Défaitisme révolutionnaire ou collaboration, ce livre tente d’ouvrir une réflexion sur des courants politiques extrêmes, de l’invasion de la France en juin 1940 à celle de l’URSS en juin 1941.

À partir d’une analyse comparée de la presse communiste et collaborationniste, l’ouvrage se présente comme la compilation et la mise en perspective de deux travaux universitaires de sociologie relativement anciens, réalisés entre 1978 et 1980, consacrés pour le premier à l’Humanité et pour le second à l’Œuvre. Le sous-titre : positions et postures des presses communiste et collaborationniste pendant l’Occupation explique le projet qui est de mettre en parallèle ces journaux s'adressant à un même public. Mais disons le d’emblée, le compte n’y est pas.

Ainsi, une relecture aurait pu être plus rigoureuse. On apprend que le travail sur l’Œuvre présenté comme un mémoire de 3e cycle   est en réalité un mémoire de maitrise   . De même, les erreurs de détail et marginales fourmillent. Angelo Tasca signait ses ouvrages sur la période du pacte germano-soviétique, sous le nom de plume de A. Rossi et non d’André   . Mais là n’est pas l’essentiel, faute d’un travail suffisant l’autrice manque son étude.

 

Des considérations générales

En guise d’analyse puis de réflexion historique et sociologique, l’autrice développe des propos généraux sur la crise actuelle du quotidien communiste sans lien avec le passé. Elle se lance dans une explication sur les résultats électoraux, dont, même avec toute la bonne volonté du monde, on ne comprend pas le lien avec la crise née de l’Etrange défaite. L’argumentaire justifiant cette réflexion repose sur l’idée développée en conclusion que les thématiques seraient analogues. L’idée étayée est que la rhétorique de l’ennemi (de race, de classe) force à proclamer un régime de vérité unique que l’analyse de ce double corpus permet de confronter. Régine de La Gorce se propose d’analyser quelques thématiques respectivement traitées par ces journaux. La dénonciation du traité de Versailles, de la bourgeoisie vichyste ou des traitres communistes est récurrente dans l’Humanité. Alors que de l’autre côté, l’Œuvre critique l’État français au nom du Parti unique, dénonce le communisme et des forces occultes. La mise en perspective est initialement intéressante mais elle s’avère décevante, compte tenu de son traitement et des lacunes dans l’utilisation de l’historiographie.

 

Une historiographie chancelante

Dans un cas – la presse collaborationniste – comme dans l’autre – la presse communiste – l’un des principaux problèmes réside dans le traitement de la question par une historiographie déjà ancienne et même lacunaire pour les travaux remontant à avant 1978, date de la rédaction de textes aujourd’hui publiés. Cette bibliographie n’a été que très partiellement mise à jour. Sur le RNP (Rassemblement national populaire), il manque des travaux importants disponibles en 1978 comme ceux d’Antoine Prost parus en 1973 sur Déat et le Parti unique dans la Revue française de science politique ou de Jean-Paul Cointet dans la Revue d’histoire de la Seconde Guerre mondiale publié la même année. De plus, il aurait été possible d’ajouter l’édition critique des Mémoires politiques de Déat de 1989 ou la biographie de Jean Paul Cointet sur Marcel Déat publiée en 1998.

Il en est de même sur le PCF. Il est impossible de trouver trace des travaux fondés sur les archives du Komintern, ni même ceux issus des archives de la Seine, qui contiennent les scellés de l’arrestation de Maurice Tréand, pourtant évoqués d’après un article du Monde… Il n’est pas fait écho aux travaux autour de la reparution de l’Humanité et de la crise de l’été 1940. Il est en effet impossible de trouver trace du numéro de la revue Communisme publié en 1993. Elle aurait permis de souligner que l’édition « officielle » publiée par le PCF en 1975 a quelques oublis. Ces lacunes historiographiques expliquent que l’analyse soit parfois défaillante ou absente. On ne trouve pas de traces d’un défaitisme révolutionnaire expliquant au moins partiellement la position du PCF à l’été 1940. Elle a portant été étudiée par quelques historiens : Annie Kriegel, Stéphane Courtois, Philippe Buton, Yves Santamaria dans différents numéros de la revue Communisme et plus récemment par Jean Marc Berlière et Franck Liaigre dans leur Guy Moquet. De même, pour comprendre l’erreur de Maurice Tréand et de Jacques Duclos, une lecture des télégrammes du Komintern publiés en 2003 par Serge Wolikow aurait été utile. Enfin, l’autrice considère que la figure du renégat s’incarne principalement chez Doriot, alors qu’elle est consubstantielle au communisme réel et se forge dès 1920 pour se transformer et s’amplifier. Ces quelques exemples soulignent la difficulté à traiter pleinement du sujet mal maitrisé.

 

L’analyse comparée ici proposée apparaît comme une simple juxtaposition de deux textes, sans réelle méthodologie ni autre objectif que de montrer que les groupes désignés – communiste et collaborationniste – procèdent régulièrement à une dénonciation de l’ennemi. Elle a de quoi laisser le lecteur dubitatif, en se disant qu’Hannah Arendt a procédé depuis fort longtemps une démonstration bien plus rigoureuse.