La multiplication des commissions destinées à établir des rapports sur le livre et son avenir est-elle le signe d'une impuissance ou d'une grande réactivité du pouvoir politique ? Après le rapport de juin 2008 de la commission Patino sur le livre numérique, celui de Hervé Gaymard relative au prix unique du livre en mars 2009, et l'installation récente de la commission sur la numérisation des fonds patrimoniaux des bibliothèques, présidée par Marc Tessier, c'est maintenant Christine Albanel qui est chargée de réflechir à un HADOPI du livre.

 

Pour Marc Tessier, ancien président du Centre national de la cinématographie (CNC) et de France Télévisions, c'est plutôt bon signe qu'on prête autant d'attention au livre. La réflexion doit accompagner  l'intrusion grandissante du numérique dans la vie quotidienne des citoyens. C'est en ce sens que la commission qu'il préside répondrait à l'accélération du processus de mise en réseaux de l'industrie du livre en France. Et dans cette course contre la montre, le spectre Google change tout. Non seulement il faut faire vite pour répondre à la tentative du géant américain de s'attribuer le monopole des livres numérisés, mais il faut agir en concertation avec nos voisins européens puisqu'ils sont tous concernés.

 

C'est ainsi que le conseil des ministres de la culture européens réuni à Bruxelles le 27 novembre avait énuméré leurs problèmes communs: la valorisation des fonds patrimoniaux, la maîtrise des réseaux d'accès à ces fonds, la marge de manoeuvre des politiques publiques, le financement de la numérisation, et puisqu'elle risque de faire jurisprudence, la forme de la réponse opposée à Google.

 

En effet, Marc Tessier nous confiait même que le fond de la question de la numérisation de l'information et de la culture consiste dans "le passage douloureux" des médias de consultation et de distribution spécifique - y compris le livre-  à des réseaux où l'information n'est plus seulement dédiée à ce média. Le contrôle de l'accès à l'information et à la culture est par définition plus difficile sur des réseaux. C'est ainsi que le problème ne résiderait pas tant dans la volonté supposée de Google de geler un marché, mais dans la qualité et l'évolution de son offre. Internet impose nécessairement un désinvestissement de l'Etat vis-à-vis de la culture. Pour Marc Tessier, la France a même traditionnellement une politique de l'offre en matière culturelle, sauf dans le domaine du cinéma. Reste à savoir s'il est possible d'assurer la libre disposition du patrimoine aux citoyens tout en acceptant de mettre en situation de monopole un opérateur privé. La commission sur la numérisation des fonds patrimoniaux doit rendre son rapport définitif le 15 décembre prochain

 

 

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