Un roman polyphonique sur le mariage forcé, par l’écrivaine camerounaise Djaïli Amadou Amal.

Trois voix, celles de Ramla, d’Hindou et de Safira, se mêlent dans le roman de Djaïli Amadou Amal, Les Impatientes. Ce sont trois voix de femmes, aux destins liés, qui expliquent un moment pivot de leur vie : le mariage. Mais un mariage forcé avec un homme choisi par leur famille. L’auteure est originaire du nord du Cameroun. Peule et musulmane, elle est conteuse et écrivaine, tout en militant pour la cause des femmes, par l’association « Femmes du Sahel ».

 

La force du témoignage

La polyphonie engage trois destins, mais aussi trois points de vue différents, tout en maintenant un lien entre les femmes protagonistes. Ramla doit renoncer à un mariage d’amour pour choisir le parti d’un homme bien plus âgé qu’elle, mais respectable et riche. Sa cousine, Hindou, se voit marier de force à son cousin, un homme violent, alcoolique et drogué. Quant à Safira, elle est la première femme du futur époux de Ramla. Même si elle possède le statut de première épouse, celui de daada-saaré, elle se sent menacée et n’ose imaginer comment elle va pouvoir partager l’amour d’un époux dont elle a eu l’exclusivité pendant près de vingt ans.

Ce faisceau de destins renvoie à la condition féminine, ceinturée par des devoirs, des règles dures et intransigeantes dans une société où l’homme prime. Polygamie, répudiation, viol conjugal, la femme doit s’asservir aux besoins de l’homme et savoir le satisfaire. C’est son devoir premier en tant que bonne épouse. Car la réputation et l’honneur sont les données primordiales dans l’espace confiné des concessions (comme on nomme les lieux où les épouses et leurs enfants demeurent). Ces espaces sont le théâtre de rivalités incessantes et d’une concurrence effrénée autour du centre de gravité que représente le mari. En effet, au-delà des apparences, se jouent des drames domestiques : Hindou subit chaque jour les violences de son époux, toujours plus dur avec elle, jusqu’à en perdre la raison.

 

Patience, impatience

De fait, la patience se révèle comme la première qualité dont doit faire preuve la femme. La patience lui permet d’endurer une vie terrestre rude et difficile pour accéder ensuite au ciel. C’est aussi le conseil que l’on donne aux épouses désespérées. Patienter pour mieux supporter la souffrance d’une vie à la merci de l’homme. S’opposer à ce précepte, c’est faire preuve d’impatience, c’est-à-dire se mettre en-dehors des lois. La femme est alors jugée, punie si elle se rebelle. Hindou tente de s’échapper. Mais elle est rattrapée, sévèrement punie et ramenée auprès de son époux, son tortionnaire.

Les Impatientes sont celles qui révèlent leurs failles ou qui s’opposent à ces règles violentes. Hindou y laissera sa raison, Ramla son enfant et ses espérances, Safira sa dignité.