Les notes et documents laissés par Gaston Revel constituent un instantané de la vie communiste en Algérie.

Les militants communistes originaires d’Algérie occupent une place à part en raison de la ligne apparemment contradictoire du Parti sur la question algérienne. Alain Ruscio a ainsi montré que la politique du Parti et l’engagement des militants étaient beaucoup plus clairs que l’impression laissée par la mémoire commune, qui a longtemps considéré que le PCF ne s’était pas réellement opposé à cette guerre   . Les carnets de Gaston Revel en sont une preuve supplémentaire.

 

Devenir communiste

L’ouvrage est constitué de documents épars conservés par Gaston Revel – lettres, articles de presse et photographies – qui permettent d’illustrer les modalités d’adhésion, les formes d’engagement et la fidélité des militants communistes en situation coloniale.

Né en 1915 près de Carcassonne, dans une famille républicaine socialisante et catholique, il devient instituteur en 1933. Comme une grande partie de sa génération, il est empreint de pacifisme et d’internationalisme. En 1936, Gaston Revel est envoyé à sa demande en Algérie pour enseigner aux autochtones. Marqué par le Front populaire, il en approuve le programme et est choqué par le soulèvement franquiste en Espagne. Il éprouve un temps des sympathies pour l’anarchisme. Son initiation politique souligne des choix non définitifs, oscillant entre les différentes familles de la gauche.

En Algérie, il commence aussi à apprendre les rudiments de kabyle. C’est à l’armée que se forme son attachement à l’URSS, pour laquelle il éprouve une véritable fascination, mélangeant le charme d’Octobre et l’antifascisme communiste. Mobilisé en 1939, il ne prend pas part aux combats et retourne enseigner en Algérie où il est nommé instituteur. Choqué par la misère des populations locales, ses descriptions ressemblent à celles de Camus dans Misère de la Kabylie. Affecté à Bougie en 1942, la ville est libérée quelques semaines plus tard. Il participe au débarquement de Provence, après une nouvelle mobilisation, au cours duquel il ne prend guère part aux combats.

 

Militant

Démobilisé, il retourne en Algérie où il enseigne jusqu’en 1954. Ce retour marque son adhésion formelle au Parti communiste, dont il adopte la ligne favorable à l’indépendance nationale tout en se méfiant des partis nationalistes, trop éloignés de l’URSS. Le Parti communiste algérien s’inscrit strictement dans la politique stalinienne faite d’internationalisme prolétarien et de défense de l’URSS, elle-même garante de la paix. C’est la position soutenue par Gaston Revel, dont Alexis Sempé livre de larges extraits, montrant sa fidélité sans faille.

Son univers culturel est alors exclusivement celui du Parti, fait de la lecture des journaux (L’Humanité, Liberté et Alger républicain) du Parti et des œuvres des théoriciens, de Marx à Staline. Il se forme en suivant à distance les cours de l’école du PCF, puis participe pleinement à la contre-société communiste, ne vivant que par et à travers elle. Il gravit alors les échelons de l’appareil devenant secrétaire de section et candidat aux cantonales. L’appartenance se double d’un militantisme syndical.

Si le phénomène est classique, sa particularité réside dans son militantisme aux côtés des Algériens. C’est en partie ce qui explique les listes communes aux élections municipales de 1953 avec l’Union démocratique du manifeste algérien, animée par Ferhat Abas. Avec l’insurrection de 1954, Il se retrouve pris dans un étau, ne voulant pas rejoindre le FLN, ni soutenir la colonisation, il finit par obtenir son retour en métropole où il participe aux actions du PCF contre la guerre. L’originalité du parcours de Revel tient dans son retour en Algérie entre 1962 et 1965. Le conflit entre le Parti communiste algérien et le FLN s’envenime à partir de 1963, Revel est quelques temps arrêté en raison de ses positions. Il rentre en France en 1965 soutenant toujours l’action du PCF jusqu’à sa mort en 2001.

 

Alexis Sempé livre à travers la sélection de documents un outil utile à la compréhension du communisme en Algérie, en dépit parfois d’une empathie trop grande envers son sujet d’étude.