Troisième et dernière partie de notre entretien avec Jacques Julliard : De quelques figures de la gauche. 

 

Frédéric Martel : Sur le plan théorique, pouvons-nous revenir sur les trois types de catégorisations, que sont le parti, la famille et la culture ?

Jacques Julliard : J'ai distingué des partis, des familles et des cultures et d'une manière un peu différente de ce qui se fait d'habitude, parce que sous le nom de culture, je désigne essentiellement les grandes traditions, qui sont souvent transversales par rapport aux partis. J'ai pris le cas de la décentralisation, qui passe de gauche à droite et de droite à gauche suivant les moments ; le nationalisme et même le protectionnisme ; la notion de liberté ; et maintenant il y a l'Europe.
Quant aux familles, c'est le cœur de mon étude. Dans Le Débat, ceux qui me critiquent dans un prochain numéro...

FM : Qui a répondu ? Qui critique ?

JJ : Pour la France, il y a Alain-Gérard Slama, Alain Bergounioux et Guillaume Bachelet. En Angleterre, Hazareesingh, le très bon historien de Napoléon. En Italie, Paolo Flores d'Arcais, le directeur de la principale revue italienne à l'heure actuelle : MicroMega. Et un historien allemand.

Plusieurs m'ont dit : c'est bien, mais tu n'as pas fait une histoire des gauches mais une histoire des familles des gauches. C'est vrai. Si j'avais voulu faire une histoire globale, il aurait fallu que je ne fasse pas les impasses que j'ai faites sur les guerres et les périodes impériales. J'aurais du parler davantage des partis. La question se pose de savoir si en considérant ces derniers un peu plus, on n'aurait pas une vision différente. Par exemple, dans le cas du parti communiste. Le parti n'est pas seulement une famille, plus exactement, la famille est de l'ordre de l'immatériel. C'est un lien que l'on peut déduire des comportements des gens, alors que le parti, au sens banal du terme, est un cocon. Il y a toutes les analyses comme celles d'Annie Kriegel sur la contre-société communiste, chose que j'ai mise de côté. Cela dit, je pense que pour saisir la gauche française, c'est tout de même le biais que j'ai pris, c'est-à-dire celui des familles, qui est le plus important. Je reprends l'exemple du parti communiste. On peut dire lorsque tu parles d'une famille collectiviste, histoire d'éviter le mot socialiste qui est ambiguë, ça marche très bien au début et puis à partir de 1917, ça marche beaucoup moins bien, parce que dans ma famille collectiviste, il y a à la fois Léon Blum et Thorez, hors la rupture entre eux est très violente. C'est vrai, je le reconnais mais ce qui se passe depuis vingt ans me redonne raison. En effet, nous vivons depuis vingt ans un congrès de Tours à l'envers ! Les communistes, une bonne partie d'entre eux, ont rejoint le PS, ce qui s'est traduit par le fait que le PS a pris le dessus du point de vue électoral. Il y a même des individus qui symbolisent cela comme Robert Hue, qui est quand même l'ancien secrétaire général, est aux portes du gouvernement. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi Hollande ne l'a pas pris. J'aurais été à sa place, je n'aurais pas pris les écolos, mais Robert Hue !

FM : Oui, ou à la place de quelques ministres que personne ne connaît... Les fameux "invisibles" de Marianne : les dix ministres qui ne servent à rien.

JJ : Absolument, Marianne a tout à fait raison là-dessus. Alors, que Robert Hue avait une valeur symbolique. Ça voulait dire ce que je suis en train d'expliquer : à savoir que la famille collectiviste existe toujours. Elle est même en train de se reconstituer sur des formes qui sont certes beaucoup moins collectivistes qu'autrefois, qui ne passent pas par des nationalisations, mais qui passent quand même par le contrôle de l'Etat sur l'économie beaucoup plus poussée qu'un gouvernement de droite, sur des traditions ou des innovations en matière de relations avec les syndicats. On voit que Hollande, qui au départ, a une culture complètement politicienne... chaque fois, que je l'ai vu, pas très souvent, je lui ai dit : "L'avenir de l'entreprise, ce n'est pas dans l'alliance des partis, c'est dans l'alliance des forces sociales. C'est un pacte avec les syndicats, pas du tout un truc organique à l'allemande." Or, je constate qu'il n'était pas très sensible à cela dans le passé. Maintenant, il y est extraordinairement sensible ! Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire qu'il y a bel et bien la famille que j'appelle collectiviste et dont la doctrine est maintenant de type social-démocrate, mais qui est en train de se reconstituer presque toute entière.

Benjamin Caraco : Finalement, 90 ans après, cela donne raison à la phrase de Léon Blum qui avait dit lors du congrès de Tours qu'il restait pour "garder la vieille maison"...

JJ : Absolument, ils ont gardé la veille maison. L'autre objection que me fait en particulier Bachelet, en disant : votre division en quatre, elle est bien jolie, mais en réalité, vous fonctionnez suivant le schéma des deux cultures de Rocard, et du reste, ce n'est pas pour rien que dans beaucoup de vos schémas, vous mettez les libertaires et les libéraux d'un côté, les collectivistes et les jacobins ensemble. C'est Pierre Hassner qui parlait, je crois, des li-li et des bo-bo. Les li-li sont les libéraux et les libertaires, les bo-bo les bolchéviques et les bonapartistes. Est-ce que la division en quatre n'en est pas une en deux ? Compte-tenu de votre sympathie pour les li-li, n'est-ce pas une manière discrète d'éliminer la gauche elle-même au profit de gens qui sont aux marges de la gauche ? Vous reconnaissez vous-même que la famille libérale est en partie à droite et à gauche. Et les libertariens sont extrêmement critiques à l'égard de la gauche et de la forme parti. C'est une vraie objection, même si elle est peut-être un tout petit peu orientée, c'est-à-dire qu'il y a toujours cette idée de se représenter les gens à la lumière des livres qu'ils écrivent, mais aussi les livres à la lumière de la personnalité des gens qui les font... Les gens les plus critiques à l'égard de mon livre disent : "Oh, mais c'est un truc rocardien."

FM : Tant qu'ils ne disent pas deloriste, ce qui serait encore pire...

JJ : Alors ça c'est complètement faux ! Si je me reproche une chose, c'est d'avoir terriblement minoré Rocard dans mon livre, ainsi que la période rocardienne. Les moins mal-intentionnés me le font remarquer. Je réponds donc que ce n'est pas vrai et que s'il y a une originalité dans mon livre, que je revendique, c'est d'avoir fait à la famille libertaire une place que jusqu'ici, les classifications traditionnelles de la gauche n'avaient jamais faites. C'est d'abord une tentative de dépassement de l'ordre proprement parlementaire, et d'autre part, une manière de remettre les choses sur leurs pieds. Depuis 1968, le libertarisme, sous ses formes les plus nobles, mais parfois aussi les plus vulgaires, est le fond de la culture de la gauche, non pas de la gauche des partis, mais des gens de gauche avec une profonde tendance à l'individualisme, au refus de la loi, ça c'est le côté un petit peu dégradé en quelques sortes du libertarisme. On ne pouvait négliger cette chose-là. Lorsque certaines personnes me reprochent que derrière la coupure en quatre, il y a une coupure en deux, qui est la véritable, je dis que c'est faux. Encore une fois, rapprocher la culture libérale de la libertaire est une absurdité. La culture libertaire a autant de points communs avec le collectivisme qu'avec le libéralisme. Il est vrai qu'en matière de conception de la société, l'utopie libérale a quelque chose de commun avec l'utopie libertarienne : c'est se débarrasser de l'Etat au maximum, laisser les individus se développer. C'est en effet commun au libertarisme américain, au libéralisme et même à la tradition anarchiste française. En revanche, sur le plan économique, c'est complètement faux. Ces traditions sont donc spécifiques.

S'il y avait une critique à faire, cela serait la suivante : désormais, la famille jacobine et la famille collectiviste sont en train de fusionner du fait de l'effacement du parti radical, qui représentait un jacobinisme non-collectiviste, non social-démocrate. Il y a en effet un rapprochement entre la culture collectiviste et la culture jacobine sous les espèces d'une social-démocratie à la française. Social-démocratie à la française, qui est en train de prendre forme. Le contrat récemment signé entre le Medef et la CFDT, avec la bénédiction de Hollande, est un vrai tournant dans la culture française. Il y a encore quelques années, Jospin fait les 35 heures contre l'avis des syndicats et du Medef. C'est d'ailleurs une des raisons de l'échec relatif des 35 heures. Il y a là un tournant. Cela nous ramène à une tradition de type européen. Il reste toutefois une tradition française d'intervention de l'Etat. C'est pourquoi la social-démocratie française sera forcemment plus jacobine que la social-démocratie anglaise ou allemande, surtout allemande.
Je défends mes familles, parce qu'elles permettent quand même une lecture à long terme. Vouloir réduire cela à deux familles, comme certains le suggèrent, ne permettrait pas de lire la vie politique française.

FM : C'est la victoire de René Remond sur, par exemple, Maurice Duverger, même si Les partis politiques   continue à être un livre important, il ne sert pas d'outil quotidien parce que les partis changent, même si le PS change peu en apparence. Par contre, l'analyse sur les droites demeure, c'est un peu cela que vous avez voulu faire ?

JJ : Absolument. Contrairement à tous ceux qui disent, et c'est en effet Duverger et toute cette tradition, la France est le pays de l'opposition gauche-droite, Rémond a montré, et je crois aussi l'avoir montré pour les gauches, que le pluralisme est fondamental. La France est le pays qui s'est rallié le plus tardivement au bipartisme. Lorsque j'entends les centristes dire : la France est le pays du bipartisme depuis les origines, depuis la Révolution Française, ce n'est pas vrai. C'est le contraire qui est vrai. Il a fallu de Gaulle pour imposer le bipartisme à la France.

FM : Vos portraits sont très réussis. Ils sont parfois assez différents : mêlés par endroits comme pour Rousseau et Voltaire où longtemps vous parlez des deux avant de parler de l'un, puis de l'autre ; parfois, ils sont très séparés (Thorez/Blum)... C'est lié à ces personnalités historiques...

JJ : J'ai pris Plutarque. Dans ce dernier, tantôt ils sont mêlés, tantôt non...

FM : Cela on le retrouve chez Furet, dans les histoires de la Révolution Française, les tomes de Furet, il y a beaucoup de portraits. C'était important pour l'historien que de passer d'un récit qui n'est pas l'histoire de la gauche du tout, sinon il faudrait six tomes, mais c'est important dans une histoire intellectuelle d'avoir aussi de l'incarné dans les individus ?

JJ : Oui, et je vais vous dire pourquoi, notamment pour les origines. Parce que la France a créé, non pas la division gauche-droite qui existe partout ailleurs, en revanche, elle a créé aux XIXe siècle, un personnage très particulier, qui est celui de l'écrivain, journaliste et homme politique. Ce n'est pas pour rien que dans mes portraits, il y a Benjamin Constant et Chateaubriand. Ils sont écrivains et hommes politiques. Cela continue avec Lamartine et Victor Hugo. Il y a là un personnage politique, bien perçu par Tocqueville, qui a un pied dans l'action et un pied dans le langage, dans la symbolique, qu'elle soit journalistique ou littéraire. C'est aussi des différences dans l'avant et dans l'après, c'est-à-dire la gauche du XIXe et la gauche du XXe : au XXe, ce personnage disparaît. Léon Blum l'est encore un tout petit peu...

FM : Camus l'est encore, mais que d'un côté quand même...
JJ : Oui, mais Camus n'est pas un homme politique.

FM : Oui, il n'est que d'un côté.
JJ : Il joue un rôle politique, Sartre aussi. Ils ne prétendent nullement à être dans la politique, ils prétendent à être dans l'action à l'intérieur de la société. Évidemment, Sartre a créé un parti mais ça n'a pas duré, ça a été un échec total...

FM : Quel parti ?
JJ : Ca s'appelait le RDR, le Rassemblement Démocratique Révolutionnaire, avec Rousset. Ça a éclaté tout de suite.
Les portraits, c'était aussi une manière de montrer que la politique était en France, comme dit Tocqueville, une activité littéraire. La France est un pays où la politique a une dimension littéraire, qui est très frappante. Le fait que tout homme politique en France doit avoir écrit des livres   étonne beaucoup les étrangers. Les Américains regardent ça...

FM : En même temps, Obama a écrit beaucoup de livres, ça a été sa force par rapport à d'autres !

JJ : Absolument. Après, ils écrivent tous leurs mémoires, mais ce n'est pas pareil. On ne voit pas Reagan en intellectuel, or cette jonction du personnage, du journaliste, de l'écrivain et de l'homme politique, c'est un petit peu ce que nous appelons l'intellectuel. En tout cas, c'est l'une des formes. Ça permet de distinguer le XIXe du XXe.

Au XXe, les portraits sont d'une nature différente, à l'exception de Sartre/Camus parce qu'ils jouent un rôle dans la politique au sens profond du terme, en dehors des partis, en dehors des pouvoirs, mais ils ont une influence sur la société. Pour le reste, ce sont des portraits d'hommes politiques. J'ai quand même essayé de montrer la part d'improvisation qu'il y a dans la politique de gauche, à quel point elle tient à un moment donné à certaines personnalités.

C'est le contraire d'une politique déduite des structures sociales. J'ai été frappé que personne ne me reproche cela, de ne pas avoir fait une histoire infrastructure de la gauche, c'est-à-dire à partir des professions et des classes sociales. D'abord, cela aurait été autre chose : une histoire du peuple et pas des partis des gauches et puis, il y a surtout que ça marche pas ! Le débat que j'ai eu, le principal, avec la position de gens comme Michéa. Je suis à mi-chemin entre ceux qui voudraient continuer de déduire les partis et les positions politiques des conditionnements économiques et sociaux, ça marche pas. La classe ouvrière vote à droite presqu'autant qu'à gauche... même s'il y a des recoupements plus grands à des moments donnés. Je ne suis pas non plus du côté de ceux, qui comme Michéa, disent : "La gauche et le peuple, c'est deux choses complètement différentes."

BC : Peut-être que cette absence de remarque sur ce point donne raison à l'une de vos conclusions quand vous dites que la politique est la religion cachée de la gauche ? Il y a une telle focalisation sur le jeu politique, le rôle des idées...

JJ : Absolument. C'est tout fait à ça. Il y a une autonomie de la politique et elle est même plus poussée en France que dans beaucoup d'autres pays. Marx lui-même dit la France est le pays de la politique et lorsqu'il crée la catégorie du bonapartisme, c'est le parti des paysans, mais la société étant paysanne, c'est presque inévitable. De toute manière, les paysans sont passifs. Marx reconnaît que le bonapartisme n'est pas l'expression d'une politique de classe aussi claire que dans la période précédente, il essayait de montrer comment la bourgeoisie financière, industrielle, avaient leurs représentants au parlement et dans les partis. Je suis dans une position intermédiaire entre les infrastructuristes, qui ne sont plus très nombreux, et ceux comme Michéa qui veulent complètement couper la gauche et le peuple. Ce n'est pas vrai non plus ! Lorsque Michéa dit : la gauche est un truc qui commence avec l'affaire Dreyfus, c'est nier tout ce que symbolise par exemple le tableau de Delacroix sur le peuple, où il a l'étudiant, le bourgeois, le titi de Paris, etc. La gauche et le peuple sont deux choses différentes, mais qui ont partie liée, notamment au XIXe siècle et encore en partie au XXe, on peut en discuter.

BC : Ma dernière question revient sur votre conclusion et sur votre ouvrage La Reine du monde. Vous parlez du défi de la gauche face au besoin de participation avec la problématique sur le temps long du problème de la représentation, de la souveraineté, et comme un antidote à l'indifférence annoncée par Tocqueville dans les sociétés démocratiques, ce désir de participation... Mais quelle pourrait être une participation de gauche ? On a vu des débuts avec Ségolène Royal dans sa campagne en 2007. Mais aujourd'hui, on pourrait dire que la tentative la plus poussée de participation d'une certaine façon, ce fut le gaullisme avec le référendum, dont le dernier qui portait exactement sur ce sujet ?

JJ : Oui, ce n'est pas faux. La gauche a un gros retard car c'est elle qui est la plus attachée à la forme parti. Les partis à droite n'ont pas une telle importance, ils structurent le parlement mais jusqu'à une date récente, ce n'étaient pas des partis de masse alors que la gauche a donné le schéma du parti de masse. La gauche a un problème : son rapport avec la société. C'est pour ça que la deuxième gauche était son aiguillon nécessaire parce qu'elle ne cessait de rappeler cela.

Je crois qu'effectivement la pratique du pouvoir est en train de convaincre une parti des hommes de la gauche de gouvernement qu'on ne peut pas gouverner sans le peuple. Pour deux raisons : d'abord, il y a les phénomènes d'opinion public. Le principal interlocuteur de Hollande n'est plus le PS, ni le parlement, c'est quand même l'opinion.

D'autre part, il y a le rôle des corps intermédiaires, les syndicats en étant un, peut-être pas celui qui a le plus d'avenir, mais la France et notamment celle de gauche, est de plus en plus structurée en associations diverses. Soit des groupes de pression, soit des associations de consommateurs, que sais-je ? La gauche de ce point vue là a besoin de se social-démocratiser parce qu'en France, elle a toujours été parfois en situant plus à gauche que ses partenaires européens, mais sur une base plus exclusivement politique. Elle a besoin de se s'immerger dans la société et ce n'est pas évidemment pas la tendance des jacobins, parce qu'ils sont tellement gardiens de l'autonomie du politique. Ils voient toujours les hommes politiques au poste de commandement et on voit bien que si Ségolène Royal a eu un tel succès à un moment donné, alors que sa personnalité était discutable, c'est parce qu'elle avait mis l'accent là-dessus.

Cela dit, la gauche n'a pas encore été capable d'inventer les liens, tout simplement parce que les partis de gauche n'attirent pas. Ils attirent des candidats à la politique politicienne, professionnelle. Si vous adhérez aujourd'hui au PS, c'est que vous avez envie de faire une carrière, peut-être locale, régionale ou nationale au parti, mais parce que vous êtes militant de je ne sais quelle cause.

De ce point de vue, je pense qu'Hollande n'a pas si mal commencé, l'exercice du pouvoir l'oblige, lui qui était un homme de parti par excellence, à raisonner en termes de société et beaucoup moins de parti. La suite le dira mais je crois qu'Hollande est en train de comprendre beaucoup de choses. Il est en train de changer complètement son personnage, tout simplement parce que le précédent n'allait pas du tout. Il y a eu vraiment un hiatus terrible pendant des mois : non seulement il ne faisait pas assez président, mais en plus il avait une vision terriblement politicienne de la politique et pas du tout sociale. On dit parfois qu'il est un des derniers rameaux de la deuxième gauche. Originellement, c'est pas vrai : Hollande est un mitterrandien. Mais c'était déjà le cas de Mitterrand. Le pouvoir est en train de le rocardiser. Il suffit de voir l'accord avec les syndicats... Quand après avoir dit que la question du mariage était une question de liberté de conscience, il reçoit des associations de bi, de gays, de lesbiennes... Il est obligé d'abandonner son personnage d'homme politique. Mais ce n'est pas sûr qu'il sera suivi, parce que tel que je vois le groupe parlementaire socialiste, il y a du travail à faire.

Une des erreurs de ce pouvoir c'est que tous ses éléments un peu valables sont au gouvernement. Il n'y a plus personne ! Il faut voir, ils mettent à la tête du parti Harlem Désir, qui est quand même pas... Ils mettent à la tête du groupe parlementaire Bruno Leroux. Ce sont deux personnages parfaitement sympathiques mais, au moins, Mitterrand avait laissé Joxe au parlement pour surveiller un peu les choses, mais aussi les impulser, or je ne vois pas ni Harlem, ni Leroux et leur entourage, profiter du pouvoir pour réformer le parti et surtout l'ouvrir sur la société, or le PS est condamné à ne compter que sur ses propres forces. Il faut qu'il devienne un parti-société et pour l'instant, il ne l'est pas. Le parti allemand, le parti anglais, ne le sont peut-être pas suffisamment, mais ils le sont plus que le parti français. Sinon, c'est l'étranglement

 

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