Comment survivre à la psychose de sa mère ? Le récit d’une transformation fondée sur l’importance donnée au monde matériel et à ses mystères.

Survivre à la psychose de sa mère

Francie a huit ans quand la dépression de sa mère, Elaine, vient bouleverser son existence. Tout le premier chapitre est composé d’un dialogue téléphonique angoissant où la mère explique à sa sœur, la tante Minn, le problème qu’elle rencontre avec sa fille :

« — Tu prends toujours de l’Abilify ?

— Je ne peux pas rester avec elle. Il y a quelque chose en elle. Elle est habitée par une bestiole. Je ne me fais pas confiance quand elle est là ! Tu m’écoutes ?

— Oui. Je vais t’envoyer Stan. Dès qu’il rentrera. Par le vol du matin. »

Minn est en effet sur le point d’accoucher et la petite Francie prendra, avec un ami de son oncle auquel il la confie, le train de Portland à Burbank près de Los Angeles, à mille cinq cents kilomètres au sud sur la côte ouest. Il s’agit pour la petite fille, après ce premier chapitre sans lieu ni date, de survivre à la folie de sa mère, d’en prendre la mesure et de l’apprivoiser.

Un roman qui déplie et déploie son titre

Pour comprendre le sens de ce titre à la fois poétique et énigmatique, il faudra lire tout le roman, qui ne suit pas un ordre linéaire ni chronologique, mais se présente en fragments et en retours, comme autant de ressassements qui permettent chaque fois de faire un pas de plus. Un papillon décorant un abat-jour prend vie puis s’échappe et flotte dans un verre d’eau chez la baby-sitter chez qui Francie passe la nuit en attendant son oncle ; une rose brodée sur un rideau tombe au sol et devient palpable ; le scarabée dessiné sur une feuille de papier trouvée sur la pelouse de l’école semble avoir pris vie dans le sac à dos de la petite fille et elle le trouve lors de son voyage en train. « Mais la leçon tirée de la lampe aux papillons, du papier au scarabée ou des rideaux aux roses est la suivante : c’est amusant dans une histoire, c’est terrifiant dans la réalité. L’une est une représentation, l’autre est la vie, et les deux ne partagent rien si ce n’est la suggestion d’un groupe, un même nom. »

Sous la tente

Devenue adulte, Francie travaille d’abord dans un magasin d’encadrement où elle rencontre la propriétaire d’un scarabée mort qui veut l’accrocher au mur dans un joli cadre. Elle décide d’installer une tente sur le balcon de l’appartement qu’elle habite au deuxième étage, quand Vicky, sa cousine née au moment de son arrivée à Burbank, lui rend visite. C’est là qu’elle découvrira la valeur des choses : celles qu’elle achète dans des vide-greniers et revend aux enchères sur internet, ce qui va devenir son métier. C’est aussi le chemin d’une réconciliation et d’une acceptation de son histoire, à l’issue d’un roman angoissant et profond, qui fait le récit d’une transformation du chaos au pardon.