Explorer les futurs est le fruit d’une démarche spécifique : celui de la prospective, qui s’appuie sur des méthodes, concepts et instruments au service d’une meilleure organisation.
Parmi les nombreux exemples de possibles grandes surprises stratégiques, le scénario d'une attaque de l’ascenseur spatial guyanais constitue un idéal-type. Et c’est précisément à cela que la prospective doit nous préparer. De quoi s’agit-il au juste ? Ce point de départ est l’un des scénarios concoctés par la Red Team et présentés au grand public en décembre 2020. L’Agence pour l’Innovation de Défense, sous l’égide de laquelle se trouve la Red Team, rejoint ainsi la CIA parmi les institutions militaires et de renseignements ayant pour ambition de nous confronter à des futurs parfois inconfortables.
C’est à ce titre que l’ouvrage Prospective. Anticiper, décider et agir dans l'incertitude de Thomas Gauthier, Professeur à EM Lyon Business School, et de Vanessa Hanifa, adjointe scientifique à la Haute école de gestion de Genève, arrive à point nommé en cette période Covid-19.
De la nécessité d'une approche prospective dans la période actuelle
La pandémie Covid-19 illustre parfaitement l’idée selon laquelle le monde devient de plus en plus complexe et incertain. Malgré l’existence de scénarios pandémiques, l’impression d’impréparation et d’improvisation de nombreux acteurs semble patente.
La raison de notre désorientation semble évidente : une accumulation de connaissances – par le progrès scientifique, par la disposition de nombreuses données – ne veut pas nécessairement dire plus de compréhension du monde dans lequel nous sommes parties prenantes. Historiquement, la divination a pu être rassurante, et la philosophie de l’histoire déterministe a pu être confortable. A l’ère des discontinuités nombreuses, il est donc nécessaire de s’outiller des méthodes, concepts et outils de la prospective pour répondre à ce besoin de mieux appréhender les futurs.
Qu’est-ce que la prospective ? En s’inspirant de l’OCDE, on peut la définir comme « l’exploration explicite, structurée et rigoureuse des futurs possibles pour éclairer les prises de décision aujourd’hui » (p.20). En d’autres termes, il s’agit d’identifier les enjeux, de les cadrer et de développer des réponses stratégiques. La prospective est donc là pour « enrichir notre rapport au futur », à travers une posture d’anticipation, au-delà des différences d’objectifs, d’horizon, de thématiques ou de dispositifs appliqués. Elle connaît des finalités qui vont de l’aide à la prise de décision à l’accompagnement de la conduite du changement.
Se saisir de l'incertitude du présent pour explorer des futurs potentiels
L’ouvrage nous invite à dépasser le stade de la préparation et de la planification du futur pour aller vers l’exploration de ces futurs. Cette dernière suppose une étude méthodique des mégatendances, des signaux faibles, des faits porteurs d’avenir, des éléments prédéterminés et enfin des risques et incertitudes radicales. De même que « le hasard ne favorise que les esprits préparés » (Louis Pasteur), il en est de même pour l’exploration des futurs.
A travers de nombreux tableaux et un effort pédagogique réel, les auteurs offrent de nombreux exemples et outils utiles pour la réalisation de travaux prospectifs, comme le « PESTEL » (politique, économique, sociologique, technologique, environnemental et légal) ou le système d’anticipation d’une organisation, c’est-à-dire « l’ensemble des ressources, compétences et processus qui permettent à ses dirigeants d’utiliser le futur pour mieux appréhender les grands changements (climatiques, écologiques, sociaux, technologiques, économiques, etc.) et rediriger leurs stratégies » (p.135).
« Le futur est déjà là. Il n’est simplement pas réparti équitablement », disait l’auteur de science-fiction William Gibson. Cet ouvrage aidera incontestablement acteurs publics et privés à formaliser leur démarche prospective au service d’une meilleure organisation.