Charles Pennequin est né en 1965 à Cambrai. Il écrit depuis 1993 et a publié plus d’une cinquantaine de livres, plaquettes, disques et vidéos, où il « gesticule ».

Les drôles de « bobines » de Pennequin, poète actionniste

Par son œuvre si singulière et sa langue toute en « performances », Charles Pennequin incarne sans doute – avec Novarina et Prigent – une époque de la poésie : « J’ai tout fait pour étouffer mais j’écris », rappelle celui qui dans Père ancien rassemble diverses pièces essaimées au fil du temps, de 1996 à nos jours.

La devise de ce livre de poèmes est déceptive : « Je pus : mais je pus peu ». Oscillant entre « plus que peu, moins que peu », le poète négocie en permanence avec l’épuisement de la parole. Cette angoisse laisse pourtant la place à des litanies, à des chants intérieurs, à des « bobines » qui se déroulent puis s’enroulent à nouveau, selon une figure que Freud nomma le fort-da.

 

Parler vrai

L’auteur – beckettien par essence – sort toutefois de cette dialectique en luttant résolument pour la vie et donc contre la mort. Une musique naît par un jeu de reprises et de filages inconscients et mystérieux qui n’est pas sans rappeler l’œuvre de la poétesse Edith Azam (née en 1973) et ses ritournelles douces autant que violentes.

Dans ces textes, il s’agit toujours de « débloquer » à la fois les paroles, les dogmes et même les mausolées que sont les livres, et ce en recourant au tournoiement des mots, qui ne « parlent vrai » que quand il sont tourmentés, comme par Flaubert et Beckett, les deux grands maîtres de Pennequin.

 

L’état de naissance

Dans Père ancien, au titre quasi biblique, chaque poème se veut resserrement, « un spot dans la nuit », jusqu’à la surprise du dernier vers et de sa coupure. L’auteur « veut accrocher quelque chose » dans la petite forme du peu, du nul, du resserré, pour saisir le vide de soi-même.

Obsédé par l’état de naissance, Pennequin, à la manière de Prigent et Novarina, traverse la langue idéologisée pour que la langue babillarde de l’enfance renaisse hors de l’aliénation. Ce livre parle depuis le ras de la terre, du « jardin », au cœur du grouillement de « l’armée noire des déloquetés », reprenant les « chansonnettes crapuleuses des gens ».

Pennequin veut ainsi « parler pour rien », mais pour mieux dire. Il trouve, chez ses collègues de travail comme à la télévision (en particulier dans la série Urgences...) de quoi faire des poèmes « avec des trous ». Car il ne s’agit pas d’écrire « du cercueil mais de la vie ». C’est pourquoi une telle poésie, qui s’inscrit dans la continuité de Rimbaud comme de Boris Vian, de Pink Floyd comme des Frères Jacques, est chaleureuse, rusée et prenante.