Une année au Palais de Tokyo. Noms, concepts et dates s’entrecroisent, sous une forme originale qui tient à la fois de l’encyclopédie et du réseau Internet.

Qu'ont en commun Einstein, Jean-Pierre Merlo et le LHC, accélérateur de particules géant ? Les rayons cosmiques ! Pas évident ? Plus facile si on a en mains Du Yodel à la physique quantique, catalogue de l'année 2007 au Palais de Tokyo. De 10,5 (poids en tonnes de l'hôtel Everland) aux iPod Battles organisées par le Palais de Tokyo en avril, ce dictionnaire revient sur un an d'expériences artistiques, recensant noms, concepts et dates dans un système de lecture transversale, lecture toujours doublée de sa traduction anglaise.

Très fragmentaire, l'ensemble est au premier abord peu attractif. Pour peu qu’on s’arrête sur un nom célèbre, la lecture de la courte notice sera parasitée par des incises de renvois plutôt conséquentes. Ainsi "Duchamp" en totalise un nombre record, avec quasiment deux pages à son actif. Une impression de désordre qui rend parfois le contenu illisible. On est alors plus proche de la fragmentation propre aux sites Internet que de la transversalité d'une encyclopédie. De même, six cahiers de photos reviennent sur les expositions, dans un effet de réminiscence plus que de précision, la plupart des prises étant des vues d’ensemble dans lesquelles il n’est pas facile de nommer les différentes œuvres.

Toutefois, cette fragmentation a le mérite d’engendrer des notices précises et concises. On y parle musique, sciences, art bien sûr. Les expositions sont décontextualisées, découpées en concepts qui forment un formidable outil de travail pour qui s’intéresse à la création contemporaine. Du Yodel à la Physique quantique ne se lit certes pas comme un roman ou un essai théorique, mais il fournit des éléments utiles à la constitution d’une critique et d’une histoire de l’art des XXe et XXIe siècles.

Îlots de clarté typographique, les quatre cahiers roses développent quant à eux des thèmes spécifiques, qu’ils soient scientifiques comme "La relativité comme accélérateur métaphysique" ou centrés sur la programmation du Palais de Tokyo, comme "The Third Mind". Dans "Spectralité pirate", Razmig Keucheyan, docteur en sociologie, revient quant à lui de manière très intéressante sur le phénomène du piratage, des marins du XVIIe siècle aux hackers du XXIe. S’appuyant sur l’Histoire, il explique qu’"un secteur significatif de la critique sociale contemporaine se réclame explicitement de la piraterie", dans lequel la figure du pirate serait "paradigmatique de la résistance à l’ordre néo-libéral, et le "piratage" considéré comme la stratégie de contestation la plus adaptée aux évolutions économiques et culturelles du capitalisme." Cette contribution s’appuie davantage sur la théorie et la littérature que sur la programmation du Palais de Tokyo, ouvrant ici les pages closes sur elles-mêmes au monde qui les entoure.

Élément de travail plus que produit culturel, Du Yodel à la Physique quantique est en effet un outil paradoxal. Pérenne car témoin d’une période de création, incomplet car centré sur l’art passé par le Palais de Tokyo, il se détache de l’année 2007 qui fait pourtant son objet. Il constitue cependant un premier volume encyclopédique dont certains noms devraient encore gagner en valeur. À une heure où le name dropping bat son plein, ce dernier point ne devrait par ailleurs pas déplaire à tout le monde.