Comme tous les livres de Pierre Guyotat, ce recueil témoigne de la réalité humaine et du mal, mais de manière transcendée, dans un mariage du ciel et de la terre.
Dans son incessant travail de déconstruction et de reconstruction, l’œuvre de Pierre Guytotat instaure une autre mélodie de la langue. Ces textes à l’oralité corrosive sont pour l’auteur un moyen d’entretenir avec le corps, la sexualité et leur histoire une relation particulière qui aille au-delà des apparences du temps ordinaire.
À partir des traumas de l’enfance et de la guerre d’Algérie, chaque livre de Guyotat est une quête et une reconquête témoignant de la réalité humaine et du mal, mais de manière transcendée, dans un mariage du ciel et de la terre. Du feu et du sperme.
Cet important ensemble réunit des textes « marginaux » de l’écrivain des cauchemars (mais aussi d’un certain bonheur). Guyotat ne cache rien de sa fabrique. Il ne tombe jamais dans la complaisance, l’auto-suffisance ou le racolage. Il met en évidence ses problématiques majeures et rappelle entre autres une donnée importante : « l’amour m’est interdit pour que je crée. »
Il existe donc tout un jeu des désirs. Désir de l’écriture, écriture du désir. L’énergie sexuelle est toujours en jeu comme Guyotat l’écrit dans un de ses livres (Idiotie) ; mais, ajoute-t-il, elle ne peut et ne doit servir que « ce à quoi me voue mon imagination – et que je garde tel pour la libération. » C’est là un exigeant programme de vie et de création.
Dans une période de refroidissement moral, il fait ressurgir la littérature sous divers aspects : Dieu, le père, la mère, les filles, les garçons... Plus généralement, la question du sexe est très prégnante dans ses textes, mais elle n’est jamais posée abstraitement : ce dont il est question, c’est de l’attraction réciproque des forces contraires de la vie et de la mort, du bien et du mal. Ce magnifique corpus rappelle le corps souffrant ou jouissant, le « vrai corps [...] cerné d’or et de rouge ».
Mais chez Guyotat, ce corps splendide n’est jamais éloigné des « détritus et excréments » qui obligent à s’interroger sur la validité de l’amour : « ne serait-ce pas se rendre par tendresse coupable ? ». Ainsi, dans ces marginaliae, l’auteur remet en perspective les « arrière-fonds » (titre d’un de ses livres) du monde. Le créateur est en danger, constamment. Mais il laisse sa pensée libre pour identifier la chair par des mots qui scellent de nouvelles alliances en une aventure d’ascèse et de débordement.