l’exposer plus directement à des forces hétéroclites gardiennes de tous les conservatismes. Le débat sur le devenir des relations franco-africaines doit se poursuivre sur tous les fronts. Les Africains ont un rôle crucial à jouer pour faire aboutir ce grand chantier. Ils doivent dès à présent répondre à leur devoir de propositions et mener cette conquête pour la liberté et la justice dont L’Afrique répond à Sarkozy est un des témoins. Il y a là un grand défi. Au bout de ces réformes, la démocratisation de l’Afrique sera possible. Lors de sa visite d’État en Afrique du Sud en février dernier, Nicolas Sarkozy a implicitement reconnu sa faute dans le dérapage de Dakar. Faudrait-il qu’il l’assume totalement, en s’engageant, avec la jeunesse à laquelle il s’était adressée en juillet 2007, dans le chantier de reconstruction des relations franco-africaines.


* À lire également sur nonfiction.fr :

- la note rédigée par Etienne Smith à propos de l'article de Jean-Pierre Chrétien, "Le discours de Dakar. Le poids idéologique d'un "africanisme" traditionnel", Esprit, Novembre 2007.