Mediator®, Requip®, Staltor®, Distilbène®, Vioxx®… Tous ces noms, synonymes de scandale sanitaire, ont fait trembler l’industrie pharmaceutique et les agences sanitaires étatiques.

Faut-il et peut-on se passer aujourd’hui de médicaments ? Cette interrogation, apparemment incongrue, permet d’entrevoir le fait que les médicaments font partie de notre existence depuis que l’homme a commencé à prendre soin de lui. Et à l’ère moderne, il serait bien difficile de se passer de certaines molécules, qu’elles soient naturelles ou synthétiques.

Pourtant un certain nombre de scandales récents ne peuvent que nous interpeller sur les dangers des médicaments. Depuis l’Antiquité, on sait que certaines molécules peuvent avoir des conséquences utiles ou néfastes, voire funestes pour l’homme. Qui ne se souvient de Mithridate qui, de peur de mourir empoisonné, ingérait quotidiennement de petites quantités de poison pour entrainer son organisme. Poison qui, en plus grande quantité, pouvait tuer un homme. Une plongée dans l’histoire des médicaments avec l’ouvrage d’Yves Landry permet de prendre conscience du chemin parcouru, parfois très complexe avec l’apparition de molécules synthétiques, parfois très simple avec la simple découverte de molécules présentes à l’état naturel. L’apparition de médicaments dits biosimilaires change encore la donne. Jean-Louis Prugnaud et Jean-Hugues Trouvin expliquent le parcours de ces nouveaux médicaments, sorte de génériques pour les médicaments biologiques.    

Notre société doit s’interroger sur la place accordée aux médicaments, mais plus encore sur les modalités d’évaluation des molécules. C’est ce que montrent plusieurs livres présentés dans ce dossier. S’il est un sujet de débat difficile aujourd’hui, c’est bien celui de la confusion des fonctions. La liste des incidents sanitaires liés aux médicaments est importante, tout comme la collusion entre certains experts et certains laboratoires. Peut-on qualifier d’expert indépendant un professionnel qui est mandaté par une agence sanitaire pour expertiser une molécule, tout en étant proche (que ce soit financièrement ou par d’autres biais) du laboratoire qui cherche à commercialiser le médicament ? Les avantages négociés par les entreprises pharmaceutiques avec l’Etat sont également nombreux, comme l’a montré l’affaire des vaccins contre la grippe H1N1. La Cour des Comptes   a d’ailleurs pointé du doigt certaines bizarreries telles l’absence de marché public ou de négociation entre les pouvoirs publics et les laboratoires, ce qui conduit à payer aux laboratoires un prix plus élevé que nécessaire. Cela ressemble à une faveur ou à une très mauvaise gestion… 

Et le scandale du Mediator® arriva. Largement présenté dans les médias, il est emblématique des dysfonctionnements des agences sanitaires en France. Comment concevoir qu’un médicament qui a été retiré du marché dans quasiment tous les pays du monde   reste commercialisé chez nous et pris en charge par la Sécurité sociale ?

Cela s’explique par l’opacité qui pèse sur les études pré et post AMM qui sont diligentées par les laboratoires eux-mêmes. Il n’existe pas aujourd’hui d’obligation de publicité des études sur les molécules et un laboratoire peut parfaitement taire un résultat qui serait préjudiciable à sa molécule.

Déjà en 2006, le Sénat, dans son rapport d’information, insistait sur les études. Les deux premières recommandations de son rapport sont ainsi de :
1. Etendre l'obligation de publicité à l'intégralité des travaux et à toutes les agences sanitaires.
2. Rendre obligatoire la mise à disposition d'essais comparatifs contre médicaments dans les dossiers de demande d'AMM.

Or ces recommandations n’ont toujours pas été traduites en obligations légales…

L’ouvrage de Laurence Culine permet de mieux comprendre le long chemin jusqu’à la mise sur le marché d’un nouveau médicament. Si l’ouvrage est axé en particulier sur la recherche biomédicale en matière de médicament, il permet d’apprécier les obligations à la charge du producteur du médicament (le laboratoire pharmaceutique) même après la mise sur le marché. Si les producteurs respectaient à la lettre leurs obligations légales, comment des drames sanitaires comme celui du Médiator pourraient-ils encore se produire ?

Le gouvernement a voulu une réforme d’ampleur du médicament. Elle est en route : le projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé a été déposé à l’Assemblée nationale au mois d’août et le Sénat a préparé un premier rapport au mois d’octobre.

Réussira-t-on, pour autant, à éviter d’autres scandales ? Cela ne semble pas près de s’arrêter, si l’on en croit une nouvelle étude qui montre le lien entre certains médicaments et l’apparition de la maladie d’Alzheimer. Et l’ouvrage d’Antoine Béguin sur le Requip®, médicament antiparkinsonien commercialisé par GlaxoSmithKline, fait peur : ce médicament a été reconnu par la justice comme responsable d’effets indésirables très peu… désirables : le jeu pathologique, les achats compulsifs, l’hypersexualité, etc.

Et Servier dans tout ça ? Une plainte contre X a été déposée à Nanterre et Jacques Servier a été mis en examen le 21 septembre pour tromperie et escroquerie. Le procès pénal est prévu en mai 2012 à Nanterre, mais il est possible que ce procès soit joint à l'instruction menée par les juges d'instruction du Pôle de santé publique du TGI de Paris. Dans ce cas le procès aurait lieu à Paris, à une date indéterminée…

A lire : 

- Antoine Béguin, Sexe et addictions sur ordonnance, par Aurélie Moriceau. 

- Yves Landry, Petite histoire des médicaments, de l'Antiquité à nos jours, par Sophie Dumas. 

- Laurence Culine, Mémento de la recherche biomédicale portant sur un médicament à usage humain, par Aurélie Moriceau. 

- Collectif, Politique de santé et principe de précaution, par Christophe Verdure. 

- Emmanuel Hirsch (dir), Traité de bioéthique. I- Fondements, principes, repères, par Anthony Chaussy.