L’un des spectacles les plus attendus de la saison dirigé par Gustavo Dudamel et mis en scène par Bob Wilson.

C’était l’un des spectacles les plus attendus de la saison. Non seulement parce que le chef qui le dirige n’est autre que Gustavo Dudamel dont c’est la première saison à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Paris, mais aussi parce que le metteur en scène en est Bob Wilson. Certes les Parisiens ont eu tout loisir ces dernières années de se familiariser avec le style de Wilson, alliage singulier de symbolisme et de géométrie. Les habitués de l’Opéra-Bastille ont ainsi pu apprécier son Pelléas et son Butterfly, maintes fois donnés. Sa vision de Turandot était d’autant plus attendue que cet opéra inachevé, le dernier de Puccini, a en commun avec Pelléas et Mélisande une inscription dans des temps quasi immémoriaux et ainsi qu’un rapport au wagnérisme plus qu’ambigu. L’ordinaire du vocabulaire stylistique du metteur en scène y fait merveille. Panneaux mobiles, décors parfois réduits à un simple écran monochrome, à-plats lumineux, couleurs qui virent progressivement du bleu à des nuances plus froides, presque métalliques… Dramaturgie glacée, épuration extrême, tout contribue à creuser les contrastes du livret sur lesquels joue Bob Wilson : oppositions entre jour et nuit, entre hommes et femmes, entre amour et haine, entre pitié et cruauté… Chez Wilson, le quasi-statisme est la règle : souvent situés sur une seule ligne, à l'avant-scène, les chanteurs bougent rarement, interagissent peu entre eux. Dans cette perspective minimaliste que l’on pourrait parfois qualifier de « maniériste », il est même difficile de parler d’un véritable jeu de scène : influence, peut-être, du Bunraku et du théâtre nô, Wilson semble être un marionnettiste guidant au millimètre près le moindre geste des protagonistes, ainsi paré d'une valeur symbolique.

De Turandot, livret, style, musique relèvent pour l’essentiel de l’art occidental. Et même quand Puccini utilise des thèmes chinois, c’est à l’européenne qu’il les harmonise. Quant aux nombreux instruments à résonance prolongée — le xylophone, le glockenspiel, les gongs, les cloches —, ils sont certes un clin d’œil à l’Orient mais ils participent aussi à la fixation du temps dans une éternité tantôt paisible, tantôt tragique. Confondant d’aisance et de charisme, Dudamel porte d’une main experte l’orchestre et les chœurs de l’Opéra national de Paris. Direction souple et expressive, ses choix interprétatifs ne se font jamais au détriment de la beauté des phrases. Ses musiciens et lui font d’ailleurs clairement ressentir le plaisir qu’ils éprouvent à jouer une partition si richement orchestrée.