Un beau livre sur ces femmes qui furent les héroïnes de la Résistance et de la Libération, et dont l’histoire ne parle pas assez.

À Paris, de simples noms sur des plaques commémoratives attirent l’attention du promeneur attentif. Ces noms de femmes rappellent toutes celles qui, dans l’ombre, ont contribué à libérer Paris durant la Seconde Guerre mondiale. Beaucoup sont oubliées, effacées de la mémoire collective d’une Europe qui, pourtant, leur doit tant. C’est pourquoi Mélina Gazsi et Éric Salone rappellent ces héroïnes qui, au prix de leur vie pour bon nombre d’entre elles, ont œuvré en silence, dans la clandestinité, pour combattre la barbarie nazie et rendre sa liberté à la capitale française. Car sans elles, Paris ne serait pas ce qu’elle est actuellement : ce symbole si fort d’un combat où des femmes, un jour, se sont élevées et ont dit « non » ; non à la sauvagerie, à l’obscurantisme et à la barbarie nazie. Ce n’est donc que justice de les remettre dans la lumière, d’extirper des limbes les noms de ces femmes vaillantes, et de montrer tout ce que la Résistance leur doit.

Parcourir le prisme de la Résistance au féminin

Les deux auteurs forment un duo complémentaire : Mélina Gazsi est journaliste au Monde, et sa plume éclectique raconte avec finesse ces héroïnes et leur époque ; Éric Salone, de son côté, a permis d’étayer par des recherches documentaires rigoureuses les portraits de ces femmes.

Le parti pris de ce livre est de présenter chaque héroïne sous la forme d’une narration doublée d’un portrait physique. Chaque biographie, succincte mais claire, présente le cheminement de la jeune femme : ses origines, sa profession, sa famille. On découvre de la sorte des femmes « de bonne famille » qui renoncent à une certaine aisance pour s’engager dans la Résistance. Odette Fabius, issue de la grande bourgeoisie, rejoint ainsi dès le printemps 1940 les Sections sanitaires automobiles de la Croix-Rouge. D’autres résistantes ont des origines plus modestes, comme Madeleine Marzin, par exemple, fille de paysans qui « travaill[èrent] toute leur vie pour posséder deux grammes de terre à leur mort » (selon les termes d’Alain Prigent dans Madeleine Marzin, Bretonne, résistante et élue communiste de Paris, éditions Manifeste, 2022). Cette diversité sociale révèle combien le courage n’est en rien conditionné par le milieu. Il existe, et c’est tout.

En témoigne aussi la diversité des catégories professionnelles représentées dans la Résistance féminine : « Elles étaient […] commerçantes, modistes, infirmières, assistantes sociales, enseignantes... ». Au bureau de poste de la rue Singer, Mme Arnoux et Andrée Piat recopient et transmettent à la Résistance les télégrammes chiffrés que l’ambassade du Japon envoie à Berlin. Des enseignantes, par ailleurs, alertent leurs élèves, leur demandent d’être attentives à ce qu’elles voient dans la rue, etc.

Entre devoir de mémoire et hommage

Deux options : obéir ou ne pas obéir. En prenant le parti de la Résistance, ces femmes savaient les conséquences possibles de leur engagement : dénonciation, arrestation, torture, déportation. Beaucoup ne sont pas revenues des camps de la mort, assassinées par la barbarie nazie. Rappeler ces femmes, leurs noms, leurs actes de bravoure était donc indispensable, d’autant que certaines ont été plus cruellement oubliées que d’autres. Si Jeannette Guyot est connue pour ses nombreuses opérations spéciales sur le front Ouest, ce n’est pas le cas d’Andrée Goubillon, qui tenait un café au 8, rue Tournefort, dans le 5e arrondissement. Elle a hébergé de nombreux agents envoyés par Jeannette, qui se faisaient passer pour les cousins de la patronne.

D’autres figures d’exception apparaissent, rappelant les postes à responsabilité qu’ont eus certaines femmes. Marcelle Henry, par exemple, est l’une des six femmes (contre mille trente-deux hommes) à être nommée Compagnon de la Libération. Une autre Compagnon de la Libération, Laure Diebold, tape et code les rapports et les documents de « Rex », alias Jean Moulin. D’autres femmes encore sont à rappeler : ces Allemandes, invisibles dans la mémoire collective, qui ont, dès la première heure, mené une farouche résistance contre le nazisme.

Cet hommage vibrant et sonore rappelle qu’aux heures les plus sombres de l’humanité, le courage s’incarna et survécut dans ces femmes qui entrèrent en résistance contre l’horreur.