Soixante après la mort d'Albert Camus, Nonfiction republie le dossier qu'il lui avait consacré à l'occasion du centenaire de sa naissance.

Il semble difficile de mettre uniquement sur le compte de la conjoncture économique le relatif silence qui entoure la commémoration du centenaire de la naissance d'Albert Camus, qui fut pourtant Prix Nobel de littérature en 1957 et qui reste largement étudié dans l'enseignement secondaire comme l'avait relevé de façon acerbe Jean-Jacques Brochier avec son Camus, philosophe pour classes terminales   . Paradoxalement, l'une des explications de ce mutisme médiatique réside vraisemblablement dans la charge politique de cet écrivain pourtant mesuré, adepte de la "pensée de midi". Nonfiction.fr vous propose donc trois aperçus de l'aspect politique de l’œuvre d'Albert Camus : à partir de cette dernière, de ses prises de position explicites mais également à travers les usages politiques et posthumes de sa personne.
 
Dans sa recension d'Albert Camus. Littérature et politique de Jeanyves Guérin, Florian Alix revient sur l'entreprise de définition de la "politique littéraire" de l'écrivain, appréhendée à la fois comme réflexion et geste politique. Chez Camus, l'écriture littéraire recouvre ainsi une certaine méfiance à l'égard des idéologies : la politique est avant tout une expérience matière à questionnements philosophiques, dont celui de la justice constitue l'un des tous premiers, rappelant l'engagement éthique constant de l'homme.
 
Dans un texte fouillé, Isabelle de Mecquenem se penche sur la difficulté à cerner une pensée politique chez Camus. Loin de considérer cette absence comme un défaut, elle ne serait que la traduction d'un hommage rendu à "la plume qui pense", mais aussi d'un attachement profond à la lucidité, la liberté et l'humanité. Au passage, ces convictions expliqueraient sa réhabilitation par les intellectuels des années 1980. Toutefois, l'engagement politique de Camus ne fut pas toujours insaisissable comme le prouve sa participation au Parti communiste algérien, puis à la fin de la Seconde Guerre mondiale, sa mobilisation en faveur d'une Europe socialiste et pacifiée.
 
Enfin, croisant la lecture de trois récents essais sur Albert Camus signés d'auteurs aussi différents politiquement qu'Henri Guaino   , Jean Monneret   , Benjamin Stora et Jean-Baptiste Péretié   , Benjamin Caraco examine les différentes interprétations et récupérations dont fut et est toujours l'objet Camus depuis sa disparition. À cause ou grâce à la complexité de ses engagements politiques, Camus reste populaire dans un certain nombre de cercles politiques différents et parfois antagonistes, de la gauche à la droite en passant par les nostalgiques de l'Algérie française, comme l'a illustré l'une des seules actualités liées à la commémoration de Camus : le fiasco d'une exposition devant lui être consacrée à Aix-en-Provence.
 
Cent ans après sa naissance, l’œuvre et la personne d'Albert Camus, en dépit de l'image paisible à laquelle il est parfois associée, continuent de faire l'objet de mobilisations et de luttes politiques et mémorielles, nous incitant, afin de les dépasser, à nous replonger dans ses livres

 

* À lire sur Nonfiction.fr :

- Le droit au bonheur et à la vie comme politique

- Camus : la plume et l'engagement

- Albert Camus l'homme réinterprété

- Camus, le porte-maux