Cet essai adopte sur la question brûlante de l’identité une position intermédiaire : il pointe la nécessaire fonction sociale des identités tout en déconstruisant les discours identitaires existants.

La question de l’identité est l’une des lignes de fracture les plus profondes de nos sociétés. Elle est pour les uns une ligne de défense, vitale, face à la globalisation économique et aux flux migratoires, pour les autres, un marqueur politique de l’idéologie d’extrême-droite. Préoccupation centrale, quasiment existentielle, pour les premiers ; faux problème, symptôme d’une fermeture condamnable à l’extérieur et à l’altérité, pour les seconds. Réalité menacée à sauvegarder d’un côté, fantasme délétère à éliminer de l’autre. Une telle bipolarisation peut-elle être dépassionnée et considérée d’un point de vue rationnel ou bien est-elle vouée à demeurer l’irréductible antagonisme entre deux partis irréconciliables ?

Kwame Anthony Appiah, qui enseigne la philosophie morale et politique dans une université américaine, expose dans le présent essai ses vues sur une question qui n’occupe donc pas seulement les spécialistes des sciences sociales, mais aussi, et plus encore, une opinion publique qui se déchire à son propos. Ce n’est pas, pour cet auteur, un sujet neuf : on lui doit déjà, en effet, une Éthique de l’identité   et, sur un sujet connexe, traduit en français, Pour un nouveau cosmopolitisme   . En raison de ses origines familiales, il porte en outre sur ces questions un regard nourri par un double ancrage culturel : celui d’une société africaine traditionnelle, les Ashantis du Ghana, où il a grandi, et celui du Royaume-Uni, où il a étudié dans la prestigieuse université de Cambridge.

 

Des étiquettes dont nous ne pouvons nous passer

Le titre du présent essai, issu d’une série de conférences conçues pour la BBC, fournit d’emblée deux indices de la position de l’auteur. Tout d’abord, que les liens qui nous unissent collectivement ne sont jamais que des mensonges ; ensuite, que les identités ne doivent pas pour autant être congédiées, comme le lecteur pourrait l’anticiper, mais être repensées. L’auteur précise plus loin comment comprendre ces deux propositions. Pour commencer, quel que soit le genre d’identité auquel nous nous référons – il en distingue cinq et les examine successivement – nous nous trompons dans l’idée que nous nous en formons. L’erreur consiste à concevoir que les identités tiennent à des propriétés que les individus possèdent  intrinsèquement ou dont ils participent. Ce sont elles qui les affilieraient, spontanément ou naturellement. Or, cette idée est, selon Appiah, essentiellement fausse, car, soutient-il, les identités ne sont, en un sens, rien que des étiquettes (labels, en anglais) ; elles tiennent avant tout aux mots qui les nomment. Pour cette raison, elles peuvent être qualifiées, bien qu’elles nous lient effectivement, de mensongères. Curieusement, pointant la tromperie, l’auteur ne propose pas de l’éliminer, car, affirme-t-il, ces mensonges nous sont, malgré tout, indispensables. C’est que, en effet, ces étiquettes collectives ne nous divisent pas seulement, ne font pas que nous monter les uns contre les autres : seules aussi, elles permettent aux hommes de faire ensemble des choses. La tâche du philosophe est, dès lors, de contribuer à la fois à mieux les comprendre et à les réformer, d’autant plus que, nos identités ayant été forgées à partir d’idées qui prévalaient au XIXe siècle, il convient aujourd’hui de les adapter au nouveau siècle.

Cette enquête, portant tour à tour sur la religion, le pays, la couleur de peau, la classe sociale et la culture, Appiah déclare la mener en tant que philosophe. Cependant, probablement pour partie en raison du large public auquel cet essai s’adresse, il ne procède pas conceptuellement, comme le lecteur serait en droit de l’attendre. Il préfère recourir ici à de brefs récits, tantôt historiques, tantôt autobiographiques, chargés d’illustrer ses idées. L’argumentation, pas toujours explicite, doit le plus souvent, de ce fait, se lire en filigrane.

Dans un premier temps, Appiah donne une vue d’ensemble de sa théorie des identités. Après avoir rappelé que c’est le psychanalyste Erik Erikson qui a d’abord introduit, après la Deuxième Guerre mondiale, le vocabulaire de l’identité dans les sciences humaines, suivi par le sociologue Alvin W. Gouldner pour l’identité proprement sociale, il liste les principaux traits du phénomène identitaire. Pour commencer, si les identités, qui résultent de l’attribution d’étiquettes, de termes, importent tant aux hommes, c’est qu’elles ont une essentielle fonction intégratrice. Indiquant à chacun les groupes dans lesquels il s’insère, elles lui assignent ses appartenances sociales. Cette affiliation à un ou plusieurs « nous » pourvoit tout individu de règles de conduite, de valeurs et d’objectifs. Essentiellement pratique et normative, elle fournit aux hommes des réponses aux questions liées à leur orientation dans l’existence. Les identités sont également de nature relationnelle en ce sens qu’elles se définissent les unes relativement aux autres, plus : en opposition les unes aux autres. C’est là une chose bien connue : se donner une identité, c’est ipso facto se distinguer d’une autre, dire « nous », c’est aussi bien s’adresser à un « vous » ou s’opposer à un « eux ».

Les identités sont aussi, poursuit Appiah, essentiellement contestées : leur définition et, partant, les délimitations des groupes qui y répondent, sont toujours controversées et objets de luttes sans fin. Il s’ensuit qu’elles ne se conçoivent pas, en général, dans un rapport d’égalité : elles sont, le plus souvent, mobilisées pour établir des hiérarchies ou instituer des rapports de pouvoir. Ainsi, être attaché à une identité, c’est bénéficier de certaines relations de solidarité, mais c’est aussi, relativement à l’extérieur, participer de relations d’exclusion, voire de domination. Enfin, conclut Appiah, la conception que les hommes se font, presque toujours, des identités est essentialiste. Ce terme, qui fait aujourd’hui partie du sens commun critique, dénonce la métaphysique implicite à toute conception de soi comme entité fixe et immuable, donnée originairement une fois pour toutes. On lui oppose, principalement, la réalité foncièrement historique des phénomènes humains, réputés intrinsèquement mouvants et changeants. L’auteur insiste, lui, sur le fait que les identités « peuvent être maintenues ensemble par des récits, sans essence »   . Une fois les identités portées à l’existence, cette tournure d’esprit essentialiste nourrit les stéréotypes : les représentations qu’elles prennent les unes des autres sont toujours extrêmement simplificatrices et réductrices. A contrario, les images, guère plus complexes, que nous formons de notre propre identité, ont une fonction idéalisante : elles visent à l’embellir.

 

L’identité comme destin et l’identité comme projet

Une fois cette théorie posée dans ses grands traits, la stratégie d’Appiah consiste, pour l’essentiel, à pointer le caractère presque toujours idéologique des identités. Contre cette logique des idées, spontanément simplificatrice et dogmatique, il mobilise des données empiriques. Il entend ainsi montrer que les définitions et délimitations identitaires sont régulièrement démenties par les faits, lesquels illustrent que les pensées concrètes et les actions ordinaires des hommes n’y sont généralement pas congruentes. Contestant l’imaginaire identitaire dominant, il constate, multiplement, que les prétendues identités collectives recouvrent, en réalité, une pluralité et une diversité irréductibles à l’unité simple et homogène qu’elles voudraient posséder. Toujours, la réalité, avec ses différences et ses divisions sans fin, vient contredire les prétentions. Ces identités mensongères ou illusoires, Appiah les traque partout. Dans l’actualité, par exemple, lorsqu’il fait valoir que, si le Royaume-Uni a bien voté le Brexit, on ne saurait en déduire une identité anti-communautaire du pays puisque les Londoniens comme les Ecossais se sont, eux, prononcés contre. Dans le même esprit et à bien plus grande échelle, l’auteur conteste l’idée-même de civilisation ou de culture occidentale, chrétienne ou même européenne   . Ce sont là, selon lui, des représentations idéologiques dont il voudrait qu’on abandonne l’idée-même   . Qu’on oppose l’Occident à l’Orient ou à l’Islam, les délimitations opérées moyennant ces étiquettes feraient toujours violence à la réalité. Pour justifier son propos, Appiah se réfère, de manière assez convenue, à l’Andalousie arabe, où musulmans, chrétiens et juifs participaient d’une même vie intellectuelle et culturelle. Dans le même ordre d’idées, il juge illégitime que les Européens et les Occidentaux revendiquent une exclusivité sur l’héritage gréco-romain, présumé constitutif de leur identité propre, puisque les Arabes ont joué un rôle crucial dans sa transmission au Moyen Âge.

Que peut-il donc bien subsister des identités, se demandera ici le lecteur, après un tel travail de déconstruction ? Appiah maintient qu’il nous est, malgré tout, impossible de nous en débarrasser et qu’elles nous sont positivement nécessaires. Elles forment, soutient-il, un réquisit de toute existence collective et de toute action commune. Loin, donc, de vouloir les éliminer, l’auteur propose de promouvoir une autre image de ce qu’elles sont. Quelle est-elle donc ? Notre imaginaire de l’identité est grevé, analyse-t-il, par la référence mythique à des ancêtres communs. Cet appel à une origine sacralisée tend à figer les identités puisqu’il s’agit, en effet, d’être fidèle à un modèle absolu hérité de temps immémoriaux ou d’événements fondateurs. À cette représentation, Appiah oppose l’identité comme projet : elle ne serait jamais qu’un procès à travers lequel elle s’inventerait et se réinventerait sans fin   . Dans cette perspective, l’identité cesse d’être un destin qui s’impose passivement aux hommes ; tournée vers l’avenir, elle mobilise leur activité. Dans ce qu’elle peut avoir, toutefois, de positif, l’identité héritée ne saurait constituer, affirme l’auteur, une rente dont les hommes pourraient jouir passivement : il faut encore se l’approprier et la mettre en œuvre, la valoriser et la rénover   . Ainsi considérés, les héritages culturels sont, pense Appiah, à disposition de tous universellement, ils appartiennent à ceux qui s’en saisissent activement. Dans l’avenir souhaitable tel qu’il l’envisage, « chaque élément culturel serait en principe détachable de tout autre »   et tous pourraient, par suite, y choisir ce qui leur convient et, de cette manière, composer librement leurs identités. C’est aussi que, dans la perspective de l’auteur, jamais l’identité n’est, pour un être humain quelconque, unique et en cela exclusive de toute autre. Nos identités sont au contraire plurielles, pense-t-il. Appiah est ainsi logiquement conduit à adopter une perspective cosmopolitique, qu’il avait, au demeurant, défendue dans un ouvrage précédent   . Le cosmopolitisme est, aujourd’hui, pense-t-il, une nécessité, et l’enjeu en est la création d’ « une identité qui devrait nous lier tous »   .

 

Les insuffisances d’une philosophie sociale

D’une manière générale, la démonstration d’Appiah souffre d’être trop narrative et trop peu conceptuelle. Plusieurs objections se présentent à l’esprit. Il est problématique, en premier lieu, de maintenir que les identités nous sont nécessaires après avoir jugé qu’elles nous lient toutes par des mensonges. Telle que formulée par l’auteur, c’est une position obscurantiste : les hommes ont besoin de se mentir à eux-mêmes pour vivre ensemble. Comme, toutefois, elle ne correspond pas à l’esprit général de son discours, il faut en conclure à une formulation malheureuse ou, plus vraisemblablement, à une philosophie sociale mal assurée. Dans ses analyses, Appiah ne cesse de traquer les écarts entre les images que les hommes ont d’eux-mêmes et la réalité, et il procède en cela à une critique des idéologies. Pourquoi ne propose-t-il pas alors d’en finir avec les identités en substituant la vérité au travestissement idéologique ? C’est que l’auteur semble bien apercevoir, conformément à un acquis des sciences sociales, que l’esprit, sous la forme du langage et de l’imaginaire, joue un rôle important dans la constitution des réalités sociales et historiques. Son tort est de nommer mensonge cette dimension et, au fond, d’identifier l’imaginaire à la fiction. Il est aussi de nommer « étiquettes » (labels) les identités, faisant entendre de cette manière qu’elles sont des phénomènes tout artificiels et superficiels. Mais, demandera-t-on, comment donc de simples étiquettes peuvent-elles avoir un tel pouvoir de mobilisation ? En réalité, les significations imaginaires à partir desquelles une société s’institue, pour reprendre le vocabulaire de Castoriadis, ne sont pas des propositions au sens logique du terme, elles ne sont ni vraies ni fausses, puisqu’elles fixent, pour elle, les conditions du sens.

« Vous n’êtes pas décrété ‘anglais’ parce qu’il existe une essence que suit cette étiquette ; vous êtes anglais parce que nos règles déterminent que vous avez droit à l’étiquette – que vous êtes de la manière qui convient lié à un lieu appelé Angleterre. », écrit Appiah   . Certes, mais, conviendrait-il d’ajouter, une « étiquette » n’est pas alors un simple signifiant arbitrairement apposé sur des phénomènes. Elle est la signification constitutive d’une forme de vie collective ; elle ne lui est pas extérieure, mais, au contraire, l’institue en s’incarnant. De cette façon, c’est une forme sui generis du réel qui se crée et qui, en tant que telle, ne se laisse pas aisément transformer. Une société instituée n’existe pas, certes, sur le mode de l’essence, mais elle possède une forme de cohérence et de stabilité qui résiste au changement. C’est que sa persistance ne dépend pas seulement de la volonté subjective de ses membres, contrairement à ce que semble penser l’auteur lorsqu’il reprend à son compte la célèbre conception de la nation de Renan, « plébiscite de tous les jours », en l’opposant au concept d’esprit d’un peuple dans la vision romantique de Herder. Mais cette conception subjectiviste et volontariste ne voit qu’un côté des choses. Une nation a également, en réalité, un caractère d’objectivité qui s’impose aux acteurs : la volonté de ces derniers s’enracine nécessairement dans l’héritage d’une tradition qu’ils se sont appropriée par socialisation et éducation et à laquelle ils doivent d’abord leurs manières fondamentales de penser et de faire, qu’ils pourront ensuite seulement soumettre à une éventuelle réflexion critique.

La manière dont Appiah conçoit les identités tend à une philosophie nominaliste, pour laquelle les groupes n’ont pas d’existence véritable. Tous les noms collectifs sont, pour celle-ci, des manières pratiques de parler de réalités qui ne sont, au fond, que des multitudes d’individus. Dans cette perspective, les identités ne correspondent qu’à des associations conventionnelles ; elles répondent d’abord à des opportunités et tendent ensuite, en se cristallisant, à durer plus ou moins longtemps. C’est là, au fond, une conception individualiste : l’homme, c’est avant tout, pour elle, l’homme individuel, et l’homme social n’est jamais, lui, que l’effet des accords, essentiellement artificiels et provisoires, passés entre les individus. C’est pourquoi il n’y a pas trace, chez Appiah, d’un concept de totalité sociale. Pourtant, le langage de l’identité appelle, en principe, celui de l’unité : pas d’identité sans entité, comme le dit le logicien Quine, et pas d’entité sans unité, qui, s’agissant d’une société, sera celle d’une pluralité différenciée. Ce serait, pour l’auteur, verser dans l’organicisme, céder à l’image d’une société dont toutes les parties composantes seraient, comme chez un être vivant, solidaires et hiérarchiquement intégrées. Il faut admettre, pense-t-il, que toute culture « est compliquée et confuse, non pas claire et limpide »   . Il ne cesse donc pas d’insister sur le fait que les identités existantes ne divisent jamais de façon satisfaisante les groupes humains, que les délimitations qu’elles tracent sont toujours contredites par mille faits, qu’elles n’existent donc que partiellement et temporairement. Elles ne seraient aussi que relatives, chacune, à un trait, de telle sorte que, dans nos existences, ce serait toujours à de multiples identités ne se recouvrant pas que nous ferions allégeance. En d’autres termes, relativement aux identités, les réalités sociales et historiques seraient, avant tout, mélanges et brassages.

 

Identité et responsabilité

Une question cruciale surgit alors : si nous concédons à Appiah cette description des identités, comment ferons-nous pour attribuer des pensées et des actes aux personnes morales ? Une Église, un État-Nation ou un parti politique ne sont-ils pas des sujets d’attribution et ne doivent-ils pas être posés comme tels ? Sont-ils sans représentations, sans affects et sans intentions propres ? En conclurons-nous que, comme tels, les collectifs sont, en général, irresponsables ? Ce serait, on le voit aussitôt, une position intenable. Pour prendre un exemple, il est impératif, pour justifier que l’actuel État français ait à rendre des comptes sur la Rafle du Vel’ d’Hiv’ ou sur les crimes commis pendant la Guerre d’Algérie, que nous puissions lui attribuer ces actes en tant qu’entité persistant à travers le temps. Ce n’est pas céder pour autant à une conception essentialiste de l’identité de la France : c’est, plus sobrement, investir une image de soi qui engage à reconnaître des fautes passées en réaffirmant les principes et valeurs constitutifs auxquels on entend rester fidèle. Il convient donc de distinguer, comme y invite Vincent Descombes, entre d’une part l’ « identité référentielle » d’une collectivité, celle qui permet de lui attribuer sans erreur, juridiquement ou historiquement, des paroles et des actes, et d’autre part son « identité expressive », qui énonce ce qu’elle veut être positivement, et relativement à laquelle les autres peuvent juger de ce qu’elle dit et fait. Faute de disposer de cette distinction, la cible du discours critique d’Appiah à l’égard des identités reste incertaine. Tantôt, en effet, il s’en prend aux prétentions des identités expressives – ainsi : l’héritage gréco-romain que les Occidentaux revendiquent est sans effet, aujourd’hui, sur leur existence –, tantôt il s’interroge sur l’identité référentielle – ainsi : suffit-il qu’une majorité ait voté en faveur du Brexit pour qu’on puisse l’attribuer à la Grande-Bretagne tout entière ?   .

Appiah a, d’une manière générale, le mérite de se refuser à rayer purement et simplement de notre langage l’idiome de l’identité, face à l’assaut, aujourd’hui, de protestations individualistes superficielles. Néanmoins, son ontologie implicite du social le pousse vers une conception nominaliste du mode d’être du social-historique, qui part des individus pour passer ensuite seulement à leurs liaisons. De ce fait, les identités, bien que nécessaires, lui apparaissent, le plus souvent, comme des étiquettes mensongères, à la fois simplificatrices et difficiles à attribuer univoquement. Il faut bien, pourtant, que nous puissions, à un moment, établir qui a, collectivement, dit ou fait quoi. En matière pratique, lorsqu’il est question de décider et d’agir, les divisions et les incertitudes sur l’identité tombent, surmontées ou suspendues, car l’action doit trancher : impossible alors de ne pas décider de son identité sociale. Chacun est tenu, pour pouvoir s’engager, de choisir entre ses identités plurielles. Appiah entend critiquer, à juste titre, le caractère idéologique du phénomène identitaire, mais il laisse échapper, en revanche, sa dimension constitutive. Enfin, il privilégie normativement la dimension future de l’identité et minimise, corrélativement, sa dimension passée, celle de la dépendance et de la dette à l’égard des générations précédentes   . Il est enclin, de ce fait, à imaginer trop facilement qu’une identité cosmopolitique, liant les hommes universellement par-delà les identités particulières existantes, est à l’ordre du jour et à portée de main.