La Fondation Maeght accueillera une grande exposition Jacques Monory du 28 mars au 14 juin 2020 : l'occasion de redécouvrir son oeuvre.

Ridiculement ou par mauvaise foi l’éclatement et les transformations des éléments de l’art tout au long du XXe siècle et jusqu’à nos jours ont été confondus avec sa destruction radicale. A simplement été oublié que les éléments de l’art étaient indestructibles tandis que leurs formes et matières restent passagères et dépendent de combinaisons provisoires et dépendantes du moment de l’histoire où elles se déploient.

Jacques Monory l'a prouvé. Né à Paris il a d'abord travaillé dix ans avec son ami l'éditeur de photographie Robert Delpire sur les éditions de photographies de William Klein, Robert Frank ou Henri Cartier-Bresson. Mais il n'a jamais cessé de peindre et dès 1955 il expose à Paris. Et au moment où se développe le Pop art aux États-Unis, il remet l’histoire humaine et sa propre vie au centre de ses tableaux. Il puise son inspiration dans le cinéma et particulièrement les films noirs dont il propose ses « arrêts sur image » avec voitures, revolvers, femmes, gangsters et policiers.

Son exposition « Mythologies quotidiennes » (1964) préfigure du mouvement de la Figuration Narrative. Sa série « Meurtres » (1968) le rend célèbre par ses atmosphères inquiétantes et l’utilisation de ce bleu romantique – expression selon lui « du désir impossible » et de la « mise à distance du monde ». En 1975, il devient un des artistes de la galerie Maeght de Paris, y expose les « Opéras Glacés » puis « Technicolor » et « Ciels » et est invités dans le monde entier : Biennale de Venise (1986), exposition universelle de Séville dans le Pavillon français, Fondation Claudine et Jean-Marc Salomon, CAPC de Bordeaux entre autres.

Proche des hyperréalistes, sa figuration narrative multiplie les scènes énigmatiques pour s’interroger sur la réalité du monde. Et le bleu qui l’a rendu célèbre (en monochrome ou mixé à d’autres couleurs) devient la couleur du doute qui donne à la fois un voile onirique et une distanciation aux paysages urbains, aux grandes étendues de nature et aux épisodes dramatiques venant de l’actualité ou de l’Histoire contemporaine. Demeure toujours un pessimisme fondamental, une passion pour le vide.

Pleines de larmes d'effroi dues à la stupidité agressive de l’homme primitif victime de la technologie sophistiquée de l'actuelle boucherie électronique, l'œuvre sait se moquer d'un monde mis sous un voile bleu moins pour le cacher que pour lui donner une puissance à la fois de doute et de vérité. Le romantisme semble s'afficher tout en dérèglant les Cartes du Tendre et mettre en exergue tout ce qu'on nous fait gober de bêtises et le conformisme.