Nonfiction continue son dossier sur le référendum irlandais qui aura lieu jeudi prochain. La campagne s'accélère. Pour la première fois, un sondage TNS mrbi publié demain par l'Irish Times donne le non vainqueur à 35% contre 30% pour le oui. Le camp du non double son score en trois semaines. Le nombre d'indécis reste important à 28%.

Un enjeu irlandais

Pour chaque vote, tout pouvoir constitué remet en jeu une part de sa légitimité rationnelle légale. Le gouvernement irlandais s'est positionné en faveur du oui. Bertie Ahern, l'ex-taoiseach   a d'ailleurs quitté son poste pour éviter les fourches caudines d'un vote sanction. Brian Cowen, le nouveau Premier ministre, se retrouve en première ligne pour défendre avec son parti, Fianna Fáil, une ligne pro-européenne. Après le double vote du référendum sur le traité de Nice - vote négatif puis second vote positif - de 2002, les Irlandais sont consultés sur leur européanité. L'enjeu n'est pas seulement politique. Angela Merkel l'a rappelé en septembre 2007, les Irlandais ont un P.I.B par habitant supérieur de 30% à la moyenne européenne. Or, la croissance irlandaise est en berne - pronostic pour 2008 passé de 2,5% à 1,3% -, le taux de chômage prend un point de glissement annuel à 5,5% de la population active et pendant que la crise des subprimes assèche en confiance et en finances le secteur du bâtiment, les taux d'intérêts directeurs sont relevés par la Banque centrale européenne pour juguler l’inflation de la zone euro. Pour les Irlandais, le problème est le suivant : si jusqu'ici l'Union européenne était bénéfique pour l'Irlande, le traité de Lisbonne changera-t-il la donne institutionnelle et démocratique en terme d'indépendance géopolitique, économique et nationale ?


Un enjeu européen

Le traité de Lisbonne doit entrer en application le 1er janvier 2009 si tous les pays européens le ratifient. Un "non irlandais" serait un nouveau coup dur pour la construction européenne. L'Union a d'ailleurs décidé de "minimiser ou reporter les messages qui pourraient être contreproductifs" pour le vote oui selon le Daily Mail du 14 avril 2008. Or, si l'Irlande dit non, aucune conférence intergouvernementale ne sera convoquée pour renégocier le traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2007. Donc l'Union européenne redéfinira des clauses d'exception pour l'Irlande. Le non est à double tranchant. L'enjeu européen du traité de Lisbonne tient donc à l'avancée de la construction européenne ou à la marginalisation d'un pays membre des plus emblématiques : le Celtic Tiger.


Un enjeu français

La présidence française de l'Union européenne débute le 1 juillet 2008. La France a présenté ses projets pour l'Europe par la voix de son secrétaire d'État aux Affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet et du ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. En six mois, la France souhaiterait progresser sur la sécurité énergétique et le climat, l'avenir de la politique agricole commune, sur l'Europe de la défense, les politiques d'immigration, le choix du président du Conseil européen et du haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. De fait, en la bridant dès le début, un non irlandais serait politiquement néfaste pour la présidence française de l'Union européenne, lui interdisant de préparer la mise en place du nouveau traité et circonscrivant sur le fond, sa marge de manoeuvre aux questions écologiques, énergétiques et d'immigration. De fait, le non irlandais rendrait la présidence française plus opératoire et éxécutive que stratégique, décisive et constructive. Voilà pourquoi, l'Irlande a demandé à la France, de publier son livre blanc sur la défense après le vote du 12 juin.


*Dossier réalisé par Matthieu Mallet. Coordination du pôle Union européenne : Mathias Mégy. Contact : europenonfiction@gmail.com


--
Credit photo : invisiblemadevisible / Flickr.com