Dans l'épisode 93 d'Histoire en séries, Ioanis Deroide présente une des séries les plus regardées à travers le monde dans les années 2010 : Downtown Abbey.

Ioanis Deroide (*) présente ici la série britannique Downtown Abbey, une des séries britanniques les plus marquantes de ces dernières années : une série emblématique du savoir-faire britannique, en particulier en matière de period drama, mais aussi un grand succès international, en particulier aux États-Unis et en Asie orientale.

La série observe la vie d’une demeure et d’un domaine aristocratique anglais sur une durée de 15 ans, de 1912 à 1927, en suivant deux groupes : les maîtres (la famille Crawley) et les valets, les employeurs et les employés, ceux d’en-haut et ceux d’en bas. Elle s’étend sur 6 saisons, soit une cinquantaine d’épisodes diffusés entre 2010 à 2015 et adaptés pour le cinéma par un film sorti en 2019.

Dans cet entretien, Ioanis Deroide montre que la série s'appuie sur des événements historiques précis. Le premier épisode s'ouvre sur la nouvelle du naufrage du Titanic, puis les suivants traversent la Première Guerre mondiale et l’Après-guerre, avec en toile de fond la question irlandaise (la guerre d’indépendance se déroule en 1919-1921). En arrière-plan, l’histoire culturelle voit émerger les Roaring Twenties (les “années folles”) ou la mode égyptienne, qui dans la saison 6 à la suite de la découverte de la tombe de Toutankhamon en 1922. Mais ce qui intéresse le plus la série, ce sont les relations sociales et leurs évolutions, replacées dans les conditions d'époque, à commencer par l’émancipation odes femmes, sur laquelle la série jette un regard conservateur et nostalgique dont son créateur Julian Fellowes ne s’est jamais caché.

La formule de Downton Abbey doit beaucoup à une autre série historique du début des années 1970, Upstairs, Downstairs, diffusée en France sous le titre Maîtres et Valets, qui se déroulait aussi à Londres dans les années 1900 à 1930. Plus largement, il existe toute une tradition de la série historique sociale à la télévision britannique avec, encore aujourd’hui, des titres comme Poldark : un remake d’une série du même nom des années 1970. Cette sensibilité sociale s’accomode de tous les tons, du très dramatique et sombre au franchement comique (Brass, Plebs…). Dans cet ensemble, Downton Abbey, en proposant l’histoire d’un monde finissant, du déclin d’un certain mode de vie et de certaines valeurs, se présente comme une série très patrimoniale (les Britanniques disent heritage).

Le succès de la série repose sur différents éléments. Elle peut compter sur d’excellentes production values (la qualité des décors, des costumes, des éclairages, etc), à commencer par le château de Highclere, le principal lieu de tournage mis en valeur dès le générique, qui a été choisi pour situer la demeure fictive des Crawley. Le soin apporté aux scènes de dîners, de bals, de réception, de garden parties a beaucoup fait pour l'attractivité de la série.

Dans un autre registre, une autre clef de son succès est la dimension soap, c’est-à-dire mélodramatique, nourrie par des accidents improbables allant des guérisons miracles aux morts inattendues, etc. Cette dimension est un élément universel des séries historiques à succès, qu’elles soient britanniques, turques ou coréennes ont cet élément soap.

A la fin de cet entretien, Ioanis Deroide revient enfin sur la "marque" Downton Abbey aux nombreuses déclinaisons, qui font d'elle bien plus qu'une série. 

Plus d'infos sur https://www.histoireenseries.com

 

(*) Ioanis Deroide est agrégé d'histoire et enseigne au lycée Léonard de Vinci à Levallois-Perret. Il est l'auteur de Dominer le monde : les séries historiques anglo-saxonnes (Vendémiaire, 2017) et L'Angleterre en séries : un siècle d'histoire britannique à travers trois séries cultes (Downton Abbey, Peaky Blinders, The Crown) (First, 2020). Il a également signé la préface du troisième tome de l'ouvrage collectif The Historians : Les séries TV décryptées par les historiens (Georg, 2020). Enfin, il est conseiller éditorial chez Armand Colin, où il a aidé à faire paraître des synthèses consacrées aux séries policières et aux séries de science-fiction.