Simon Catros présente une série de textes de Charles de Gaulle parus dans la presse au cours des années 1930. Le lieutenant-colonel y livre sa vision sur l'outil militaire français.

Entre 1933 et 1937, de Gaulle publie une série de textes dans L’Écho de Paris, puis dans L’Époque, sous la signature d’André Pironneau, afin de ne pas être exposé à sa hiérarchie. Si ces textes plongent le lecteur au cœur de l’instrument militaire français, ils livrent aussi un regard affûté sur la politique française des années 1930, l’idée de défense en Europe et la menace hitlérienne. Face au danger, il met en avant l’urgence pour l’armée française de se réformer sur de multiples plans : le matériel, la formation des hommes et la mise en place d’un corps mobile et compétent. Simon Catros, qui assure avec Jean-Paul Thomas et Jean Vavasseur-Desperriers la présentation de ces textes aux Presses universitaires de Rennes, revient avec nous sur ce projet.

Si le programme d’HGGSP en Terminale accorde une place capitale à la pensée de Clausewitz, les écrits de De Gaulle sur les années 1930 permettent de réfléchir aux connections entre le politique et le militaire, mais aussi à la nécessité de penser l’outil militaire face aux buts de l’adversaire. Par ailleurs, ces textes éclairent le choix gaullien de juin 1940 et donnent à voir, déjà, sa conception de la République, points en relation avec le programme d’histoire de Terminale générale.

 

Nonfiction.fr : Vous présentez, avec Jean-Paul Thomas et Jean Vavasseur-Desperriers, une cinquantaine de textes de la plume presque exclusive de Charles de Gaulle, publiés dans les années 1930. Vous expliquez qu’un déménagement récent a permis de découvrir des archives apportant un éclairage nouveau sur ces textes. Pouvez-vous expliquer ces apports récents ?

Simon Catros : Effectivement, comme cela arrive parfois, un fait tout à fait banal, ici un déménagement, a permis de mettre au jour une source permettant de faire progresser la recherche historique. Toutefois, la « découverte » initiale de la véritable nature de ces articles signés André Pironneau est antérieure et remonte en fait à un séminaire animé par Gilles Le Béguec en 2016-2017 au sein de la Fondation Charles de Gaulle. Dans ce cadre, Jean-Paul Thomas s’était intéressé à André Pironneau sur la base des allusions faites par de Gaulle dans les Mémoires de guerre. Ayant parcouru les articles, il eut l’intuition que ceux-ci étaient, tout au moins partiellement, de la plume de l’officier non-conformiste.

Des recherches lui permirent d’entrer en contact avec la nièce, puis la petite-nièce d’André Pironneau. Les entretiens avec ces deux personnalités, menés de concert avec Jean Vavasseur-Desperriers, ainsi que la consultation de la correspondance entre André Pironneau et son épouse Thérèse, permettaient déjà de conclure que les articles, bien que signés Pironneau, étaient de la main presque exclusive de De Gaulle. D’où la publication d’un ouvrage rendant compte de cette découverte   .

Mais le déménagement de Mme Huvé, petite-nièce des époux Pironneau, permit de retrouver un cahier contenant des notes dictées par Thérèse Pironneau et les carnets d’André. Ces dernières pièces confortèrent les premières analyses de Jean-Paul Thomas et Jean Vavasseur-Desperriers et leur permirent de saisir avec davantage de finesse les modalités et enjeux de la relation si particulière unissant le journaliste et l’officier.

Ces articles, parus entre 1933 et 1937, traitent des enjeux de la politique française de défense, depuis la durée du service militaire jusqu’à la politique de défense de la Belgique, en passant par la guerre de l’Italie en Éthiopie en 1935. Rédigés par de Gaulle, ils sont donc signés par André Pironneau. Pourquoi les deux hommes ont-ils recours à ce choix et que peut y gagner André Pironneau, directeur de L’Écho de Paris, puis de L’Époque, dans lesquels ont été publiés ces textes ?

Pour de Gaulle, l'intérêt de cette collaboration est assez clair : il s'agit d'éviter de subir les sanctions touchant un officier ne respectant pas son obligation de réserve en s’adressant à un large public et, surtout, aux « pouvoirs publics », afin qu’ils imposent aux chefs militaires une réforme structurelle de l’armée. En effet, dans une conception toute clausewitzienne des rapports politico-militaires, de Gaulle en appelle au politique pour imposer à l’armée la réforme structurelle dont elle a besoin. Tout au long de ces articles, il se livre à une critique méthodique de la politique de défense et de la diplomatie des gouvernements successifs.

Si un officier peut à cette époque prononcer des conférences et rédiger divers ouvrages – et De Gaulle ne s'en prive pas –, il doit en principe s’en tenir à son domaine de compétence, soit la tactique, la stratégie purement militaire, l'étude de l'histoire des batailles ; il doit, en revanche, faire preuve de réserve et ne peut en aucun cas critiquer le gouvernement. Or, à partir de 1933, de Gaulle est persuadé qu’il lui revient de sonner l’alarme. Conscient du réarmement militaire, mais aussi moral, de l’Allemagne, des ambitions démesurées et criminelles des nazis, il sort du rôle de l’écrivain militaire pour livrer au lectorat de L’Écho de Paris, puis de L’Époque, des analyses qui sont, déjà, celle d’un homme d’État en construction, intégrant stratégie et diplomatie, politique de défense et politique intérieure, le tout parfaitement articulé.

Pour Pironneau, convaincu de la pertinence des idées de l’officier, il s'agit sans doute, tout simplement, de prendre une part active à leur diffusion. Ce faisant, il joue gros, par exemple quand de Gaulle prend violemment à parti deux ministres successifs de la Guerre, lesquels comptent par ailleurs parmi les proches de Pironneau.

Durant les années 1930, de Gaulle publie sous son nom Le Fil de l’épée et Vers l’armée de métier. Comment positionnerez-vous les articles signés Pironneau par rapport à ces deux ouvrages ?

Ces deux ouvrages, parus respectivement 1932 et en 1934, situent davantage de Gaulle dans la veine des grands écrivains militaires. Le Fil de l'épée correspond à un essai reprenant en partie des conférences prononcées dans les années 1920 et décrivant ce que doit être le chef militaire. Le cinquième et dernier chapitre, toutefois, traite des relations du politique et du militaire et annonce ainsi, d’une certaine façon, la campagne de presse, appel au politique : seul décideur, il doit nouer un dialogue fécond avec le militaire et il lui revient de veiller à l’entretien de l’outil militaire, en dépit de la pression électorale conduisant aux économies budgétaires.

Le second ouvrage, Vers l'armée de métier, correspond plus directement à l'objet de la campagne de presse puisque de Gaulle y plaide pour la création d'un corps blindé comprenant six divisions cuirassées et une division légère au service d'une politique de défense en phase avec les enjeux stratégiques et diplomatiques du moment, et capable de faire face aux menaces. Toutefois, dans ces deux ouvrages la pensée de De Gaulle reste essentiellement circonscrite aux questions militaires, à la fois sur le plan de la théorie et de la mise en œuvre.

La campagne conduite avec la complicité d’André Pironneau ressort d’un périmètre beaucoup plus vaste, puisque le subterfuge de la signature de Pironneau permet à de Gaulle de traiter librement de l’ensemble des aspects du problème stratégique, y compris ceux que son statut d’officier en activité devrait lui interdire d’aborder. En même temps, existe une certaine articulation entre ces deux ouvrages et la campagne de presse : Pironneau, qui a fait publier dans L’Écho de Paris en mars 1932 un chapitre du Fil de l’épée, ouvre la campagne un an plus tard par une notice bibliographique rendant compte de l’ouvrage ; en outre, la campagne de Gaulle-Pironneau prend appui sur les idées exposées dans Vers l’armée de métier, l’ouvrage étant explicitement mentionné dans six articles ; enfin, la publication de ces deux livres, accompagnée de quelques articles traitant de l’« armée de métier » dans des revues plus ou moins « grand public », permet à de Gaulle de se faire connaître et de susciter la curiosité, voire l’intérêt, d’hommes politiques de premier plan et, partant, de défendre ses conceptions.

Sur la forme, par la rupture, même sous couverture, avec l’obligation de réserve, la campagne de presse de Gaulle-Pironneau annonce plutôt une autre démarche iconoclaste de Charles de Gaulle, commandant des chars de la Ve Armée, en janvier 1940 : l’envoi d’un mémorandum préconisant une attitude offensive à quatre-vingts personnalités civiles et militaires, dont le président du Conseil. Il franchit alors un degré en s’adressant de nouveau aux « pouvoirs publics » au mépris de tout respect des normes hiérarchiques, toujours au nom de l’urgence du salut national mais, cette fois-ci, sous son nom propre. La rupture finale de juin 1940 parachève et sublime, en quelque sorte, cette évolution de l’officier vers l’homme d’État.

Ces textes s’inscrivent dans le contexte politique troublé des années 1933-1937. Bien que ce ne soit pas le cœur du propos, on sent une plume plus libre sur la situation politique. Quel regard porte de Gaulle sur ces questions et plus précisément sur l'émeute antiparlementaire du 6 février 1934 ?

De Gaulle ne commente la situation politique qu’en fonction du projet qu’il porte, et non pour elle-même. Soucieux de favoriser la concorde et de gagner tous les appuis possibles à son projet, il se garde d’entrer dans la vaine polémique partisane. Comme beaucoup d’officiers, il semble avoir un regard double sur le 6 février 1934. D’une part, il semble le comprendre comme un sursaut du pays, en tout cas d’une frange importante de l’opinion publique, contre ce qu’elle perçoit comme la décadence morale et diplomatique du régime. Mais, d’autre part, de Gaulle déplore tout ce qui divise le corps social et politique, comme concourant à l’affaiblissement de la nation. D’où, malgré ses propres opinions plutôt conservatrices et l’orientation, identique, du lectorat du journal, quelques hommages plus ou moins appuyés à des personnalités de gauche qui ont, aux yeux de De Gaulle, le mérite de ne pas être « sectaires », selon le vocabulaire de l’époque, c’est-à-dire de dépasser une lecture petitement politicienne ou basiquement antimilitariste de son projet pour en comprendre l’intérêt pour le salut du pays.

Enfin, le 6 février suscite chez de Gaulle l’espoir d’une politique plus ferme sur le plan diplomatique et plus hardie sur le plan de la défense nationale : si la déclaration du 17 avril 1934, par laquelle la France refuse de faire de nouvelles concessions en matière de désarmement, le satisfait pleinement, la politique menée par le gouvernement dit « d’Union nationale » – en fait, une alliance ayant son centre de gravité au centre-droit – dirigé par Gaston Doumergue, avec le maréchal Pétain au ministère de la Guerre, le déçoit franchement.

Vous écrivez : « Suivre la campagne de Gaulle-Pironneau revient à lire une histoire critique des alarmes, déboires et timides sursauts français sur le fond diplomatique et militaire de ces années »   .

En effet, la lecture enchaînée de ces articles produit l’effet d’une chronique d’une grande lucidité. Si l’objet central des articles est toujours le même, la promotion du « corps spécialisé » et, accessoirement, d’autres mesures de renforcement de la défense nationale, de Gaulle mobilise systématiquement les circonstances à l’appui de son argumentation. Les péripéties de la diplomatie, la révélation progressive de la fragilité des garanties de sécurité dont dispose alors la France, les différents coups de boutoir infligés par les puissances à prétention totalitaire, à commencer par l’Allemagne, justifient le cri d’alarme que pousse de Gaulle.

Tous ces événements, que de Gaulle analyse et commente, lui permettent de pointer les carences de la défense nationale et d’orienter son lectorat vers les solutions qu’il préconise. Ainsi, la remilitarisation brusquée et unilatérale de la Rhénanie, « tragique affaire »   , révèle selon de Gaulle plusieurs aspects du danger. L'« attaque brusquée » de l'adversaire rend manifestes ses desseins agressifs. Elle met au jour la carence de l’outil militaire français : faute d’une « force de réaction rapide », pour employer un terme anachronique, l’on ne peut que mobiliser totalement, ce qui est alors impensable pour des raisons de politique intérieure et extérieure, ou ne rien faire. Enfin cet événement permet d'identifier la nature des solutions à adopter : il faut sans attendre doter l’armée française d’un outil puissant, rapide, en permanence sur le pied de guerre et susceptible, soit de dissuader l’adversaire d’agir, soit de contre-attaquer efficacement.

Parmi les faiblesses de l’armée française relevées, de Gaulle insiste en 1934 sur le problème de la formation et la qualité de la réserve : « armée du service d’un an, aux effectifs médiocres, n’assurant aux contingents qu’une hâtive ébauche d’instruction, inapte par définition à toute action rigoureuse avant d’avoir mobilisé au moins une partie des réserves et donné aux formations de guerre la cohésion qui leur manquerait, c’est-à-dire avant un délai qui se compterait en mois »   . Faut-il valider ce constat sans concession ?

Certes, cette appréciation peut sembler sévère, et elle est compensée par d’autres appréciations, soulignant notamment la puissance des fortifications dont dispose la France, ou encore la qualité de ses personnels de carrière et de ses cadres. Par ailleurs, il faut avoir à l’esprit que les états-majors parisiens sont alors extrêmement impressionnés par la militarisation de la jeunesse dans les pays à prétention totalitaire que sont l’Allemagne nazie, l’Italie fasciste ou l’URSS communiste   . Pour ces officiers, dont de Gaulle, les jeunes Allemands qui arrivent au régiment au seuil de la vingtaine sont, en quelque sorte, « dégrossis » militairement dans les formations de jeunesse et le Service du travail, donc déjà aptes à servir et prêts à recevoir l’instruction technique des différentes armes. Rien de comparable en France, évidemment.

En outre, se plaçant dans la perspective d’un conflit prochain, ces officiers constatent que le service militaire d’un an – deux ans à partir de 1935 – ne donnait à la France qu’une vingtaine de divisions d’infanterie métropolitaines en temps de paix – pour une quarantaine avec le service militaire de trois ans en 1914. Dès lors, la mobilisation représente un effort colossal visant à compléter ces divisions dites « d’active », mais aussi à créer de toutes pièces des dizaines de divisions de formation.

En 1938 un officier du 1er bureau (en charge des personnels) de l’état-major de l’Armée affirme ainsi que « ce qui caractérisera[it] à son entrée en campagne cette armée qui sera[it] une armée de réservistes […] serait son extrême fragilité », précisant qu’elle serait « impressionnable et fragile, moralement et physiquement ». On le voit, le propos de De Gaulle, pour tranché qu’il soit, est en accord avec les analyses des officiers spécialistes de l’époque. Une telle armée ne peut dès lors entreprendre, dans les premiers mois suivant sa mobilisation, que des opérations défensives – et c’est là ce qui ne va pas pour de Gaulle.

L’une des solutions face à la menace allemande est que la France dispose d’« un corps de manœuvre professionnel, à grande puissance, toujours prêt à agir, seul instrument efficace de l’intervention immédiate »   . On a le sentiment d’un profond décalage entre les politiques militaires allemande et française. A lire cet article de 1936   , les autorités françaises s’enferment dans une stratégie défensive obsolète, une illusion dans les forces et les volontés des pays alliés, puis des promesses intenables envers les pays les plus directement menacés. Ce constat vous semble-t-il justifié ?

Le procès de la politique internationale et de la stratégie de la France dans les années 1930 a été instruit par de nombreux contemporains, avant d’être réexaminé par les historiens. Il est incontestable que la nature de l’armée française, son organisation du temps de paix et les contraintes pesant sur sa mise sur le pied de guerre interdisent toute initiative rapide face à l’armée allemande. Par ailleurs, le plan de guerre du général Gamelin vise à rééditer la guerre précédente : dans un premier temps, avec l’appui britannique, il s’agit de mobiliser les forces armées et de les concentrer à la frontière, de mettre en défense la métropole et l’empire, de développer la production d’armements et de mettre en place le blocus des côtes allemandes. Une fois cette première phase achevée – et, dans l’esprit du chef d’état-major de l’Armée à la veille du conflit, cela ne peut prendre moins de deux ans – une offensive stratégique pourrait être conduite. Cependant, cela n’empêche pas, une fois le dispositif militaire mis en place au bout de quelques semaines, de déclencher une offensive à objectif limité – ce sera l’offensive dans la Sarre à l’automne 1939, dénuée tout à la fois d’ambition, d’élan et de résultat – visant à desserrer l’étau enserrant quelque pays allié d’Europe centrale en contraignant le haut commandement allemand à déplacer des unités de l’est vers l’ouest.

Dans le cadre de cette stratégie, les engagements réciproques d’assistance mutuelle contractés envers la Pologne et la Tchécoslovaquie ont une valeur relative : ils permettent d’escompter l’appui d’alliés de revers en cas d’attaque allemande contre la France ; ils engagent la France à entrer en guerre en cas de casus fœderis, mais pas à prononcer une offensive majeure en cas de submersion initiale rapide d’un de ces alliés par la Wehrmacht. Les engagements de la France devraient alors être tenus au moment de la négociation du traité de paix, que l’on ne conçoit que victorieux – les exemples de la Serbie, de la Roumanie et de la Belgique, totalement ou largement occupées par le camp adverse au cours de la Grande Guerre puis agrandis de territoires pris sur les vaincus, sont présents à l’esprit de tous.

Cependant, cette « stratégie passive », véritable « stratégie de souffre-douleur »   , présente plusieurs faiblesses, mises en évidence par de Gaulle. D’abord, la défense du territoire métropolitain, pendant la mobilisation et la concentration, ne peut qu’être fragilisée par la lente constitution de l’armée mobilisée et l’absence de tout instrument efficace de contre-offensive – même les divisions d’infanterie motorisées ne disposent pas de leur parc automobile au complet en temps de paix et doivent attendre les réquisitions consécutives à la mobilisation pour être réellement « motorisées », donc mobiles. Ensuite, cette organisation défensive des forces ne permet pas de réunir dans un même corps de bataille l’instrument des chars, lequel perd ainsi une grande partie de sa valeur et de sa puissance. Enfin, une telle organisation des forces armées place à chaque crise diplomatique les responsables gouvernementaux devant une alternative vertigineuse : tout ou rien, la mobilisation totale de la nation ou l’abstention face aux coups de poker d’Hitler.

Quel écho ces textes ont-ils rencontré, au sein de l’opinion publique ou parmi les autorités politiques et militaires ?

Incontestablement, les idées de de Gaulle rencontrent un certain écho dans le monde politique – tout au moins chez les hommes politiques qui veulent alors s’occuper des questions de défense – et dans le monde militaire. Fin décembre 1934, François Piétri, ministre de la Marine et ancien ministre de la Défense nationale, recommande chaudement à son collègue Pierre-Étienne Flandin, chef du gouvernement, les services du lieutenant-colonel de Gaulle. À la même époque, Léon Blum prend la plume pour réfuter publiquement les thèses de Vers l’armée de métier dans trois articles parus en une du Populaire, avant de recevoir deux ans plus tard en privé l’auteur de l’ouvrage.

Il est toutefois difficile de départager l’attrait pour les idées et l’intérêt pour l’officier-écrivain, et de discerner ce qui ressort, dans l’écho rencontré par les idées gaulliennes, de leur diffusion via la campagne de presse. Si L’Écho de Paris a l’avantage de permettre de toucher un lectorat conservateur intéressé aux questions militaires, il a l’inconvénient d’être caricaturé à gauche comme « l’écho de l’état-major » – bien à tort, comme le montre la campagne de Gaulle-Pironneau –, militariste et nationaliste, et donc peu lu de ce côté-ci de l’opinion publique. Toutefois, un homme de gauche comme René Cassin reconnaît plus tard avoir pris connaissance de Vers l’armée de métier par le truchement de ce quotidien. Heureuse époque, sans doute, qui ignorait les « bulles de filtrage » et autres « bulles cognitives »…