Les chroniques économiques de J.-M. Sylvestre réunies ici visent à rendre accessible l'économie. Pari risqué quand on exclue le raisonnement économique lui-même.

Pour ceux qui ne se lèvent pas assez tôt (ou qui sont sur une autre radio…) pour entendre la chronique matinale de Jean-Marc Sylvestre sur France Inter, le mépris des économistes et la haine des sites de gauche restent un mystère que la publication de ce livre parviendra à dissiper.

 

Dans l’introduction, l’auteur divise l’humanité en deux catégories    : ceux qui comprennent quelque chose à l’économie, et les autres. Les premiers ont nécessairement un regard positif sur l’entreprise et le profit, tandis que les seconds sont évidemment aveuglés par des œillères idéologiques (une petite comparaison avec la Corée du Nord donnera l’image de leur ignorance) ou bien trompés par les erreurs des politiques. Heureusement, Jean-Marc Sylvestre se classe parmi les premiers, et s’attelle (« comme un instituteur ») à l’édification des seconds.

 

Suivent une grosse centaine de chroniques d’une à cinq pages, réparties en treize grands thèmes (« La mondialisation en marche », « Comment piloter l’économie », « Les clefs de la bourse »…) où l’on trouve pêle-mêle deux ou trois chiffres, les évènements entendus au journal du matin remis dans une forme narrative plus ou moins agréable, des semblants de « grandes évolutions » (la montée de la Chine, les cycles d’affaires aux Etats-Unis), etc.

 
Ce qui gène le plus à la lecture de ces pages, ce ne sont pas les énormités (« La Bourse a été de tout temps au cœur du fonctionnement du capitalisme » : et moi qui croyais que c’était les banques ! ; « L’idéal serait que les dépenses de recherches atteignent 10% du PIB », alors que les pays les plus intensifs en recherche ne dépassent pas 4,5%), ce ne sont pas non plus les contradictions à quelques pages de distance, puisqu’on peut y voir la difficulté et, quelque part, le courage du commentaire quotidien. Non, ce qui gêne, dans ce soi-disant livre d’économie, c’est l’absence totale de raisonnement économique.  Oui, on peut être en faveur de la libéralisation de la finance, de la baisse de la fiscalité, ou du libre-échange commercial. Mais un raisonnement économique, ce n’est pas dire « l’Allemagne a libéralisé son marché du travail et s’est désendettée donc elle croit plus vite ». C’est expliquer en quoi les changements de structure modifient les actions des individus, mettre en évidence les effets keynésiens ou non keynésiens de la dette, etc.

Coller deux faits ensemble, raconter les luttes de pouvoir à EADS, ce n’est pas de l’économie. Et finalement, le titre de cet ouvrage apparaît comme de la publicité mensongère…