Camille Saint-Saëns s’amuse en 1920 à pasticher le chef d’œuvre de Maurice Maeterlinck, Pelléas et Mélisande. L’occasion de mieux cerner les goûts littéraires de Saint-Saëns, ainsi que son humour.

Adressée par courrier à une amie proche, cette parodie datée de 1920 consiste pour Saint-Saëns à railler la veine symboliste. Le compositeur s’amuse à imiter le style de Maurice Maeterlinck. Merdiflor et Cacahouette n’est autre que Pelléas et Mélisande. Ce petit texte humoristique sans prétention est une forme d’amusement littéraire où le musicien s’égaie à évoquer, non sans finesse, l’univers théâtral du prix Nobel de littérature 1911. Allergique semble-t-il à cet art de l’indétermination et du mystère, Saint-Saëns, bien au contraire, s’évertue dans tous ses opéras à préciser et à expliciter au mieux l’action, qu’elle soit de nature biblique, mythologique ou historique. Il ne peut qu’être réticent à l’idée d’adapter l’œuvre maeterlinckienne qui séduit pourtant nombre de compositeurs français, à l’instar de son ami Gabriel Fauré (en 1898) et de Claude Debussy (en 1902) dont il n’est pas un admirateur.

Se moquer du symbolisme de Maeterlinck n’est pas automatiquement l’aveu d’une condamnation complète de ses écrits. Cette facétie de Saint-Saëns ne montre-t-elle pas une assez bonne connaissance des œuvres à succès de l’écrivain belge (le texte de Saint-Saëns renvoyant à d’autres ouvrages de Maeterlinck) ? Il n’est d’ailleurs pas le premier à parodier Pelléas et Mélisande, à l’image de Marcel Proust qui s’y essaie également en 1911. Le vieux compositeur s’amuse simplement à caricaturer ce qu’il considère comme l’inaction, voire le caractère abscon d’une pièce dont il n’envisage bien entendu pas l’adaptation en musique.

La publication de ce texte inédit de Saint-Saëns témoigne de son intérêt pour la littérature et de sa capacité à en faire un objet d’amusement. L’humour tient une place importante chez celui qui incarne par excellence l’École de musique française et l’académisme de la Belle Époque. Telle est la vertu de Merdiflor et Cacahouette, celui d’offrir aujourd’hui aux yeux du plus grand nombre la propension de Saint-Saëns à rire avec ceux dont il se sent proche. Cette drôlerie révèle en outre la complexité d’un personnage que l’on ne saurait réduire à son caractère sérieux et officiel.

À l’occasion du centenaire de la disparition de Saint-Saëns, l’on ne peut que saluer l’engagement d’un éditeur tel que « Les Petites Allées », situé à Rochefort, et dont le travail artisanal permet de produire un petit ouvrage d’une belle facture. Le texte de Saint-Saëns bénéficie de l’éclairage de Stéphane Leteuré qui offre une version longue de son analyse sur le site de l’éditeur. La caricature de Benjamin Ramm apporte enfin en couverture une touche en adéquation avec l’objet du livre.