A travers l'histoire de l’Hashomer Hatzaïr, fondé pendant la Shoah, Levana Frenk revient sur ce mouvement encore actif en Israël.

Levana Frenk, historienne de renom, publie un livre dédié au mouvement de l’Hashomer Hatzaïr en France qui manquait à l’histoire de la communauté juive française. « Sois fort et courageux ». Le Mouvement Hashomer Hatzaïr en France 1930-1970. L'occasion de revenir à la fois sur l'histoire de ce mouvement méconnu en France et sur celle de cette historienne de renom en Israël.

 

Un mouvement de résistance juive

L’Hashomer Hatzaïr, (la Jeune Garde) mouvement scout sioniste et socialiste, a été fondée en 1913 à Lvov, dans la province de Galicie (ancienne Pologne), alors sous contrôle de l’Empire austro-hongrois. Pendant la Première Guerre mondiale, la nouvelle organisation fusionne à Vienne avec les groupes d’étudiants membres du Tseïrei Sion, ou Jeunes de Sion.

Les organisations pionnières, dites « haloutziques », ont non seulement joué un rôle essentiel dans la fondation de l’État d’Israël, mais aussi en Diaspora avant la Seconde Guerre mondiale, et surtout pendant la Shoah.

Le matin du 7 septembre 1941, les Juifs de Wilno, en Lituanie, que l’Armée rouge a évacuée au mois de juin dans le désordre, à l’approche de la Wehrmacht, sont confinés dans deux ghettos, proches l’un de l’autre. Les nazis nomment à la tête du Judenrat (Conseil juif) Jacob Gens, un homme cynique qui pense que le ghetto est une solution de sauvetage permettant de gagner du temps et de sauver des vies. Au contraire, le jeune Abba Kovner, un des chefs de l’Hashomer Hatzaïr, a compris qu’il n’y a pas d’autre issue pour les Juifs que la mort et les appelle au combat. La nuit du Nouvel An 1942, tandis que les nazis festoient, il lit au siège de l’organisation, situé au 2 de la rue Strashun, dans « le grand ghetto », une proclamation, rédigée à la main et en yiddish, intitulée : Appel aux armes :

« Jeunes Juifs, ne croyez pas ceux qui veulent vous berner. [...]

« Ne nous laissons pas mener comme des moutons à l’abattoir ! Oui, nous sommes faibles et personne ne viendra à notre secours. Mais la seule réponse à opposer à la haine de l’ennemi est la Résistance. Frères ! Mieux vaut tomber en combattants libres plutôt que de vivre à la merci des assassins. Défendons-nous jusqu’au dernier souffle ! »

A Wilno, tandis que les SS liquident par fusillade de masse les derniers Juifs dans les fosses de Ponary, une poignée de combattants de la FPO, (Fareynigte Partizaner Organizatsye), fuit le ghetto par les égouts avec son commandant Abba Kovner, sa compagne Vitka Kempner, les poètes Shmerke Kaczerginski et Avrom Sutzkever. Ils vont constituer de redoutables groupes de partisans dans les forêts de Lituanie et de Biélorussie jusqu’à la libération de la ville.

Également à Varsovie, le 18 avril 1943, quelques centaines de jeunes Juifs s’opposent aux SS en train de liquider le ghetto et de déporter ses derniers habitants vers le camp d’extermination de Treblinka.

L’Hashomer Hatzaïr, sous les ordres de Mordechaï Anielewicz et de Marek Edelman, constitue l’Organisation Juive de Combat (ZOB) qui s’associe aux jeunes du Bund (Socialistes non sionistes) et du Bétar (Organisation sioniste révisionniste). Avec des armes de fortune et des bombes incendiaires, ils tiendront tête aux SS durant 21 jours, au terme desquels le ghetto sera brûlé au lance-flammes et rasé jusqu’au sol. Morechaï Anielewicz se suicide dans son bunker encerclé, au 18 rue Mila. Seul Marek Edelman et une poignée de camarades arrivent à sortir du ghetto par les égouts.

Aussi bien à Wilno, qu’à Varsovie ou Bialystok, les combattants de l’Hashomer Hatzaïr avaient entre 14 et 24 ans.

 

La poursuite du combat en Israël et dans le monde

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Abba Kovner qui a libéré Wilno à la tête de ses partisans, sauve avec Avrom Sutzkever les archives juives disséminées dans les caves du ghetto. Il se lance ensuite dans l’organisation de l’Alyah Bet vers la Palestine, avec la Brigade juive. En dépit du Livre blanc, institué par les Britanniques, qui limite à 15 000 par an le nombre de Juifs autorisés à émigrer en Eretz Israël, il y conduit à travers l’Europe en ruines, des dizaines de milliers de survivants. Il fait aussi partie du groupe secret « Les Vengeurs » qui ont résolu d’exécuter les criminels nazis dont ils réussiraient à s’emparer. Ce sont des opérations menées par trois ou quatre personnes qui prononcent le jugement, puis étranglent ou abattent le coupable. Kovner a même résolu d’empoisonner tous les soldats allemands du Stalag 13, près de Nuremberg. Cette opération se solde par un échec : un peu plus de 2200 prisonniers qui ont mangé le pain badigeonné de cyanure, sont hospitalisés. Les Vengeurs continueront néanmoins d’agir dans l’ombre, au cas par cas, pendant de nombreuses années, jusqu’en Amérique latine.

En 1947, Kovner contribue à la formation de l’unité d’élite Givati, forte de neuf mille cinq cents jeunes soldats, au sein de laquelle il participe en tant que capitaine. Ils ont pour mission de repousser l’invasion égyptienne.

Puis devenu écrivain, il crée le Musée de la Diaspora à Tel Aviv et le Musée Givat Moreshet Yad Yaari, entre autres, dédié à la mémoire de Mordechaï Anielewicz, commandant en chef de l’Insurrection du ghetto de Varsovie. Kovner refuse de participer à la vie politique du jeune État d’Israël dont il condamne les accords de « réparation », signés entre Konrad Adenauer et le président du Congrès Juif Mondial Nahum Goldman.

Cependant, Kovner qui consacre l’essentiel de son temps à la littérature, joue depuis son kibboutz d’Ein Hakoresh, où il s’est installé avec sa femme et ses deux enfants, le rôle de prophète austère et ombrageux. La direction de La Jeune Garde lui a offert toutes sortes de postes prestigieux, qu’il a tous refusés. Le monde politique lui inspirait surtout du mépris.

 

Retour sur l'histoire de l’Hashomer Hatzaïr

L’histoire de l’Hashomer Hatzaïr dans le monde francophone n’avait pas fait l’objet d’une recherche systématique avant que Levana Frenk, historienne de la Shoah, décide d’écrire ce livre si nécessaire dans lequel elle évoque le mouvement en France, en Belgique, en Suisse, et même en Tunisie, au Maroc, en Algérie et en Égypte.

Levana Frenk qui a conservé en son cœur la ferveur de ses jeunes années, a commencé de travailler sur ce livre à partir de la correspondance de guerre de Heini Bornstein, un membre de l’Hashomer qui vivait en Suisse, pays neutre pendant la Seconde Guerre Mondiale. Il écrivait aux membres du Mouvement, dispersés en Pologne, Belgique, France, occupées par l’Allemagne nazie. La découverte de ce trésor lui a permis de reconstituer l’histoire de l’Hashomer en Europe pendant cette période tragique. Elle a aussi fouillé les archives de l’Institut à Givat Moreshet Yad Yaari et découvert un vaste fonds de documents inexploités comprenant des journaux, brochures, plans de travail, rapports d’activité, ainsi qu’une vaste correspondance entre le Mouvement en France et sa direction en Palestine sous Mandat britannique.

Levana Frenk aborde le rôle de l’Hashomer en France depuis sa fondation jusqu’aux années 1970.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Hashomer Hatzaïr qui a été fondée à Paris en 1930, commence à se reconstituer. Levana évoque notamment le rôle prédominant d’Henri Bulawko (1918-2011), un de ses membres les plus actifs.

Déporté le 18 juillet 1943 à l’âge de seize ans, Henri Bulawko est arrivé à Auschwitz trois jours plus tard. Il travaille dans les mines de charbon du camp satellite de Jaworzno et à la construction d’une usine d’électricité. Il y organise un « comité français de solidarité ». Durant « la marche de la mort », il s’évade à Gleiwitz en compagnie de Shlomo Mendelsohn, un ancien Shomer de Paris. Ayant survécu miraculeusement à dix-huit mois de camp, il en fera le récit, publié et préfacé par Vladimir Jankélévitch en 1954, sous le titre Les Jeux de l’amour et de l’espoir Auschwitz-Jaworzno.

De retour à Paris, Bulawko retrouve l’Hashomer Hatzaïr et œuvre à son redressement. Le Mouvement fonde deux maisons d’enfants et deux fermes-école pour donner aux enfants juifs orphelins un foyer de substitution, une éducation, la possibilité de s’intégrer dans la société française. Le mouvement est également engagé dans la reconstruction de la communauté juive, l’accueil d’enfants qui fuient la Pologne en route vers la Palestine, et participe à l’épopée de l’Exodus.

Bulawko a fondé la revue du Mouvement En Garde. Pour le sionisme, le socialisme et la fraternité entre les peuples.

Henri Bulawko a fondé l’Amicale des Anciens déportés d’Auschwitz et des camps de Haute-Silésie et combattu le négationnisme jusqu’à sa mort.

Dans les années 1960, les enfants de la seconde génération de la Shoah, d’origine ashkénaze et des jeunes sépharades rapatriés des pays d’Afrique du Nord se retrouvent dans ses rangs. Levana Frenk consacre de nombreuses pages au parcours de ces jeunes Shomers, dont un nombre important reviendra finalement en France.

Levana Frenk est elle-même entrée toute enfant dans les rangs de l’Hashomer à Paris. Elle y a appris, ses dix lois : une sorte de religion civique. Elle dit à propos de l’Hashomer : « On peut quitter l’Hashomer, mais elle ne vous quitte jamais. »

Le Shomer est homme de vérité et devient le gardien fidèle

Le Shomer est le pionnier de la renaissance de son peuple, de sa langue et de sa patrie.

Le Shomer « réalise ». Il combat pour la vérité, la fraternité et la liberté dans la société humaine.

Le Shomer est actif, travailleur et sait vivre du fruit de son labeur.

Le Shomer est homme de volonté qui aspire à la plénitude spirituelle et corporelle. Le Shomer est solidaire et homme de confiance.

Le Shomer est fidèle à l’Hashomer Hatzaïr, obéit à ses lois et se plie à sa discipline.

Le Shomer est fort, courageux et plein de vitalité.

Le Shomer aime la nature, la connaît et sait vivre en son sein.

Le Shomer est pur dans ses pensées, ses paroles et ses actes. Il ne fume pas, ne boit pas et est responsable de ses actes sexuels. (Cette dernière phrase est une mise à jour des années 1960).

Dans les années 1960, les membres du Mapam (parti travailliste), aile gauche marxiste du mouvement kibboutzique, établissent des liens avec Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir et Claude Lanzmann qui publient dans Les Temps modernes, un dossier sur « le conflit israélo-arabe », et s’associent à la campagne de soutien à l’État d’Israël pendant la Guerre des Six jours.

Mais à partir des années 1970, après la venue du Likoud au pouvoir, l’Hashomer Hatzaïr est en situation de crise. Ce qui conduit à une reconsidération des objectifs du mouvement. Le fait qu’il existe encore aujourd’hui prouve qu’il a trouvé en lui-même des ressources qui lui permettent de se renouveler et de continuer son action sur une voie différente. Il tente d’agir sur des problèmes très actuels comme le capitalisme débridé, la crise climatique, la promotion des villes dites « de développement » comme Bersheva, dans le Néguev, l’éducation de certaines communautés, l’intégration des réfugiés. Dans cet esprit, l’Hashomer a créé en Grèce une école pour les réfugiés de Syrie et du Moyen Orient.

Certains membres français de l’Hashomer Hatzaïr, qui après un séjour au kibboutz, sont revenus en France, se sont fait connaître dans le domaine du cinéma comme Alexandre Arcady et Diane Kurys ou de la politique tel Henri Weber.

 

Portraits de Levana et Hanan Frenk

En 1968, son baccalauréat en poche Jeannine, surnommée Levana à l’Hashomer Hatzaïr à Paris, s’est installée en Israël à l’âge de vingt ans. Devenue historienne de renom, elle a enseigné l’histoire de la Shoah aux Instituts « Massuah » (Institute for the Teaching of the Holocaust, Kibboutz Tel Itzhak, Hof Hasharon), Lohamei Hagetaot et Yad Vashem. Elle a consacré sa thèse de doctorat aux représentations de la Shoah dans les cinémas français et israélien. Elle a aussi été conseillère historique de plusieurs films documentaires dont Belzec (2005) de Guillaume Moscovitz et La Brigade des Papiers (2018) de Diane Perelsztein.

Levana et Hanan se sont rencontrés en 1965 à Jérusalem où le Mouvement les avait envoyés pendant une année pour apprendre l’hébreu, suivre des études sur l’histoire juive et se mêler à la vie en collectivité. Puis, Hanan est rentré en Hollande ; Levana à Paris.

 

Du côté de chez Levana

L’Hashomer Hatzaïr qui préconisait l’alyah et la vie au kibboutz, faisait partie intégrante de la famille de Levana. Wolf, son père, né à Monastrezyské, un faubourg de Buczacz, dans une famille de dix enfants, avait 34 ans quand la guerre a éclaté au mois de septembre 1939. Il exerçait le métier de coiffeur dans l’usine de tabac de la région. Il a été mobilisé dans l’armée polonaise et fait prisonnier par l’Armée rouge, suite aux accords Ribentropp-Molotov. Le fait d’avoir été déporté en Sibérie lui a sauvé la vie. Toute sa famille, restée en Pologne, a été assassinée au camp de Belzec.

Au mois de septembre 1939, Yankel Wygoda, le père de Rachel, mère de Levana, avait attelé un chariot, y avait fait monter sa mère et ses filles, et avait fui son shtetl de Rozan, situé au nord de Varsovie. Ayant réussi à franchir la frontière, ils se réfugièrent en URSS. Ils ont vécu dans la région de Bialystok jusqu’à l’invasion allemande de juin1941. Un jour, l’usine où travaillait Rachel a été bombardée. Elle en est sortie en courant et, au terme d’un long périple, s’est retrouvée à Tachkent, capitale de l’Ouzbékistan, où elle est restée jusqu’à la fin de la guerre.

Au lendemain de la chute du Reich, le père et la mère de Levana sont retournés dans leur village d’origine et ont constaté qu’aucun membre de leur famille n’avait survécu. Ainsi, les familles de Hanan et Levana ont-elles été victimes de l’opération Reinhardt et de trois camps d’extermination.

 

Du côté de chez Hanan Frenk

Maup (diminutif de Moshé en flamand), le père de Hanan, est né au début de la Première Guerre mondiale à Rotterdam. Il vivait dans un quartier ouvrier et fréquentait l’AJC (Arbeider Jeugd Centrale), l’Organisation de Jeunesse Socialiste à Rotterdam.

Alors que son père était brocanteur, Maup est devenu instituteur. Pendant la Grande Dépression, il a enseigné à des adultes au chômage. Malade, Maup fut hospitalisé à l’Hôpital juif de Rotterdam, où il tomba amoureux de la seule infirmière non juive qui y travaillait. Ils s’épousèrent le 1er mai 1940 parce qu’ils étaient socialistes. Dix jours plus tard, le Reich envahissait les Pays-Bas. Rotterdam fut entièrement détruite. Victime de la législation allemande, Maup licencié, devint directeur d’une école juive jusqu’à ce que les enfants fussent déportés et assassinés, avec toute la communauté juive de Hollande, aux camps d’extermination de Treblinka et de Sobibor. Marié à une non juive, Maup, jouissait d’une exemption momentanée lui épargnant les travaux forcés et la déportation. Il avait pu se procurer une fausse carte d’identité qu’il n’utilisait qu’en cas de nécessité absolue. Ses parents furent assassinés au camp de Sobibor. Le 10 novembre 1944, eut lieu la grande rafle au cours de laquelle 40 000 hommes, de 17 à 40 ans, non juifs furent déportés en Allemagne dans les camps de travaux forcés. Maup fit partie de cette rafle, mais survécut grâce au bombardement de la ville de Dresde par les Alliés. Le 13 février 1945, Maup et un ami étaient interrogés brutalement au siège de la Gestapo, à Gronau, lorsque les sirènes de l’alerte anti-aérienne se mirent à rugir. Les gestapistes les abandonnèrent pour courir dans les abris. Maup et son ami prirent la fuite et regagnèrent Rotterdam, où Maup fut caché par son épouse.

 

Retrouvailles de Hanan et Levana

Trois ans après leur rencontre à Jérusalem, Hanan et Levana ont été intégrés au sein d’un groupe européen venu renforcer le kibboutz de Revadim, en difficulté. Ils ont fait leur service militaire ensemble. Au terme des six premiers mois, pendant la période de « la Guerre d’Usure », ils furent envoyés dans un poste frontière dans le désert de l’Arava, au nord d’Eilat, face à la Jordanie.

Un matin, Hanan et sa patrouille partirent à la poursuite d’individus infiltrés en Israël, depuis la Jordanie. A la tombée de la nuit, le 26 juin 1969, en retraversant la frontière, une mine explosa sous son half-track. Ses deux jambes furent déchiquetées. Une demi-heure s’écoula avant son transfert à l’hôpital, durant laquelle il perdit beaucoup de sang d’une blessure à l’artère fémorale, qu’il est impossible de comprimer avec un garrot. De constitution robuste, Hanan a survécu jusqu’à son hospitalisation, mais il a été amputé des deux jambes. Mais il continuait de perdre beaucoup de sang ; ses médecins jugeaient ses chances de survie négligeables.

Ses parents, alertés par l’Ambassade d’Israël, arrivèrent en Israël. Hanan a raconté son ordalie dans un beau roman intitulé Petek, publié en France chez Denoël en 2008. Malgré les séquelles de ses blessures, Hanan a fait une étincelante carrière de chercheur et de professeur de psychologie à l’Université de Tel Aviv. La liste de ses travaux et de ses publications dans des revues scientifiques remplit plus de vingt pages.

Cela dit, l’histoire de son union avec Levana est tout aussi singulière. La mère de Hanan n’étant pas juive, Hanan n’est pas considéré comme Juif en Israël, où il n’existe qu’une seule forme de mariage, la cérémonie religieuse. Cela signifie que chacun se marie selon sa religion. En 1970, la Knesset a voté une loi définissant « qui est Juif ». Seul est considéré comme juif celui qui est né d’une mère juive. Ainsi, après avoir servi l’État d’Israël et lui avoir sacrifié ses deux jambes, Hanan ne pouvait pas épouser l’élue de son cœur en Israël ! Pendant l’été 1970, Golda Meir rendit visite à Hanan dans son kibboutz pour lui expliquer la raison pour laquelle elle avait fait voter cette loi par la Knesset. Elle lui a dit qu’il pouvait se convertir « en un rien de temps », et qu’il fallait être pragmatique sur cette question. La réalpolitique d’abord, les principes après. Elle lui a même dit que mentir à un rabbin était une mitzvah. Hanan a osé lui répondre qu’elle était une menteuse. Ce qui n’a pas affecté Golda.

Hanan et Levana se sont mariés le 10 août 1975 à Rotterdam. Hanan n’a pas voulu perdre sa nationalité hollandaise, la Hollande n’acceptant pas la double nationalité. Il est résident permanent car, en tant que citoyen israélien, il ne pourrait ni se marier ni divorcer. L’état civil reste aujourd’hui encore la prérogative des rabbins. Il est évidemment possible d’être inhumé en Israël dans des parcelles laïques, dans un cimetière chrétien ou musulman.

L’histoire de la Shoah ne peut être terminée et continue de hanter la mémoire des Juifs en Disapora et en Israël.

Un jour de ses 26 ans, alors qu’elle était déjà mariée avec Hanan et mère d’une petite fille, Levana a découvert chez Rachel, sa mère, des photos d’une femme et d’enfants inconnus. Il s’agissait d’un secret bien gardé par ses parents. Rachel lui a alors révélé que son père était marié en Pologne avant la guerre. Il était le père d’une petite fille, et de peut-être deux, car la seconde était née tandis qu’il était au Goulag. Son épouse et ses deux fillettes ont été gazées au camp de Belzec. Levana ignore jusqu’à leur nom.

 

N.B. à propos de Lvov et Wilno :

- Lvov, située en Galicie, région polonaise attribuée à l'Autriche à l'issue des partages de la Pologne à la fin du XVIIIe siècle. La ville fait partie de l'Empire austro-hongrois jusqu'en 1918, sous le nom de Lemberg. Elle est intégrée à la Pologne indépendante de 1918 à 1939 et s'appelle Lvov. Elle entre dans l'Ukraine soviétique, après 1945. Après la fin de l'URSS en 1991, la ville devient Lviv dans l'Ukraine indépendante

- Wilno fait partie de l'Empire russe jusqu'en 1918. Elle est intégrée à la Pologne indépendante de 1918 à 1939. La ville fait partie de la Lituanie soviétique après 1945, et en devient la capitale sous le nom de Vilnius