Inspirée par la tradition épistolaire des Liaisons dangereuses, la nouvelle série dessinée d'Alain Ayroles et Guérineau raconte l’histoire d’un libertin ambitieux, le chevalier de Saint-Sauveur.

Le héros de cette bande dessinée historique très documentée et très plaisante, le chevalier Justin Fleuri de Saint-Sauveur, est très largement inspiré du célèbre vicomte de Valmont, un des personnages libertins des Liaisons dangereuses, roman par lettres publié en 1782 et qui valut à son auteur, Choderlos de Laclos, un énorme succès de scandale.

Le scénariste de cette BD, Alain Ayroles, a repris la forme épistolaire, ce qui est une vrai gageure, et la règle de vie d’un vrai libertin : séduire et pervertir. Il introduit également dans l’histoire une femme passionnée de sciences et de savoirs, Eunice de Clairfont, qui sera une victime toute désignée pour le terrible chevalier et son valet Gonzague. Elle s’intéresse à Voltaire, à la marquise du Châtelet, grande figure des sciences au XVIIIe siècle. Elle connaît même la Cyclopedia de Chambers, publiée à Londres en 1728, et dont le projet de traduction sera à l’origine de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. 

Le libertin Saint-Sauveur est également un ambitieux : il veut réussir à la cour de Louis XV, même s’il doit pour cela gagner au jeu un Iroquois, en cette période où triomphent Les Indes galantes, cet opéra-ballet de Jean-Philippe Rameau. Mais après avoir perdu sa réputation et son argent, l’ennemi du genre humain devra s’exiler au Canada. Une lettre inattendue lui laissera toutefois entrevoir « les feux de vastes espérances », qui annoncent les aventures à venir dans les autres volets de ce triptyque.

S’ouvrant sur des miniatures inspirées de la toile de Jouy, l’album comble le lecteur féru d'art du XVIIIe siècle. Le dessinateur s’est appuyé sur des gravures de l’époque. Il fait alterner des planches d’actions dynamiques qui soutiennent le caractère romanesque et les retournements de l’histoire du chevalier, des scènes d’alcôve qui évoquent Boucher, des conversations dans des salons et des tableaux bucoliques.

L’union de ces deux talents produit une très belle réussite, qui donnera peut-être aux lecteurs l’envie de lire les auteurs des Lumières ou de découvrir les peintres de cette époque. Comme à la fin des meilleurs feuilletons, il n’y a qu’une chose à dire : à suivre…