Le New York Times Magazine (18 mai 2008) analyse en Une le phénomène McCain, septuagénaire fringuant et candidat républicain à la Maison-Blanche. Dans cette course à l’investiture suprême, il est celui qui part avec tous les désavantages : candidat malheureux en 2000 – laminé verbalement par un camp Bush sans-pitié, chantre de l’interventionnisme "dirigé" et dernier soutien à la guerre en Irak. McCain a pourtant réussi à enlever facilement la nomination républicaine que l’on disait promise à des politiques plus aguerris, lui, l’homme qui a fait campagne en 2000 sur une politique encore plus belliqueuse que celle de l’actuel président honni. Aussi lui, le politicien "proche des gens", bénéficiant d’une popularité personnelle indéniable.  

Difficile de parler de John McCain sans évoquer son "passé guerrier". Il a ainsi bâti une grande partie de sa carrière politique sur son statut d’ancien prisonnier de guerre au Vietnam et sa campagne présidentielle ne cesse également d’y faire écho. Il fait parti de cette génération de "politiques-héros", véritable lobby transcendant souvent l’alignement partisan. On y trouve, en plus de John McCain, trois autres sénateurs : Chuck Hagel (républicain), John Kerry et Jim Webb (tous deux démocrates), de même que d’anciens collègues tels Bob Kerrey, Max Cleland et Chuck Robb. Pourtant, sur ce fond de solidarité combattante, McCain se démarque : capturé en 1967, il a passé la majeure partie du conflit en captivité. Matt Bai, l’évoque subtilement, et nul n’en fera mention ouvertement parmi les sénateurs, mais McCain n’a pas partagé la même expérience au Vietnam que ses frères d’armes : isolé du débat national, il n’a pas été de ceux qui se sont retournés progressivement contre le gouvernement Johnson, incapable de gérer la crise. Cette différence de perception est souvent, et parfois opportunément, utilisée pour expliquer les récentes prises de positions du candidat.

Alors qu’aujourd’hui, beaucoup comparent, parfois à tort d’ailleurs, l’Irak au Vietnam, on comprend mieux les déchirements du vétéran McCain. S’il ne justifie pas, à la lumière notamment de la gigantesque mystification des "armes de destruction massive", l’intervention de 2003, le candidat résume sa pensée à : les États-Unis, que ce soit bien ou mal, sont intervenus, il n’y aura pas de retrait avant que la situation ne soit stabilisée. Longtemps précautionneux dans ces prises de positions en politiques étrangères, McCain semble revivre aujourd’hui, au moins en partie, le drame du retrait vietnamien, réalisé sous la pression de l’opinion publique, avant que le pays ne soit "stabilisé" et que des forces locales ne soient formées pour prendre le relais.  

Les conflits asymétriques peuvent-ils réellement être "gagnés" ? Pour remporter la campagne, McCain devra convaincre, persuader l’opinion américaine que le "devoir" impose aux États-Unis de rester en Irak.  Aujourd’hui, il le dit lui-même : "Je préfère perdre une campagne qu’une guerre", il risque pourtant en novembre de perdre les deux. 


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Crédit photo: couverture du NYT Magazine 18 mai 2008