Quatre ans après « Ça raconte Sarah », son premier roman très remarqué, l’auteure part en quête littéraire de ses autres prénoms, Jeanne, Jérôme, Ysé.

Elle n’avait jamais eu de carte d’identité avant d’avoir trente ans. Elle décide d’en demander une à la mairie, alors qu’elle est enceinte :

« Et les trois fantômes me sautent à la gorge, sur le parvis de la mairie où je découvre le bout de plastique officiel. Il faudrait que je sache. Moi qui vais donner naissance, je ne sais rien de ceux qui m’accompagnent depuis la mienne. Pourquoi eux ? Qui sont-ils ? Jeanne, Jérôme, Ysé. […] Je veux creuser la couche épaisse de l’identité qui est la mienne, qui semble être la mienne, avant de donner naissance à une nouvelle identité. Je veux gratter le palimpseste. […] Je n’ai pas beaucoup d’indices. Je vais devoir prospecter, explorer, fouiller. Poser des questions me paraît vain, elles seraient balayées. »

Elle vient en effet d’une famille où on ne parle pas :

« Enfin si, on se raconte des tas de choses et on adore ça, tant qu’on ne parle pas du passé, des passés. »

« Le jour blanc »

Au cœur du livre se trouve une tragédie. La recherche de l’origine des prénoms mystérieux sera une façon de trouver en soi-même une forme de réponse, sinon de consolation. L’absence de point d’interrogation après « Qui sait » dans le titre indique bien que les réponses aux questions peuvent se trouver à l’intérieur de soi.

Jeanne est une ancêtre au destin douloureux et mystérieux, mais la narratrice refuse de laisser ce secret de famille peser sur elle. Jérôme est un ancien ami des parents qui conduit le lecteur dans le Paris homosexuel des années 1980, et la narratrice à la poursuite de son fantôme dans un cours de danse. Ysé est le prénom d’une grande héroïne du théâtre de Paul Claudel.

« Qui c’est ? » est une façon de demander « Qui suis-je ? » et de tisser les fils de l’identité, de la vérité et de l’imagination pour construire un roman mosaïque, parfois poignant, parfois drôle.

Un roman du roman

Certaines pauses métatextuelles où l’auteure s’arrête sur le roman en train de s’écrire et sur les rouages de son travail alternent avec des hommages à l’imagination et à la littérature où, au bord de la folie et loin de sa compagne désemparée, la narratrice entremêle son histoire avec l’intrigue passionnelle de Partage de midi.

La construction du livre, inspirée de la philosophie kantienne, entraîne le lecteur dans cette quête des origines qui est aussi celle de la source de l’écriture. L’humour de la narratrice et le comique de certaines scènes ainsi qu’un sens bienvenu de l’autodérision donnent à ces pages une forme de grâce et leur permettent d’éviter l’écueil du pathos malgré l’évocation de moments très douloureux. Une belle réussite.