Une impressionnante somme collective consacrée à la critique musicale au XXe siècle en Occident.

Cette somme spectaculaire de 1563 pages résulte d’un vaste travail collectif dirigé par une vingtaine de spécialistes, dont Timothée Picard, qui ont eu recours à plus d’une centaine d’auteurs venus de nombreuses disciplines dans le cadre d’une commande de l’Institut universitaire de France. L’ouvrage propose la synthèse finale d’une quinzaine de colloques et de journées d’études tenus de 2013 à 2016. On l’aura compris, ce livre est la première synthèse du genre à rassembler des articles portant sur la critique musicale en Occident. L’ambition et la particularité de l’ouvrage résident ainsi dans la multidisciplinarité appliquée aux genres musicaux hérités, renouvelés, voire propres au XXe siècle (jazz, rock et « musiques actuelles »). D’une belle envergure internationale, ce résultat impressionnant offre un panorama inédit des points communs et différences qui relient les différentes théories et conceptions de la critique appliquée à la musique inévitablement en lien avec le champ littéraire. Cette heureuse initiative comble partiellement un vide, car si l’étude de la critique musicale a largement progressé en ce qui concerne le XIXe siècle – on pense aux travaux fondateurs de Christian Goubault, à ceux, plus récents, d’Emmanuel Reibel, aux avancées permises par le groupe de recherche « Francophone Music Criticism » – le XXe siècle demeurait jusqu’à présent un chantier nettement moins abouti. Par ailleurs, cette nouvelle entreprise synthétique et hautement comparatiste s’inspire autant de ce qui a déjà été fait pour le siècle de Berlioz qu’elle renouvelle les approches de manière à mieux cerner les spécificités des genres musicaux qui se sont développés au XXe siècle.

Cette nouvelle vaste entreprise cherche à déterminer trois éléments problématisés qui en constituent la structure thématique : inventorier les conceptions et théories de la critique musicale comparée aux autres formes de critique ; identifier les acteurs de la critique, leurs différentes pratiques ainsi que les conflits inhérents au genre ; déterminer les particularismes des aires culturelles et linguistiques qui composent l’Occident. On précisera qu’une quatrième partie se penche tout particulièrement sur le cas des musiques dites « populaires » (jazz, rock et musiques actuelles) et dont la terminologie, on le sait, pose problème. Comme le laisse entendre Timothée Picard dans son avant-propos, le principal défi a consisté à concilier les approches monographiques des auteurs grâce à un certain nombre d’exigences communes liées au traitement de leur sujet et de manière à viser la synthèse tant recherchée par ce type d’ouvrage collectif où demeure le danger d’une trop grande dispersion. Comme tout travail pionnier qui aspire à ouvrir de nouvelles perspectives, de l’aveu même de Timothée Picard, cette somme ne peut couvrir de façon parfaitement homogène tous les champs qu’elle aborde, voire qu’elle néglige (comme la chanson de la première moitié du XXe siècle). Il n’en demeure pas moins que l’ouvrage s’avère spectaculaire par l’utile richesse de ses thèmes, par le traitement performant d’environ 140 études de cas mises en commun par une rigoureuse structuration et à l’aide des conclusions qui ponctuent chaque partie.

La critique musicale au XXe siècle, éditée par les Presses Universitaires de Rennes, témoigne d’un heureux engouement collectif en faveur de la musicographie considérée comme l’ensemble des écrits qui portent sur la musique. Cet encouragement en faveur de l’interdisciplinarité marque incontestablement une étape clef.