L’avocat de Julian Assange décortique l’ascension et la psychologie d’Emmanuel Macron, à la fois homme de réseaux et séducteur.

Les deux pamphlets de Juan Branco contre Macron, qui avaient fait parler d’eux lors de leur première parution, viennent d’être republiés en poche. Crépuscule, qui est de loin le plus facile à lire, révèle les soutiens dont Macron a bénéficié lors de sa campagne de la part de quelques-uns des détenteurs des plus grandes fortunes françaises, Xavier Niel, Bernard Arnault et Arnaud Lagardère en tête. Il brosse un portrait de groupe de quelques jeunes ambitieux, dont Gabriel Attal, Benjamin Griveaux, Stéphane Séjourné, Ismaël Emelien, etc., qui ont été parmi les tout premiers à le rejoindre pour l’appuyer dans sa conquête du pouvoir. Branco a pu en côtoyer certains dans quelques-unes des écoles qui forment les élites françaises depuis la maternelle. Enfin, l’essai livre quelques informations sur les concours dont Emmanuel Macron a bénéficié de la part d’un réseau constitué autour de la direction de Sciences Po, qui semble également avoir joué un rôle essentiel dans la nomination d’Edouard Philippe au poste de Premier ministre.

Le livre déconstruit ainsi l’idée, que toute la presse aura propagée et continue parfois de répandre, qu’Emmanuel Macron aurait été un homme seul, se signalant juste par son mérite insigne, finissant par remporter la présidentielle grâce à l’énergie et à la vision qu’il aura déployées. Mais surtout, il montre le peu de transparence avec laquelle les médias ont rendu compte de cette opération de conquête du pouvoir, des liens qu’Emmanuel Macron a noué avec l’oligarchie économique et des soutiens actifs dont il a bénéficié de sa part. Propriétaire de la plupart des médias, cette dernière a en effet pu faire en sorte, avec des responsables de presse mais également des journalistes acquis de longue date à la défense de ses intérêts, explique Branco, que ces éléments soient exposés le moins possible, masquant ainsi sa main mise sur le gouvernement du pays.

 

Des réseaux à la psychologie et à la conception du pouvoir

Le second essai du même auteur, Contre Macron, est autrement plus difficile à lire, même dans cette édition revue et corrigée. Il est vrai qu’il traite d’un sujet plus compliqué puisqu’il s’agit à la fois de la psychologie de Macron et de sa conception du pouvoir. Mais il se caractérise aussi par un style particulièrement abscons, que Branco a heureusement corrigé dans Crépuscule, qui a été écrit en second.

Emmanuel Macron y est décrit comme correspondant à l’idéal-type du séducteur, qui s’est désormais laissé prendre à une quête obsédante d’autorité, d’affirmation, sous l’emprise d’une volonté de se distinguer personnellement à tout prix. Auquel Branco oppose la figure de l’homme d’Etat porteur d’un engagement en faveur du bien commun, clairement distingué de tous intérêts privés, et animé par une idée qui exprime l’universel, pour laquelle il pourrait éventuellement imaginer se sacrifier. D’aucuns trouveront sans doute que Branco abuse ici un peu de la métaphore du vide et du plein, sans clarifier vraiment ce que recouvrirait ce dernier pôle dans les deux registres qu’il examine, personnel et politique. Ni surtout comment on peut espérer l’atteindre, autrement qu’en se confrontant à la réalité et en cherchant à inscrire son action au regard d’une idée, comme il le soutient, mais qui reste trop vague. Et à chacun ces travers, car il semble bien que Branco ait cru pouvoir se dispenser d’indiquer d’où il tirait les concepts et la théorie (psychanalytiques ?) qu’il applique ici au cas Macron, ce qui contribue du reste à opacifier son propos.

Juan Branco passe ensuite aux rapports qu’entretiennent le politique et la symbolique. Il explique ainsi que la symbolique politique, et en particulier l’élection présidentielle, qu’il contribue au passage à démythifier, joue un rôle simplificateur qui permet l’adhésion des citoyens à un fonctionnement qui apparaîtrait sinon trop complexe. Encore cela suppose t-il que son détenteur en reconnaisse le caractère fictionnel et qu’il ne tombe pas dans l’erreur de penser pouvoir faire véritablement usage des pouvoirs qui lui ont été seulement symboliquement octroyés, et apparaisse capable d’unifier la société et d’aplanir les conflits. Là encore, il aurait sans doute été intéressant que l’auteur veuille bien expliquer au lecteur d’où il tirait ces conceptions.

Le dernier chapitre se penche sur la façon dont Emmanuel Macron s’est mis à incarner la fonction, dans un retournement complet de ce qu’est l’incarnation justement requise par nos institutions, où l’individu doit s’effacer devant la fonction et en principe exclusivement orientée vers la chose publique ou le bien commun, qui s’accommode mal de la continuelle mise en avant que ce nouveau président nous impose. Avec le risque que les conflits qui traversent la société ne puissent plus trouver de résolution au niveau de la fonction politique.

L'essai de Branco est à la fois stimulant par les questions qu’il pose et énervant, notamment parce qu'il ne distingue pas suffisamment les thèses qu’il soutient et les éléments empiriques censés nourrir leur démonstration. Difficile de se forger dans ces conditions un avis sur ce livre, d’autant que l’auteur semble désormais plus enclin, dans ses interviews ou vidéos, à s’en tenir à l’autre volet de son enquête, portant sur les réseaux d’influence qui ont permis l’élection d’Emmanuel Macron.