Cette édition collector en grand format illustré du dernier livre de René Daumal est accompagnée de documents originaux et de photographies inédites.

Ce livre a été publié à l’occasion de l’exposition « Monts analogues », organisée par le Frac Champagne-Ardennes, sous la direction de l’auteur Boris Bergmann et de Marie Griffay, du 16 au 23 décembre 2021 à Reims. Le Mont Analogue, « roman d’aventures alpines, non euclidiennes et symboliquement authentiques », selon la formule de Daumal lui-même, est resté inachevé, sur une virgule qui ouvre son cinquième chapitre à l’infini.

Son auteur est mort de la tuberculose le 21 mai 1944. Le roman a été publié pour la première fois en 1952 dans la collection « Blanche » de Gallimard. Ce livre « n’est pas seulement un texte littéraire important, il a aussi servi de repère à plusieurs générations de créateurs, à l’instar de la chanteuse et poète Patti Smith ou du réalisateur Alejandro Jodorowsky. Peintres, musiciens, sculpteurs ou cinéastes : tous ont lu et aimé Le Mont Analogue, tous s’en sont servi comme d’une source d’inspiration », indique le directeur de cette publication.

 

Une vie libre et une quête spirituelle

René Daumal est né le 16 mars 1908 à Boulzicourt, petit village des Ardennes ; au collège de Charleville, il a été sensible aux résonances rimbaldiennes ; au lycée de Reims, il rencontre Roger Gilbert-Lecomte, avec qui il formera un clan, « Les Phrères simplistes », avant de partir pour Paris et le lycée Henri-IV et de rater Normale Sup à cause d’un accident de gymnastique la veille du concours. À l’été 1927, il découvre l’alpinisme et l’émerveillement procuré par la poursuite des hauteurs. Le clan devient un groupe aux ambitions radicales, poétiques, révolutionnaires, « Le Grand Jeu », qui donnera naissance à la revue du même nom. Daumal se lie d’amitié avec le peintre tchèque Joseph Sima, le dessinateur Maurice Henry ou le photographe Arthur Arfaux. André Breton échoue à ramener dans le droit chemin surréaliste ces jeunes gens bien trop libres à son goût.

Après l’échec du « Grand Jeu » et l’éclatement des amitiés adolescentes, Daumal, dans sa quête spirituelle, s’intéresse au sanskrit et à l’Inde ; il devient l’attaché de presse du danseur indien Uday Shankar, et voyage aux États-Unis avec sa troupe. Il publie son premier recueil de poésie, Le Contre-ciel, en 1936, et son premier roman, La Grande Beuverie, en 1939. Sa femme, Vera, d’origine russe, est juive, ce qui oblige le couple à vivre en exil, avant son retour à Paris à l’automne 1943. Boris Bergmann souligne, dans son introduction intitulée « L’infini inachevé », que malgré sa mort précoce, Daumal possède une force insoupçonnée et est l’auteur d’une œuvre foisonnante : « poésies, essais, articles, traductions, dessins, contes, piques pataphysiques, correspondances, romans. Tout n’a pas été publié, et cette édition donne à lire quelques écrits inédits […] retrouvés dans les archives dispersées de l’auteur ».

 

Un livre à lire et à voir

Les documents originaux, dessins, tableaux, photographies, manuscrits, publiés ici pour la première fois, proviennent des collections d’institutions renommées comme le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris et la bibliothèque Jacques-Doucet, ou de collectionneurs célèbres comme Patti Smith, qui signe la préface et l’épilogue de ce beau livre : « Lorsque j’étais jeune, je m’imaginais souvent voyageant dans le passé, munie de lait de brebis et de streptomycine pour soigner la tuberculose de René Daumal. Suffisamment pour lui redonner des forces, de sorte qu’il puisse tenir la plume et continuer son œuvre, écrite dans la langue de la montagne. Mais il y a peu, j’ai fait un rêve totalement différent à son propos. […] Je le voyais fiévreux, soutenu par des oreillers. Il ne désirait plus rien. Il ressentait une force aussi palpable que le vent. Il voyait le jeune arbre plier, le sang chanter dans la main, le silence de l’amour. Et tandis que la terre s’éloignait, il sentait une palpitation, un souffle sur sa joue. Le souvenir élastique d’une vie à venir. »

 

Contenant des articles de Cécile Guilbert et de Billy Branty, des entretiens, notamment avec Philippe Pareno, et des ouvertures vers les « artistes alliés », comme Raymond Hains, ce très beau livre pose à la nouvelle génération l’ultime question de Daumal : « Et vous, que cherchez‑vous ? »