Le numéro 16 de la revue Nectart se penche sur les différentes manières d'adapter nos pratiques culturelles aux enjeux environnementaux.

L’écologie s’est immiscée dans tous les domaines de la société et en a bouleversé le fonctionnement. La culture ne fait pas exception, dont les pratiques doivent être réinterrogées à l’aune de cette question, tant du point de vue de la création que de la diffusion. Car loin de l’image trop éthérée qu’on peut s’en faire, le secteur culturel affiche un bilan carbone désastreux.

Écologie et diffusion des œuvres d'art

Le coût environnemental de la diffusion, notamment, est souvent négligé. À titre d’exemple, l’impact d’un opéra ou d’un festival s’élève en moyenne à 50 kilos équivalent CO2 par spectateur, de sorte que la participation d’un individu à 40 d’entre eux suffirait à dépasser l’intégralité de son quota carbone annuel fixé théoriquement par les Accords de Paris. Les transports utilisés pour se rendre dans un cinéma ou à un festival en sont largement responsables, comptabilisant à eux seuls les trois quart des émissions concernées. D’autres événements démontrent la « mal adaptation » du secteur culturel aux enjeux écologiques : le Hellfest, qui se produit chaque année en Loire-Atlantique, accueille des dizaines de milliers de festivaliers avec des lances à eau et de brumisateurs géants, dans un département touché par la sécheresse.

Depuis quelques temps, cependant, les différents acteurs de la production et de la diffusion culturelles (musées, galeries, cinémas, théâtres…) cherchent à introduire la préoccupation écologique dans leurs professions. Il s’agit pour eux de remplacer la logique du « toujours plus » par celle du « toujours mieux ».

« Changer de culture »

Le numéro 16 de la revue Nectart, intitulé « Urgence climatique. Changer de culture ! » se penche sur ce sujet en analysant les mutations qui émergent dans les pratiques de diffusion culturelle et leur incidence, en retour, sur le processus de création. Les différents chercheurs qui ont contribué à ce numéro dressent le bilan des expérimentations et des difficultés rencontrées dans cet effort de « changement de culture » au sein de la culture — selon l’expression d’Éric Fourreau, directeur de la rédaction.

Ainsi, les structures culturelles se mobilisent désormais pour examiner la question de la distance des salles par rapport aux villes et aux villages, pour raccourcir les déplacements du public mais aussi pour alléger l’impact de ceux des créateurs. Mais les enjeux environnementaux appellent un changement plus radical, qui ne concerne pas uniquement les spectacles mais de manière plus générale les échelles de valeur et la hiérarchie des priorités.

Ce numéro de Nectart ouvre, de ce point de vue, de nombreuses réflexions. Il montre que les artistes n’ont pas attendu les orientations politiques et l’injonction des lois pour se confronter à ces problèmes. Ceux-ci ont d'ores et déjà commencé à proposer d’autres rapports au monde, d’autres imaginaires, comme autant d'alternatives par rapport au récit dominant de l’anthropocène.

De nouvelles règles du jeu

Le numéro propose, en ce sens, de nouvelles règles du jeu, qu’il intitule « La reprise ». Elle consiste en ceci : Limiter (les déplacements et les gaspillages) ; Agir (plutôt que subir) ; Ralentir (le rythme) ; Encourager (le collectif et la coopération) ; (se) Poser (dans la durée) ; Rencontrer (les gens) ; Infuser (un territoire) ; Sortir (de la logique de la création/diffusion) ; Éprouver (la nature).

Ainsi, la volonté des auteurs d'en appeler à l’éco-responsabilité des acteurs de la culture s'étend jusqu'au domaine de la création culturelle, dont il s'agit de réduire l’impact environnemental. Puisqu’il s’agit, en somme, de décarbonner la culture, toutes les pratiques doivent être reprensées, jusqu'aux politiques d’achat des opérateurs culturels (alimentation, énergies renouvelables, gestion des déchets, éco-conception, etc.) et à la gestion de leur patrimoine mobilier et immobilier (mobilité décarbonée, rénovation énergétique des bâtiments, etc.).

La revue, qui a par le passé traité des questions de droits culturels, ainsi que celles de la création, entend montrer que c'est tout le secteur de la culture qu'il convient de repenser à la lumière des enjeux écologiques, et que ces mutations dans leur ensemble sont incontournables.