Publier un recueil de chroniques est toujours délicat : les analyses perdent de leur pertinence et de leur mordant avec le temps. Le journaliste Jonathan Freedland a pourtant savouré avec un plaisir coupable Please don’t remain calm, ouvrage qui rassemble les écrits de Michael Kinsley, un des plus fameux éditorialistes outre-Atlantique.

Ancien collaborateur du Washington Post, de The Economist et de CNN, Michael Kinsley se forge au début des années 1990 la réputation d’un sniper qui vise juste et n’épargne personne. En 1995, il quitte le microcosme étouffant de Washington pour Seattle, et fonde Slate, un magazine en ligne édité par Microsoft, ce qui lui vaut les railleries de nombreux de ses confrères. Las, il est désigné en 1999 "rédacteur en chef de l’année" (Editor of the year) par la Columbia Journalism Review, périodique de référence aux Etats-Unis.

Please don’t remain calm est une nouvelle preuve des vertus de la distance. À Seattle, loin des tumultes du monde médiatico-politique, la vision de Michael Kinsley a gagné en sérénité et en ironie. Il démonte les contradictions dans lesquelles s’emmêlent les politiques et moque leur langage formaté avec une fraîcheur dont beaucoup de journalistes devraient s’inspirer. Ces derniers ne sortent d’ailleurs pas indemnes de l’épreuve. Le chroniqueur pointe notamment du doigt toute l’ambiguïté des relations entre ces derniers et les hommes du pouvoir, rappelant par là que ces phénomènes de cour ne sont pas l’apanage des cercles parisiens.

Finalement, la forte temporalité des chroniques s’efface facilement derrière la fraîcheur du ton et la précision des analyses. Pour le critique du New York Times, ce livre présente un intérêt certain pour quiconque souhaite revivre la dernière décennie avec un œil neuf : celui d’un exilé volontaire.


Michael Kinsley, Please don’t remain calm. Provocations and Commentaries, W. W. Norton & Company, 351p, $25.95.
 
Lire le compte rendu du livre dans le New York Times Book Review.