Dans ce qui est bien plus qu'un simple journal, Annie Cohen tient le « mal » à distance en une quête de l’absolu comme de l’instant.
Annie Cohen est née à Sidi-Bel-Abbès en 1944. Elle a publié une vingtaine d'ouvrages. Elle mène aussi une activité de plasticienne. Dans ce qui est bien plus qu'un simple journal, elle tient le « mal » à distance en une quête de l’absolu comme de l’instant. Il existe une densité, une extension contrôlée là où le texte fouille le monde et l'intime en leurs vicissitudes pour en exhausser des vérités.
Dans le déroulement de sa propre Torah et en ses rouleaux de papier, la créatrice qui fut une des premières, auprès d'Antoinette Fouque, à défendre par sa littérature la cause des femmes, remonte la pente de sa maladie (suite à un A.V.C.). Surgit un perpétuel jeu entre le dehors et le dedans, le compact et l’ajour. Chaque moment emplit le vide que l'accident cérébral crut laisser.
Peu à peu une poche d’air tressée par la prose joue de la transparence et de la fluidité d’un enroulement subtil de divers temps et états psychiques. La judéité profonde de la créatrice réactive non la détresse du passé mais la nostalgie de nouveaux ailleurs au nom de l'amour qui la cheville au moment où l’organique renaissant acquiert une force poétique entre mutation et stabilité.
Créer n'est plus opposer l’intelligible au sensible mais les réunir. Et pour Annie Cohen, contrairement à Jacques Lanzmann, la connaissance ne passe pas seulement par le premier terme. Le problème est de passer « du système à l’excès » (Bataille) en quittant Hegel et Heidegger au profit de Rimbaud et Joë Bousquet.
Dès lors, l'artiste et auteure en dépit de ses affres et vicissitudes « tient » : elle avance car créer ne revient pas simplement à se lamenter et claudiquer devant une puissance qui envahit. En ce sens, désarroi et espoir n’ont rien à faire là-dedans. L’éthique non plus. L’âme est lumière en des situations qu'il convient d'affronter dans l'intime, avec l’imagination nécessaire et la tradition talmudique pour que transparaisse un recommencement du monde même chez cette exilée et éternelle errante.