Quelques semaines après la publication du projet du PS pour 2012, Libération revient sur le rôle du Laboratoire des Idées depuis deux ans pour renouer le dialogue entre la gauche et les intellectuels.

 
 

Alors que bon nombre de think-tanks lancés ces dernières années occupent le terrain médiatique pour diffuser leurs idées, une structure peu connue du grand public travaille dans l’ombre du Parti socialiste depuis près de deux ans pour tenter de donner une véritable cohérence à son programme : le Laboratoire des Idées. Afin d’attirer à nouveau le monde intellectuel vers les couloirs déserts de la rue de Solférino, le Lab’ a réuni de nombreux groupes de travail de chercheurs bénévoles chargés de réfléchir à des thématiques comme l’éducation, la ville, les civilisations numériques ou la diversité. Selon son directeur Christian Paul, député de la Nièvre, " le Lab' a permis l’irrigation d’un corps dont les flux avaient disparu". 

 

Pour cela, il a fallu surmonter des débuts difficiles. Non contente de ne pas obtenir l’investiture du PS aux élections régionales, la vice-présidente Lucile Schmid a claqué la porte en décembre 2009 pour rejoindre Europe-Ecologie. Elle avait alors dénoncé "le jeu des motions, le processus de décision politique au bureau national qui se fait sans lien avec le Laboratoire des idées, l’autonomie croissante des fédérations, les rivalités de clans, l’absence de prise en compte de la compétence, de l’expertise et de l’investissement personnel". 

 

Puis, la machine s’est mise en route : une vingtaine de groupes de travail ont été réunies en un an et demi et de nombreux chercheurs ont accepté d’y participer, fût-ce discrètement. Certains, comme le sociologue Camille Peugny, ont eu le sentiment d’être utiles. Ses travaux sur le déclassement ont inspiré une partie des propositions du PS sur l’égalité réelle, comme l’allocation d’autonomie pour les jeunes en formation. Deux rapports sur l’éducation ont également été largement repris par Bruno Julliard dans le projet "Education et Formation pour l’Egalité". En revanche, d’autres idées, comme la légalisation de la gestation pour autrui, défendue par Gilles Bon-Maury, animateur du groupe sur les nouvelles familles, ont suscité des débats virulents avant d’être rejetées. Enfin, l’ensemble de ce travail collectif a abouti à la publication d’un ouvrage co-écrit par 50 chercheurs, préfacé par Martine Aubry et coordonné par Christian Paul, Pour changer de civilisation   . Ce livre, qui présente les grandes lignes de ce que pourrait être le projet de société d’un futur président de gauche, connaît un beau succès de librairie. 

 

Si le Laboratoire des Idées a permis de donner une image de sérieux et de rigueur à un parti dont l’image devenait catastrophique, il n’en demeure pas moins que le travail sur les idées est loin d’être achevé. Beaucoup ont vu dans le projet du PS un ensemble de propositions intéressantes mais trop imprécises et parfois trop dépassées pour donner une véritable crédibilité au futur candidat(e). Pour Michel Wieviorka, sociologue proche de Martine Aubry, le Lab’ est une réussite dans la mesure où il a poussé le PS à mobiliser collectivement les intellectuels et à surmonter ses dissensions internes. Cependant, "il reste un problème, insoluble : les sciences sociales et la politique ne peuvent procéder de la même manière. La production en sciences sociales ne peut tolérer ni compromis, ni inflexion, elle est nécessairement complexe et prend en compte la complexité. L’action politique, c’est l’opposé. Sauf à être jusqu’au-boutiste, irresponsable, il faut composer avec les compromis, les renégociations, les rapports de force. Le projet du PS doit tenir compte de la diversité en son sein et maintenir ouverte les possibilités d’accord avec les autres forces de gauche." Le défi reste entier

 
 

* Charlotte Rotman, "Comment le PS a renoué avec les intellectuels", Libération, 26 avril 2011.

 
 

Pour aller plus loin : 

 

- La Cité des Livres recevra Michel Wieviorka le mardi 14 juin pour un débat autour de son dernier livre Pour la prochaine gauche (Robert Laffont).

 

- Voir l’interview de Christian Paul à la Cité des Livres, autour de Pour changer de civilisation (Odile Jacob). 

 

- Voir l’interview de Najat Vallaud-Belkacem et Irène Théry à la Cité des Livres, autour du débat sur les lois de bioéthique.