nonfiction.fr : Il y a certes une pluralité mais, à un moment, il faut pouvoir aussi choisir les articles qu’on publie, savoir et pouvoir mobiliser certains auteurs pour leur demander des contributions. Qui décide de ça ? Quel est le rôle, finalement, des différents comités ou des différentes personnes ? Parce que dans le premier numéro il n’y avait pas de conseil de rédaction, par exemple. Là vous avez un comité de patronage, pour cautionner intellectuellement la revue, un comité de rédaction, et également un conseil de rédaction. À quels rôles est-ce que ça correspond ?

Jean-Claude Casanova : Le conseil de rédaction est composé des gens les plus proches de la revue, que nous consultons individuellement ou par petites réunions rue du Bac, davantage sur les problèmes d’organisation et sur les choix importants que sur le contenu de la revue : dimension des numéros, numéros spéciaux, tarifs, etc. Au comité de rédaction, nous nous réunissons tous les mois. Tout le monde n’est pas présent, mais disons que, sur une cinquantaine de membres, se retrouvent régulièrement 25 à 30 personnes. Pas toujours les mêmes. De quoi discutent-ils ? Des sujets d’actualité qui paraissent importants, dans le monde ou en Europe, en politique et en économie. Nous faisons l’ordre du jour en début de réunion et nous bavardons. Les mieux informés, les plus compétents introduisent chaque point à traiter. Nous nous instruisons en nous amusant, cela permet de connaitre les points de vue, de s’informer, de confronter les différentes professions et les différentes générations. Parfois nous votons sur l’issue d’une crise ou d’une élection ; pour faire apparaitre des probabilités subjectives. On discute les problèmes, chacun donne son avis et ainsi nous fournit des orientations sur les sujets à traiter et les articles à demander.

Il existe trois types d’articles : les articles écrits par des membres du comité de rédaction ou du noyau de la revue, et nous avons comme règle que tout membre du comité publie ce qu’il veut dans la revue. Parfois l’article fait grincer des dents, tel autre membre ou des lecteurs, mais c’est ainsi. Une revue libérale est écrite et lue par des hommes libres.

Deuxième catégorie d’articles : ceux que nous demandons. Nous les demandons à qui ? Nous les demandons à ceux qui nous paraissent compétents et intéressants. Parfois nous partons du sujet et cherchons des auteurs, parfois nous partons des auteurs et cherchons des sujets. Je citerai une formule que j’ai toujours approuvée, qu’utilisait un homme que j’ai bien connu, avec qui j’ai travaillé, que j’ai beaucoup admiré et aimé d’ailleurs, qui était Bertrand de Jouvenel. Il dirigeait une revue, le Bulletin SEDEIS, (dont j’ai été le collaborateur en animant deux des ses séries : les études et la critique), et Jouvenel disait : "Il n’y a pas de sujets, il n’y a que des auteurs." Donc à des amis, à des personnes que nous découvrons ou que l’on nous recommande, nous disons simplement : "Est-ce que vous aimeriez écrire un article pour nous ?" Elles nous le donnent ou pas. Et puis il y a ceux à qui vous dites : "me feriez-vous un article sur ce sujet ?" et qui le font ou pas. Là nous avons un handicap qui tient au marché français : nous ne sommes pas riches. Si nous avions de l’argent nous ferions une bien meilleure revue, car nous pourrions commander les articles qui nous paraissent nécessaires.


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