Un ouvrage venant très opportunément souligner les fondements théoriques et la pratique découlant de la justice des mineurs.

Au moment où la justice des mineurs s’interroge sur son avenir, et sur les menaces qui pèsent sur son identité, ce livre vient très opportunément souligner ses fondements théoriques et la pratique qui en découle. Thierry Baranger, vice-président chargé des enfants au Tribunal de grande instance de Nanterre, après avoir longuement officié au Tribunal de Bobigny, a présidé pendant de longues années l'Association des magistrats de la jeunesse et de la famille. Gilda Nicolau, co-auteur de ce livre, est professeure agrégée de droit à l’université Panthéon–Sorbonne et anthropologue du droit.

Tout prédestinait donc ces deux auteurs à poser des questions radicales sur la mission qui consiste aussi bien à sanctionner qu’à protéger les mineurs, double mission des juges des enfants, que certains n’hésitent pas à qualifier de mission impossible. Les auteurs eux-mêmes se demandent aussi, de toute évidence, si les deux tâches sont compatibles. Ils répondent par l’affirmative, après avoir longuement décrypté le sens de cette dualité, unique en droit français.

Précisément, cette position originale est régulièrement remise en cause par le pouvoir politique. Depuis des années, des voix s’élèvent pour déposséder les juges des enfants de leur fonction de protection des enfants victimes ou en danger et pour recentrer leurs missions sur le pénal, la sanction, l’interdit. Les juges des enfants et tous ceux qui adhèrent aux fondements théoriques de cette dualité, notamment parce que les mineurs délinquants ont souvent été victimes de la violence avant de se l’approprier et de l’exercer, ont su éviter ce divorce. Le législateur cèdera-t-il cette fois à une telle tentation ?

Cette question est posée d’entrée de jeu dans ce livre et les auteurs ne dissimulent pas leur inquiétude. Thierry Baranger raconte sans fard ce qui fait le quotidien d’un juge pour enfants, ses doutes, ses interrogations, son soulagement quand il a le sentiment que le pire a pu être évité, le pire qui prend parfois la forme de la prison pour mineurs. Au détour d’une page, le livre nous confie la philosophie intime des auteurs : le juge des enfants est là pour "réparer et construire". Et non pas pour surveiller et punir.

Comment punir, alors, lorsque c’est nécessaire ? Une sanction peut-elle être "éducative" ? À cette question, les auteurs répondent, après quelque hésitation, par une formule sans appel : "Traiter le mal par le mal n’et pas la devise des juridictions des mineurs". Mais punir, est-ce le mal ? Les auteurs acceptent l’idée d’une pédagogie de la sanction mais rejettent fortement la fonction de "vengeance sociale" qui lui est parfois associée. La sanction n’est utile, disent-ils, que si elle est comprise, et surtout, le juge des enfants est le juge de la prévention. En ce sens, les mesures de réparation ont donné maintes fois la preuve de leur efficacité. Mais elles ne sont utilisées qu’à doses homéopathiques.

Réparation, prévention, c’est évidemment sur ces notions qu’il convient de conclure. C’est aussi sur ces notions que Denis Salas, qui préface l’ouvrage, insiste de son côté lorsqu’il écrit que la justice des mineurs ne cherche pas autre chose que "la reprise inlassable d’un lien familial décomposé ou perverti ". C’est, dit-il encore, "l’alliance du judiciaire et de l’éducatif qui a fondé la justice des mineurs".


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Crédit photo : julianacunha / Flickr.com