En quelques dizaines de pages, l’auteur imagine un accident nucléaire provoqué par un groupe écoterroriste, avec un réalisme effrayant qui donne à penser.

Dès le premier chapitre, Frédéric Weissman, technicien d’une trentaine d’années, omet délibérément d’ouvrir une vanne qui doit permettre à l’eau de refroidir le réacteur de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine, et empêcher l’accident. Se met ainsi en place le compte à rebours de la catastrophe nucléaire la plus importante de l’histoire : « Trente minutes plus tard, je quittais la centrale. La vidange mortelle allait pouvoir commencer dans le cœur du réacteur. »

Cette opération de grande envergure se poursuit à Melun dans l’immeuble qui abrite « la direction Île-de-France Est de la société Enedis », et dans la salle de conduite de Guyancourt, dans les Yvelines, qui alimente tout l’ouest de la région parisienne. Il s’agit d’« emboliser » le système de distribution d’électricité, grâce à Lena, ingénieure en informatique :

« Contournant les pare-feu, elle introduisait dans le système un ver informatique sur lequel elle avait travaillé pendant des mois […]. Depuis la machine mère, le malware allait se propager, atteindre d’autres hôtes, reconnaître leurs vulnérabilités, envahir les disques durs, y uploader son archive et se dupliquer de machine en machine dans un schéma d’infection fulgurant et exponentiel sur tout le réseau Enedis. »

Un acte politique quand les politiques ne sont pas à la hauteur

Né en 1986, « l’année de Tchernobyl », le héros s’inscrit en droit, mais « les pieux sermons sur la gouvernance et le développement durable » l’incitent à changer d’orientation et à aller « là où [il] p[eut] agir. » Pour lui, l’écologie radicale et ses coups de poing sont condamnés à rester anecdotiques :

« Pendant ce temps, l’immobilisme des intérêts économiques caractérisait les politiques des États. George W. Bush refusait de ratifier le protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Claude Allègre, ancien ministre et géologue, niait l’existence d’un réchauffement climatique anthropique. Sur les vingt sociétés qui, dans le monde, émettaient à elles seules trente-cinq pour cent des émissions de CO2, douze avaient des États pour actionnaires. »

L’intérêt de ce roman très informé est de plonger le lecteur dans la psychologie et les arguments de l’écoterrorisme, qui préfère les actes aux paroles, et est convaincu que les gouvernants sont incapables de répondre à la crise environnementale et que le péril pour l’humanité est désormais imminent.

Philippe Ségur, qui enseigne le droit à l’université de Perpignan, livre ici un roman très réaliste, plausible même, qui fait réfléchir sur la catastrophe à venir, qui est peut-être déjà là. La froide fureur du narrateur inquiète le lecteur autant qu’elle l’alerte. Le chaos décrit ici n’a rien de la science-fiction, et l’avertissement de la quatrième de couverture ne suffit pas à rassurer, bien au contraire : « Ce livre est une œuvre de fiction. Toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé serait purement fortuite. »