Un essai qui nous invite à relire René Char, poète de la beauté, de la révolte et du partage.

La beauté en partage. Essai sur la poésie de René Char apporte une vision renouvelée de cette poétique qui clame le frisson de la beauté dans la vie, mais aussi la douleur et le chagrin, parfois. Il n’est pas question d’une quête solitaire, mais d’un partage qui rappelle combien est essentielle la splendeur dans un présent qui tend à l’estomper. Dans son essai, Corinne Bayle, professeur de littérature française à l’École normale supérieure de Lyon et spécialiste de la poésie des XIXe et XXe siècles, se propose d’en révéler le sillon pour mieux construire la figure tutélaire du poète.

 

Révolte et partage

La Beauté se livre comme un choix exigeant force et constance et se heurtant à la réalité du monde. Elle implique un cheminement du poète, scandé par les différents deuils, notamment celui de son père, emporté par un cancer en 1918. Cette douleur aide à se saisir de la vie et à donner en partage aux autres les expériences appelant à la communion. Alors que durant sa jeunesse René Char s’affilie aux surréalistes, l’expérience de la maladie puis de la guerre délient la poésie, la menant sur le chemin de la révolte, mais sans l’asservir : elle est cri de révolte contre tout régime totalitaire. La poésie devient ainsi éclairante car elle ouvre les yeux aux hommes.

 

Un poète du cosmos

La poésie participe à une expérience intense, tragique, de la guerre, mais célèbre également la beauté des paysages, comme ceux de Provence (voir les Feuillets d’Hypnos). La nature y est chantée (et notamment la terre, les pierres et surtout l’eau, celle de la Sorgue, métaphore de la poésie) dans une véritable érotisation du paysage qui fait écho à l’évocation des amours du poète, comme dans « Chanson pour Yvonne ». Char est le poète du cosmos, en totale osmose avec un monde qui l’émerveille. De fait, sa poésie est universelle, embrassant tout le vivant, à commencer par les animaux : un bestiaire riche en symboles rappelle que les animaux sont des passeurs entre le monde et l’homme, l’invisible et le visible.

Mémoire ancestrale, permanence sauvegardée, la poésie évoque alors un temps mythique, et le poète devient un guetteur qui sait donner à voir la beauté du réel. Toujours sensible à toutes les formes d’art, notamment picturales, Char multiplie les collaborations pour enrichir son œuvre de formes renouvelées grâce à la calligraphie et à la peinture.

C’est donc la figure du poète qui transfigure cette beauté omniprésente nourrie d’un je à la fois singulier et universel, rappelant ainsi que l’artiste est dans une position d’attente, toujours à l’affût de l’infini.