Dans cette nouvelle émission du podcast Histoire en série, Hayri Özkoray présente la série Marseille (Netflix) et montre comment la ville peut être un objet d'étude à part entière à travers une série.

Présentation de l'intervenant

Historien, Hayri Gökşin Özkoray est l’auteur de Le Captif de Malte, Récit autobiographique d'un cadi ottoman (Toulouse, Anacharsis, 2019), d’une thèse, soutenue à l’École pratique des hautes études en 2017, sur L’esclavage dans l’Empire ottoman xvie-xviie s.) et de plusieurs articles publiés dans des revues scientifiques et ouvrages collectifs. Il est maître de conférences en histoire moderne à Aix-Marseille Université et membre du laboratoire de recherche TELEMMe (Temps, Espaces, Langages, Europe Méridionale - Méditerranée).

 

Bibliographie sélective sur l'émission

- Bonjour, Karine, Rue d’Aubagne. Récit d’une rupture, Marseille, Éditions Parenthèses, 2019.

- Dell’umbria, Alèssi, Histoire universelle de Marseille, De l’an mil à l’an deux mille, Marseille, Agone, 2006.

- Izzo, Jean-Claude, La trilogie Fabio Montale : Total Khéops [1995] – Chourmo [1996] – Solea [1998], Paris, Gallimard, 2006.

- Kaiser, Wolfgang, Marseille au temps des troubles (1559-1596), Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1992.

- Laugier, Sandra, Nos vies en séries. Philosophie et morale d'une culture populaire, Paris, Flammarion, 2019.

- Pujol, Philippe, La fabrique du monstre, Paris, Éditions des Arènes, 2016.

- Pujol, Philippe, La chute du monstre : Marseille année zéro, Paris, Éditions du Seuil, 2019.

 

Liens vers le podcast

 


Déroulement du podcast

Objet : La série Marseille, produite par Netflix, 2016-2018.
2 saisons de 8 épisodes chacune.

Plus d'infos sur Netflix.com

La manière dont je me suis intéressé à la série Marseille.

D’abord en tant que nouvel habitant de Marseille, en tant que néo-Marseillais (depuis septembre 2019). Tout ce qui concerne cette ville m’interpelle et me fascine : c’est une manière de dire à quel point je suis content de quitter Paris après 15 ans de résidence. Une façon de renouer aussi avec mon Istanbul natale (dont je suis exilé) en habitant cette cité méditerranéenne pluri-millénaire qui plus est connectée au monde ottoman que j’étudie professionnellement.

Puis sont venues des préoccupations d’historien, de citoyen, etc, vus les enjeux sociaux, économiques, politiques et culturels qui sont abordés par la série.

 

Présentation générale de la série avec les personnages principaux et résumé de la trame et de l’intrigue

La vie politique municipale de la ville et les élections municipales qui s’approchent (dans la série elle-même). D’où l’intérêt aussi de nous attarder là-dessus dans le cadre des élections municipales de 2020.

Peut-être le plus grand rôle récent de Gérard Depardieu. Qui s’inspire de la figure de Jean-Claude Gaudin et qui réhabilite la figure de l’homme politique de droite dont l’histoire s’assimile à celle de la ville depuis quelques décennies. Aucune contestation de son amour sincère pour la ville de la part de ses adversaires les plus farouches.

La politique politicienne et la manière de se construire une majorité au conseil municipal.

Mots-clés résumant les nombreuses intrigues qui s’imbriquent au fil des deux saisons : ambition, conquête du pouvoir, trahison, amour filial, désir, sexe, amour, cupidité, opportunisme, hypocrisie, loyauté…

Je trouve que la critique de la série est restée un peu trop superficielle dans les différents médias et sur Internet du côté des spectateurs. C’est un peu une série de type « série B » reproduisant les canons des fictions américaines stéréotypées. Mais une fois que vous êtes en mesure de passer outre cette première lecture critique vraiment trop facile, c’est là que vous pouvez saisir du fil à retordre et des choses d’ordre plus vaste auxquelles la série permet de réfléchir. Comme la crise du logement, la division profonde entre les quartiers Nord et les quartiers Sud, les enjeux divers de prendre sous son contrôle le conseil municipal, les forces politiques présentes, le fameux cosmopolitisme marseillais, la transformation urbaine du XXIe siècle, la place de l’OM au sein de la ville marseillaise, la vie criminelle et le « milieu », l’immigration récente et le sort des réfugiés en Europe méridionale.

Les individus qui représentent et incarnent les institutions sont surinvestis des raisons d’agir et d’initiatives exclusivement personnelles et individuelles. Comme si ces personnes étaient uniquement mues par des motivations et des désirs en provenance de leur for intérieur. Aucune détermination d’ordre social ou collectif.

Probablement parce que la série reproduit inconsciemment ou explicitement certains des tropismes de la série américaine Dallas.

Les retournements de veste, les trahisons, les tractations politiques, etc, sont toujours surdéterminés par des affaires entre personnes, d’ordre familial, sexuel allant toujours au-delà des principes ou des familles politiques.

Les habitants de Marseille représentés comme des êtres totalement passifs, dépourvus d’une voix sauf en tant que foule homogène. Ils ne sont pas acteurs de leur propre histoire mais uniquement destinés à subir le destin qui leur sera imposé par la caste politique et le milieu. Le peuple de Marseille comme le jouet ou le terrain d’action de quelques grands personnages.

Marseille comme personnage de la série, mais plutôt en arrière-plan. Cliché sur l’esprit méditerranéen impulsif, purement instinctif, la chaleur extrême nourrissant les passions charnelles en permanence.

La manière dont l’extrême droite est représentée dans la série pose plusieurs problèmes. C’est le « Parti français » qui représente sans doute le Front national.

Le trafic de drogue et la vie criminelle à Marseille, la place de la mafia, la représentation symbolique de l’OM comme le ciment de la vie marseillaise, passion dépassant toute distinction de classe, richesse, appartenance, origine, statut, etc.