Le dernier numéro de la revue Hérodote s’intéresse, en cette veille de nouvelle commémoration de Mai 68, à l’Europe de l’Est. Dans l’immédiat prolongement du 59e sommet de l’OTAN qui s’est tenu à Bucarest du 2 au 4 avril, il est toujours utile de revenir sur les multiples raisons qui ont poussé à la division au sein de l’Alliance et de tenter de mieux appréhender le futur de l’Organisation du traité Atlantique. Le prisme du rapport OTAN-Russie semble être à ce titre particulièrement intéressant après les évolutions récentes qu’a connues leur relation. Le géant énergétique voit ainsi d’un mauvais œil la présence de plus en plus manifeste de l’alliance militaire occidentale dans son ancien territoire d’Europe médiane, plus encore depuis que l’Ukraine et la Géorgie manifestent leur volonté d’intégration à l’alliance menée par les États-Unis.

L’accent est mis sur la difficile intégration de cet ancienne zone communiste à la communauté occidentale. Le rapport à l’Union européenne et au projet collectif qu’elle incarne ne semble plus être aussi porteur, les dissensions commencent à se faire jour alors que l’intégration de l’Europe de l’Est est encore loin d’être achevée. Il en va aussi du rôle de l’OTAN dans la région, et comment ne pas mentionner dans ce contexte la récente acceptation par l’Europe du bouclier antimissile qui va être déployé par l’Alliance au cœur de l’ancienne Europe communiste   . L’Union européenne semble ainsi manquer, en définitive, de cohérence internationale dans une zone, soumise à des influences contraires, qu’elle peine à fédérer. Les oppositions proviennent aussi de l’Union elle-même, alors que beaucoup n’ont pas reconnu l’indépendance du Kosovo, alors que la Grèce entretient des rapports plus que tendus avec la Macédoine     ou que l’État bulgare fraichement admis rêve de reconstituer un grand territoire national   .

La présence de la Russie n’est également pas à négliger, dans ses rapports aux pays Baltes, à la Bulgarie ou encore par son enclave de Kaliningrad, véritable tête de pont de la Fédération au sein de l’Union européenne   . On perçoit surtout la mise en place de paradigmes de concurrence-coopération avec un jeu géopolitique entre l’OTAN, l’UE et la Russie. Parallèlement, les États est-européens tentent d’assurer au mieux leurs propres intérêts stratégiques s’appuyant principalement pour cela sur l’OTAN et les États-Unis, comme garant le plus sûr de leur protection. La peur qu’exerce sur eux la Russie de Poutine-Medvedev y est pour beaucoup. À ce titre, la perte de confiance envers une "Improbable défense européenne"   n’est pas anodine, alors que dans les esprits le projet politique européen semble être de plus en plus fragilisé.  

Globalement, la région, le Sud surtout, semble renfermer des crises latentes. On imagine mal un règlement à court terme alors que la concurrence entre les acteurs ne semble devoir faire que s’accentuer.



* "Vers une nouvelle Europe de l’Est ?", Hérodote, revue de géographie et de géopolitique, N°128, La Découverte, 1er trimestre 2008, 20€, 179 p.


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