Raphael Siboni a réalisé un film dont le titre a des consonances pour le moins lacaniennes : Il n’y a pas de rapport sexuel (Capprici, 2012).Le long-métrage est une plongée dans les archives du célèbre " pornographe" HPG. Cette star du cinéma X français a posé sur ses tournages une caméra fixe qui le filme au travail.  Au total, des milliers d’heures de making of présentant le hors champ de ses réalisations. Siboni n’a donc tourné aucune des scènes de son film. Il a planté son regard de plasticien dans cette matière sans voile.

Le couple  

Fabrice Bourlez : Pour resituer votre parcours et ce qui vous a mené de l’art contemporain jusqu’à la réalisation de Il n’y a pas de rapport sexuel, je voudrais commencer par vous interroger sur la notion de "couple". Vous avez mené de nombreux travaux qui précèdent la réalisation de votre film en collaboration avec Fabien Giraud. Aujourd’hui, vous signez ce film à partir des images d’HPG, c’est, dans un cas comme dans l’autre, un fonctionnement à deux. Quelle importance pour un artiste à travailler en tandem ? Comment êtes-vous passé d’un couple à l’autre ? Est-ce que quand on travaille à deux, on travaille seul quand même ? Quelle différence faites-vous entre l’un et l’autre ? Quelle différence entre un travail mené avec un alter ego (Giraud) et un travail mené dans l’après-coup sur des images tournées par un autre (HPG) ?

Raphaël Siboni : Ce sont des questions que je me suis forcément posées en travaillant avec Fabien Giraud. Mais j’ai toujours aimé travailler en duo que ce soit avec mon frère sur des films que j’ai faits quand j’étais plus jeune ou avec Fabien et, maintenant, avec HPG. J’ai rencontré Fabien Giraud aux Arts Décoratifs, à Paris. Ensuite, il est allé au Fresnoy et je l’y ai suivi. Nous avons commencé à travailler ensemble d’abord sur un projet parce qu’il y avait beaucoup de sujets qui nous rapprochaient. Nous avons été amenés à monter une première exposition, puis une deuxième et les choses se sont enchaînées. Nous avions une véritable volonté de mener un travail de duo à l’époque. Aujourd’hui encore, nous continuons à travailler beaucoup ensemble : essentiellement sur de la vidéo ou des pièces qui sont dans un corpus très délimité. Moi, à côté, je travaille sur des questions de cinéma, aussi bien documentaire que fiction. Fabien continue de mener un travail de plasticien de son côté également. Nous avons donc été obligés de définir quels territoires nous allions explorer ensemble.
La question du couple s’est notamment posée au moment où nous avons fait la pièce pour le Palais de Tokyo, Last Manoeuvres In The Dark, 2008 que nous ne ferions plus comme ça aujourd’hui. Il s’agissait, en fait, de travailler sur la question de l'entertainment non pas du point de vue d’une lecture sociale, mais du point de vue de l’écrasement du sujet. Comment un sujet émerge en tant que singularité dans une communauté et dans toutes les pratiques communautaires, aujourd’hui, de plus en plus spécialisées. Ce sont des choses qu’on a explorées à travers différentes installations et différentes vidéos. Et, du coup, en travaillant à deux, on s’est très vite posé la question de savoir depuis où on parlait. L’art contemporain, et les artistes de notre génération, étaient à l’époque dans une sorte de veine "post-conceptuelle" assez romantique au final avec un respect des codes de l’art conceptuel, proche du fétichisme ! Ces personnes investiguent le champ de l’histoire et la théorie de l’art et font un art du "je", du "sujet" romantique, de l’expression, de la figure de l’artiste, de l’auteur. En travaillant à deux, on s’est donc demandé, est-ce qu’on est deux "je" ou est-ce qu’on fait un autre type d’art? Et nous nous sommes aperçus que nous faisions un art du "on" et, pour nous, d’ailleurs, l’entertainment c’est l’art pour le "on". Du coup, la question qui nous intéressait aurait plutôt été de comprendre ce qu’est un "sujet générique", "synthétique" tant du côté de l’auteur que du spectateur. Cette installation était faite de masques de Dark Vador (NDLR : le héros du film La Guerre des étoiles) : une icône, un objet complètement neutralisé et universellement accepté, sur lequel presque aucune pensée ne peut être projetée. C’est juste un objet qui remporte une adhésion instantanée. En réalité, cette pièce avait été développée avec des ingénieurs et reposait sur un système d’intelligence artificielle qui générait à partir d’une base de données et de système de réseaux de neurones une sorte de composition musicale la plus sombre possible. Or la noirceur en musique est peut-être l’expression de l’humain dans sa plus grande singularité, ce qui reste encore impossible à synthétiser. Le but était justement de faire buter une machine contre cette limite et de l’entendre chercher. Le son était généré en temps réel, la machine faisant des hypothèses, cherchant, changeant un réglage, il s’agissait de pointer la lutte de la machine pour exprimer une intensité, une "sensation de montée musicale".
A partir de là, notre travail a été assimilé à une imagerie assez high-tech alors que la technologie nous intéresse moins que la technique : cette chose qu’on met entre l’humain et le monde, cette construction par l’outil d’un rapport au monde. Comment la technique détermine-t-elle notre rapport au monde et comment, en même temps qu’elle représente le monde, elle représente toujours la manière dont, à un moment donné, on a pensé s’inscrire dans le monde ? La caméra en est un très bon exemple et c’est vraiment le point de connexion que je peux faire entre un couple et l’autre, entre le travail mené avec Giraud et le dispositif mis en place par HPG. Enregistrer une image, c’est aussi toujours enregistrer un individu, pris dans une époque qui produit cette image.
Mais il faut aussi dire que je me suis tourné vers la pornographie en raison d’un intérêt – partagé avec Fabien Giraud – pour des figures contemporaines de l’hyper-singularité qui sont, en fait, des sujets complètement vides. Ils veulent être de pures singularités mais n’expriment rien d’autre qu’un état de solitude et une volonté d’être un héros dans leur propre communauté. On a travaillé avec beaucoup de communautés, notamment pour une exposition au CAN (Centre d’Art contemporain de Neufchâtel) avec une communauté de fétichistes d’un modèle de baskets Nike, les Nike TN. Les adeptes font des sortes de rituels sexuels avec les chaussures : mettre de la nourriture, les couper, les faire brûler… Ils sont vraiment dans la position de sculpteurs : ils ont des sortes de mécènes qui leur fournissent les chaussures et eux documentent leurs actes et les renvoient à ceux qui les ont financés. On a travaillé avec un de ces jeunes, assez connu en France, et on lui avait demandé de faire une sorte de rituel infini en lui achetant cent fois la même paire de Nike. On l’a filmé pendant son rituel jusqu’à ce qu’il arrive à une sorte de dégoût et d’écoeurement : il a failli s’évanouir pendant le tournage. C’est un film que nous avions tourné en 3D immersive. On était face à l’expression d’une forme d’hyper-singularité sexuelle paradoxalement privée de sexualité. Une pure intensité, du sexe sans sexualité. On était parti de cette phrase de Deleuze justement quand il fait la distinction entre le névrosé et le psychotique. Deleuze dit : "dans une chaussette, le névrosé voit un vagin tandis que le psychotique va voir dans chaque maille de la chaussette une infinité de vagins" ! Il y a vraiment cette chose dans la vidéo, une sorte d’infinité, d’infinie pénétrabilité jusqu’aux pores de la peau. On avait demandé à la personne d’écrire un texte pour raconter sa pratique et il racontait qu’à douze-treize ans, il a commencé à aimer abîmer ses chaussures, freiner avec les pieds en faisant du vélo, marcher sur ses lacets … Et, très progressivement il s’est dit que des gens devaient avoir le même fantasme que lui. C’était dans les années 96-98 ; il se retrouve devant Google sans savoir comment s’appelle ce qu’il fait ou s’il y a un mot pour dire le fétichisme des Nike. Du coup, il cherche sur Google et essaye de définir avec des mots clés ce qu’est sa pratique, son fétiche. Et il commence alors à trouver des gens, même beaucoup de gens et des niches avec des sous-pratiques : ceux qui ne renversent que du lait, ceux qui vont dans les piscines avec leurs chaussures…

Fabrice Bourlez : C’est typique de ce que les nouvelles technologies permettent : se retrouver à partir d’un trait d’identification et, à partir de là, faire consister ce trait pour se reconnaître, faire communauté, revendiquer une reconnaissance de l’Autre.

Raphaël Siboni : C’est ça. Cette vidéo posait justement la question de la possible réduction de l’Autre à un paramètre, à une hyper-singularité. C’est véritablement la première fois où mon travail s’est tourné vers la pornographie. D’ailleurs, avec Fabien, on avait fait un partenariat avec un sex-shop qui se trouvait dans la même rue que le CAN. Nous avons mis une autre pièce dans les cabines du sex-shop. Nous avions généré des images fractales par ordinateur. Ce sont des images dans lesquelles on peut zoomer à l’infini et dans lesquelles le motif se répète. On avait envoyé ces images à une entreprise vietnamienne qui propose de refaire à la peinture à l’huile n’importe quelle image. Or il est impossible de refaire des fractals à l’identique puisqu’à un moment donné l’épaisseur du poil de pinceau ne peut plus rendre l’infinité du fractal. Donc nous avions installé ces trois tableaux fractals repeint à la Van Gogh dans l’exposition. Et, dans le sex-shop avec lequel nous avions négocié un partenariat, on pouvait aller voir des films d’une heure qui zoomaient longuement dans une image fractale. Les films étaient donc installés dans les cabines du sex-shop et j’aimais bien l’idée de se demander ce que signifiait se masturber devant une image fractale.

Fabrice Bourlez : Quand vous évoquez votre collaboration avec Giraud, vous êtes très deleuzien : vous vous demandez si vous êtes deux psychologies qui s’expriment ou, si, au contraire, il ne s’agirait pas de faire passer des choses entre les deux. Pourriez-vous encore préciser davantage quel serait le mode de fonctionnement de ces couples ? Deleuze pensait la rencontre comme des noces où l’un volerait l’autre, où il y aurait un champ d’expérimentation qui n’appartiendrait ni à l’un ni à l’autre. Bref, est-ce que le terrain de jeu entre vous et Giraud et entre vous et HPG était identique ? Comment a-t-il évolué de l’un à l’autre ?

Raphaël Siboni :
Avec Fabien Giraud, on a avancé ensemble dans l’art contemporain et on a trouvé un véritable équilibre. Je n’aurais jamais fait, ce que j’ai fait si je ne l’avais pas rencontré. Et c’est la même chose pour lui. On a été pris, aspiré par une énergie et un plaisir de travailler à deux. Parce que l’art du "je", ce serait celui un peu cliché de l’univers d’un artiste qui, finalement, est toujours quelque chose de très rassurant. Alors que, quand on travaille à deux, il y a un vrai plaisir à ce que tout ce qu’on met en place soit continuellement détruit ! L’objet produit n’appartient alors effectivement ni à l’un ni à l’autre. Du coup se pose la question de ce qu’est cet objet produit ? D’abord, on construit une pièce avec l’envie de la réaliser de la manière la plus juste possible et de la ré-agencer continuellement. D’une certaine façon, c’est comme si, dès le stade de l’idée de la pièce, l’autre en constituait le public. On est déjà dans un rapport d’extériorité. On peut immédiatement tester la chose avant même de l’avoir produite. On peut travailler avec l’idée de manière sculpturale : la contraindre, la modeler, il y a quelque chose de l’ordre de la manipulation. C’est très enrichissant mais le risque c’est que, progressivement, on arrive à s’accorder sur des termes et on finit par avoir une sensation de précision qui est parfois illusoire. Quand on est d’accord sur les termes on prend parfois moins le temps de savoir ce qu’ils signifient. On a parfois l’impression d’être de plus en plus précis dans des choses qui peuvent sembler très obscures pour d’autres. On risque même parfois de perdre le fil même s’il y a un vrai plaisir à formuler très précisément des choses qui nous intéressent tous les deux.
Avec HPG, c’est un rapport très différent. Je l’ai rencontré par l’intermédiaire de la maison d’édition et de production Capricci avec laquelle HPG travaillait sur un nouveau long métrage et avec laquelle je travaillais également. Au vu de mes intérêts, lorsque HPG a parlé de la matière qu’il avait à sa disposition aux producteurs, ils ont fait en sorte que l’on se rencontre. À partir de là, HPG m’a donné quelques cassettes que j’ai visionnées. J’ai réfléchi un peu et on a décidé de devenir tous les trois producteurs du film et la collaboration a commencé. C’est un couple aussi mais qui est très différent. D’abord, il y a une différence de caractère. Ce n’est pas dur de le voir. C’était drôle quand on faisait des présentations : on a un rapport très différent aux autres et à la manière de faire du cinéma même si nous avons aussi des points communs. HPG comme moi-même avons un intérêt certain pour les figures marginales qui sont, encore une fois, des formes de singularité mais malgré elles. Il y a aussi sans doute des résonances personnelles dans ce qui m’a poussé à faire de l’art. Il avait déjà réalisé son autobiographie, un peu sur le même principe que dans mon film, avec le même type de matière, mais en réalisant lui-même le montage (Hpg, son vit, son œuvre, 1999). C’est une matière extrêmement personnelle. Il est très clair pour moi que ce sont des images qui lui appartiennent, qu’il en a été le metteur en scène. On voit très bien le lien entre les films qu’il a réalisés lui-même et ce projet-ci. Mais l’intérêt résidait justement dans le fait qu’HPG accepte que quelqu’un d’autre observe ses images, essaye de les comprendre. Je pense que c’était une matière qui l’a vraiment écrasé. Et, même si elle est très belle, je ne suis pas sûr qu’il aurait pu en faire quelque chose.

Il n’y a pas de rapport sexuel

Fabrice Bourlez : HPG a posé une caméra fixe pour se filmer en train de tourner pendant combien d’heures au total ?  

Raphaël Siboni : Dix mille. Et j’ai regardé à peu près mille heures qui correspondent aux rushs les plus récents. D’abord parce que sont ceux qui sont tournés en Haute Définition et que je ne voulais pas de changement de format au montage. Il y avait une unité. Mais j’ai pris aussi les rushs à partir du moment où il laisse tourner cette caméra, parce qu’avant ce qu’il faisait c’était des making of un peu marrants ou des interviews d’actrice. En fait j’ai commencé à regarder dès qu’il a abandonné la caméra du making of pour celle posée sur un pied. Ça fait quatre ou cinq ans qu’HPG emploie ce dispositif.

Fabrice Bourlez : Vous savez pourquoi HPG a changé sa pratique, pour quelle raison il est passé du making of amusant à cette œil immobile ?

Raphaël Siboni :  Sans doute en raison d’une vraie lassitude de son côté. Il aime toujours le porno mais il essaye de le faire d’une manière de plus en plus simple, efficace : de moins en moins de décors, de moins en moins d’extérieurs, aller à "l’essentiel". A un moment, je crois que cela s’est imposé à lui de juste poser cette caméra et de tourner. Il a une pratique de journal intime filmé mais, à la base, il voulait aussi en faire une utilisation commerciale en vendant ces images par paquet de centaines d’heures sur Internet à des sites de faux films X tournés soi-disant en direct, des sortes de fausses webcam. C’est justement ce qu’il y a d’intéressant dans cette matière : c’est à la fois un making of et une image qui a potentiellement une fonction pornographique. Elle pourrait être regardée sur Internet par des gens qui voudraient juste se masturber.

Fabrice Bourlez : Oui, mais dans votre film, la dimension pornographique devient secondaire. Vous n’avez pas réalisé un film pornographique. D’ailleurs, la dimension sexuelle dans les deux couples que nous venons d’évoquer est absente. Pour le dire de manière lacanienne, vos couples produisent du sens "ab-sexe" : dans la distance du sexe. Si je prends la première image de votre film, le premier plan montre certes une scène de baise mais aussi une caméra. Votre film porte peut-être plus sur la question de la caméra, de l’œil et de l’image. Votre film porterait sur le cinéma.

Raphaël Siboni : Oui, le film porte effectivement sur le cinéma en tant qu’art du rapport. L’instauration d’un rapport au monde. C’était déjà ce qui m’intéressait avec Fabien Giraud. Au début du cinéma, il y a cette invention d’un outil dont on ne savait pas quoi faire. Ce n’était pas encore devenu une sorte de théâtre filmé : c’était un instrument de mesure. Il s’agit pour moi de revenir à ce moment de cinéma, de me dire que le cinéma, c’est juste une manière d’enregistrer la mesure d’une pure quantité de lumière. Le cinéma, c’est mettre un capteur devant une source lumineuse et enregistrer ce qu’il y a entre. Il s’agissait de ramener ça au contexte spécifique du tournage porno et de cet œil posé par HPG comme cela. On pourra reparler du titre. Mais, je m’étais dit, s’il n’y a pas de rapport sexuel, ici, dans la pornographie quelle est la nature des rapports qui ont lieu sur un tournage pornographique ? Et c’est ce que le film essaye d’explorer. Je crois qu’il y a deux choses : d’une part, la question des rapports de travail et des rapports de force entre acteurs, actrices et le réalisateur. C’est aussi la question du cinéma au sens où le cinéma serait un art du contrôle des corps. La pornographie viendrait juste isoler cette question du contrôle des corps humains, de la manière dont on aligne les mouvements du corps humains sur les mouvements de la caméra. Il y a donc cette question des rapports de travail mais – deuxième point – moi, ce qui m’intéressait véritablement, en tant que cinéaste, c’était la nature du rapport entre les corps filmés et l’objet qui filme ces corps. Quelle est la nature de ce rapport-là ? Et, pour moi, si il y a sexualité, c’est dans cet espace vide entre le corps de la caméra et le corps des acteurs plus qu’entre les acteurs eux-mêmes. Quand j’ai commencé à voir les rushs, au-delà de l’évidence de voir que ces corps sont extrêmement seuls et coupés les uns des autres, il y avait le fait de voir non pas de la sexualité mais la représentation d’une forme de sexualité. La pornographie est cet outil de représentation qui est posé et vient se poser entre des corps. Toutes les positions sélectionnées sur le tournage d’un film, la levrette par exemple, sont des positions qui permettent de laisser le plus d’espace vide pour que la caméra puisse filmer la pénétration. Il y a cette idée de laisser cet espace vide pour un troisième corps qui est un corps mécanique. En fait, ces positions ne sont pas forcément plus jouissives que d’autres : elles le sont plus pour l’œil que pour le corps qui les performe. Je trouve cela assez beau et étrange. Cela m’a permis de comprendre que la sexualité est avant tout du construit, du langage. Puisque les gens qui regardent du porno chez eux, reproduisent ensuite ces positions qui ont été produites pour l’œil de la caméra et sont moins excités par le frottement de leurs corps, moins excités par des questions sexuelles ou de mécanique des corps que par l’idée "de faire comme dans le porno". Ils laissent la place chez eux, dans leur intimité, à cette caméra qui n’est plus là et qui, pourtant, est présente en creux. La sexualité, c’est toujours se voir de l’extérieur, en train de performer, c’est comme être en dehors de soi et s’imaginer, se voir depuis l’extérieur en train de faire l’acte.

Fabrice Bourlez : Vous dites que le langage intervient dans la sexualité et que c’est pour cela que ça ne coïncide pas entre la chair et les corps, je trouve que vous réussissez particulièrement bien à retracer ce ratage de la coïncidence des corps dans votre film. Il y a une vraie narration qui s’inscrit au cours du film et vous allez au plus proche du ratage du rapport sexuel. Pour les lacaniens, effectivement, "il n’y a pas de rapport sexuel" parce qu’il y a le langage et on pourrait aussi compter tous les artifices qui sont à l’œuvre dans l’image. Cependant, plus on avance dans votre film, plus on s’approche du réel de la solitude de chaque être pris dans le langage. En ce sens, le milieu du film est un véritable point de bascule : c’est la seule scène tournée en extérieur. Selon moi, c’est une scène d’amour. Et, à partir de là, il y a comme une approche beaucoup plus directe du fait que, certes, il n’y a pas de rapport sexuel mais il y a, quand même, la suppléance de l’amour.

Raphaël Siboni : C’est ça. Cette scène est une scène de baiser. Elle est au milieu du film. L’extrait vient d’un film qui met en scène Storm (un acteur porno assez célèbre dans le milieu) et l’actrice Sexy Black. L’idée du titre m’est venue à partir de cette scène. Très franchement, je ne connais pas très bien Lacan. A l’époque, je cherchais un titre pour mon film, une fois que le montage était réalisé et j’étais allé voir du côté de Zizek, Bienvenue dans le désert du réel. Et ce qui m’intéressait au début, c’était la question de la passion du réel, quand Zizek évoque les caméras endoscopiques à usage pornographique que je n’ai d’ailleurs jamais vues : je ne sais pas si Zizek invente les exemples qu’il utilise… Mais en lisant ce texte, j’ai été renvoyé à Badiou et à l’Eloge de l’amour et à l’interprétation que Badiou donne de la phrase de Lacan. Avec cette phrase, il s’agissait aussi pour moi d’apporter un outil conceptuel qui soit complètement étranger à la pornographie pour penser ce qui était en train de se passer. "Il n’y a pas de rapport sexuel". J’ai trouvé ça très beau et ça collait à cette scène que j’ai volontairement mise au milieu du film et qui en est le point de pivot. C’est une scène vraiment belle pour moi parce qu’elle commence de manière très violente. HPG et ses acteurs essayent de tourner une scène, la fille y est véritablement réduite à un objet. Dans le film, on ne parle jamais aux femmes : on ne dit pas "suce-le", on dit aux hommes " faites-vous sucer par elle ". La fille n’existe pas vraiment. La grande question de la première partie de la scène où la fille est trimbalée un peu partout, c’est la lumière. Il y a de l’ombre donc on ne peut pas filmer la pénétration. Donc où se mettre pour que le soleil éclaire les corps ? A ce moment-là, c’est la caméra qui cherche l’angle. A un moment, elle s’arrête de tourner. Mais la caméra du making of, elle, continue. Il y a alors un moment un peu mystérieux où il y a d’abord un baiser et ensuite une scène d’amour. Ce que j’ai trouvé très beau dans cette scène, c’est qu’il y a une vraie gêne de la part de celui qui est en train de filmer. Là, on est vraiment en position de voyeur alors même qu’il n’y a plus rien à voir. Et c’est dans ce rien que nait l’instant amoureux.

Fabrice Bourlez : On est vraiment dans le hors champ de la baise !

Raphaël Siboni : Oui. C’est l’inverse de la pornographie. C’est une caresse. Il y a vraiment, pour moi, un événement d’abord dans le baiser. Il y a deux corps dressés qui résistent à une norme pornographique extrêmement codifiée. Là, d’un seul coup, on en sort. Je n’idéalise pas du tout : je ne pense pas que ce soit vraiment une scène d’amour mais il y a là un instant, une intensité. On ne sait pas quoi faire de ce moment et le cameraman ne sait pas quoi en faire non plus. Plusieurs fois, il dévie et puis il sait qu’il faut quand même filmer et il revient sur la scène. Quand on évoque la suppléance de l’amour, il s’agit de dire que si la sexualité s’adresse toujours à l’autre en tant qu’objet, l’amour, lui, viendrait s’adresser à l’être de l’autre, en tant que ce qui nous échappe. Et c’est ce que j’ai ressenti en voyant cette scène.

Fabrice Bourlez :  A partir de ce moment-là, dans le film, apparaît une amplitude nouvelle, une sorte d’accélération d’une scène à l’autre.

Raphaël Siboni : Parce qu’à ce moment-là, on est dans le langage. Pour moi le début est très lent. Il n’y a pas de parole au début du film. En terme de construction, je me suis d’abord demandé qu’est-ce qui déclenche l’usage de la parole sur un tournage pornographique? La réponse la plus simple, c’est qu’on parle pour expliquer ce qu’on doit faire. Donc la première scène où l’on parle, c’est une scène où HPG explique à une actrice comment faire une fellation.

Fabrice Bourlez :  Mais là, dans cette scène précisément, on voit à quel point HPG semble encombré par le langage. On pourrait presque dire que c’est le regard de la caméra qui le fait tenir plutôt que la parole.

Raphaël Siboni : Dans cette scène, on comprend la disjonction entre les corps et la parole. Ca n’est pas parce qu’on sait expliquer ce qu’il faut faire que le corps sait le faire. Je me dis que le sexe, c’est une combinaison et que parfois on est enlisé dans la parole. La scène d’après, c’est celle du scénario que HPG s’efforce d’inventer où intervient une clé U.S.B.. HPG a une utilisation du langage comme pur signal. Quand il parle, il n’y a que lui qui peut parler et c’est sans doute sa manière de garder le pouvoir sur ses acteurs. Il n’y a pas tellement d’intérêt à comprendre ce qu’il dit, c’est juste comme en informatique les ordinateurs qui envoient un signal vide pour dire simplement " je suis là". On appelle cela le "ping" : on est simplement dans l’adresse, pas dans le contenu. Et du coup, le film, dans une première partie correspond vraiment à ce que les gens peuvent attendre du making of porno à savoir : des actrices professionnelles à Prague, assez désincarnées qui ont intégré de manière interne l’image pornographique externe de leur corps. Dans la première scène, les flashes photographiques font basculer cette femme de son statut, de travailleuse en train d’attendre, à l’image du fantasme féminin qu’elle est censée incarner. En une seconde, on la voit capable de basculer. Pour aller vite, toutes les premières séquences sont simplement de l’ordre de la déconstruction du porno. Après la scène d’amour, on arrive dans ces questions de langage et de négociation. En un sens, c’est aussi un film sur le travail où l’on négocie ce qu’on doit faire : quoi faire?, comment?, pour quelle somme?... L’arrivée dans la scène d’extérieur est une sorte de respiration et d’un coup, il y a cet instant amoureux à un moment où l’on ne s’y attend plus vraiment. Ensuite, on revient chez HPG avec des gens beaucoup plus jeunes, on est enfermé chez lui, toujours dans les mêmes décors, avec une plus grande intensité dans les rapports. Et puis, on descend à la cave. Il y a une géographie du film. Le modèle de ce film est la décélération : on commence dans une forme standard du porno et c’est comme si on était sur l’autoroute et qu’on coupe le contact. C’est l’énergie de l’inertie emmagasinée qui laisse avancer la voiture jusqu’à l’arrêt. La dernière séquence correspond à ça : des corps à l’arrêt. Ceci dit, c’est une forme d’arrêt en tension : ce sont des corps qui s’effondrent. Il y a une vraie fascination : on sent tous les muscles qui se relâchent et un abandon inquiétant par son immédiateté.

Fabrice Bourlez : Cette scène finale fait penser à une sorte de décompensation du système corps-œil mécanique-langage. Tout semble se relâcher et s’effondrer. On a la sensation d’être au bord du gouffre. Ceci dit, c’est un gouffre à la Caravage, très pictural. Les images que vous avez choisies semblent aussi extraites d’une histoire de la peinture.

Raphaël Siboni : J’ai toujours été intéressé par les plans d’ensemble où tous les corps sont arrêtés. C’est presque comme une dimension de fresque au final. Comme dans la bande dessinée qui s’interroge toujours sur comment mettre le mouvement dans une image. Le cinéma n’a pas forcément besoin de faire cela, en raison du montage. Pour effectuer le montage, j’ai regardé les images en prenant des notes. Ensuite, j’ai essayé d’isoler les séquences qui étaient les plus riches aussi dans la durée. D’abord, en termes d’image, mais j’ai aussi cherché celles qui avaient la plus grande amplitude en termes d’émotion : il y a des scènes qui sont à la fois très violentes, très drôles et très douces. J’ai essayé de laisser se dérouler les séquences où, à chaque fois que l’on commence à avoir le sentiment qu’on pourrait juger l’image, il y a quelque chose qui venait contredire ce jugement, qui vient mettre à mal les préjugés qu’on peut avoir. En fait, c’est une matière qui vient continuellement déjouer le sens et les jugements qu’on pourrait y poser. C’est ce qui m’intéressait par rapport à la pornographie. C’est comme ça que j’ai choisi les séquences les plus longues possibles au détriment de celles qui étaient très belles mais qui ne faisaient pas le poids dans la durée. Il y avait le risque de faire un bêtisier. J’ai essayé d’avoir un regard plastique sur la composition des images aussi. La pornographie, c’est toujours le zoom, le H.D., le très gros plan, il faut qu’il y ait le moins de place possible entre le corps et la caméra. Et, d’un seul coup, le fait de décadrer, c’est comme si on voyait comment ces images tiennent, comment elles sont construites. J’ai également joué sur le son pour travailler cette distance en prenant parfois le son de la caméra qui était pointée sur les corps à la place de celle qui restait fixe. Dans la pornographie, la tentative de se rapprocher toujours plus de la peau revient à repousser plus loin le moment où il n’y aura plus de lumière pour filmer à cause de cette proximité. C’est la fascination de la pornographie pour le zoom optique : filmer ce qui est au plus près, mais toujours depuis le plus loin possible.

Ré-solution et pulsions post-humaines ?

Fabrice Bourlez : Mais dans votre film, malgré le zoom sur les corps, malgré l’hyper-réalité pornographique telle que pouvait la décrier Baudrillard, il y a toujours un au-delà.

Raphaël Siboni : Oui, pour moi, ce sont des questions de résolution. Cela me fait penser à une pièce que j’ai réalisée avec Fabien Giraud. Je rêverais de les montrer comme un diptyque avec le travail sur HPG. C’est une série de films que nous avons entamée, il y a trois ans et qui s’appelle La vallée von Uexkull. Depuis 2009, on va filmer dans le désert un coucher du soleil en retirant le bloc optique chaque fois qu’une nouvelle caméra numérique sort sur le marché, avec une résolution d’image supérieure. C’est intéressant par rapport à Il n’y a pas de rapport sexuel. Dans cette collaboration avec Giraud, on met face à face deux technologies : d’un côté le capteur de la caméra comme surface d’enregistrement et, de l’autre, si on peut parler d’une technologie, le soleil. Et tout ce qu’on met entre ces deux choses, c’est le cinéma, à la fois les acteurs, les corps et le dialogue, mais aussi, je parlais de bloc optique, c’est l’histoire des hommes qui, pendant des siècles, ont poli des lentilles pour arriver à obtenir une image la plus proche possible de la vision humaine. En enlevant le bloc, on produit donc une image à l’intérieur de laquelle l’humain n’est plus au centre. C’est faire l’expérience de quelque chose qui n’a pas été fait pour nous. Cette pièce sera répétée jusqu’au moment où la technologie atteindra une résolution supérieure à ce que l’œil humain peut percevoir. La résolution de l’œil humain est aujourd’hui estimée à cinq cent soixante-dix millions de pixels. Du coup, pour qui filmera-t-on quand on sera passé à une résolution supérieure ? A ce moment-là, on ne s’adressera plus à l’humain. Le lien que je fais, c’est un rapport que je voudrais développer entre la question de la haute résolution dans l’image et la question de la résolution du désir sexuel. Je pense que, dans la pornographie, la zone érogène, c’est l’œil humain. Or quand on évoque les niches, les spécialités, le maillage à travers lequel la pornographie se définit sur Internet, on pourrait également parler de résolution. C’est la même surface de langage, la même réalité : "sexe". C’est un mot. Mais dans ce même espace, on peut faire des mailles de plus en plus fines pour entourer des pans de réalité de plus en plus fins. Donc, c’est la même surface mais plus résolue. On parle de la résolution des capteurs d’images et je pense que le corps humain et, en particulier les zones érogènes, sont des zones en full H.D. Pour le dire vite, la résolution du corps y est plus fine car il y a plus de terminaisons nerveuses. Il y a des scientifiques qui travaillent véritablement sur l’estimation de la résolution en pixels de l’œil humain notamment pour rendre la vue aux non-voyant, d’autres travaillent sur la résolution du toucher en D.P.I. Concrètement, cela veut dire que les images aussi bien que le toucher peuvent être convertis en valeur numérique, en D.P.I. - Dot per Inch (résolution point par pouce) -. Plus il y aura de points sur une surface, plus la résolution sera grande. On pourra un jour enregistrer quelque chose qui est au-delà de ce que l’on peut percevoir, que l’œil ne sera pas capable de traiter. On pourrait donc imaginer des résolutions au toucher qui dépasserait nos sens. Je pense qu’il y a un véritable point de fusion entre les technologies liées aux images et celles du corps humain. Quand on parle du cybersexe, on tend vers ça, on tend à brancher le sexe sur le silicium des microprocesseurs. Il y a une sorte de pénétration du minéral de la machine par l’organique du corps. C’est la question de l’autre. Qu’est-ce que cela signifie faire l’amour avec la machine ? La machine, c’est du non humain. Si l’on y songe, le génie de Steve Jobs et de Mac, c’est d’avoir réussi à sexualiser la machine à travers l’invention de l’interface utilisateur. Ils ont inventé quelque chose entre la machine - pure puissance de calculs, absolument non humaine - et l’utilisateur : ils ont inventé la souris, l’écran, jusqu’au tactile en simulant l’effacement de la coupure entre l’humain et la machine. Grâce à l’interface utilisateur, on a l’impression qu’il y a une continuité parfaite entre l’utilisateur et la machine.

Fabrice Bourlez : Vous, dans Il n’y a pas de rapport sexuel, vous montrez comment, au contraire, les corps ne sont pas en continuité dans l’image.

Raphaël Siboni : C’est ce que j’espère montrer. La pornographie est faite d’une suite de coupures.

Fabrice Bourlez : Mais ce que vous dites sur le rapport homme / machine me pousse à vous poser une dernière question. Votre film serait-il un film d’archives ? Un film sur la manière dont, au XXIème siècle, on vit le sexe, une archive de la sexualité du début du XXIème siècle ?

Raphaël Siboni : Il y a bien sûr une dimension d’archive mais qui est reprise dans un travail de cinéaste. C’est pour ça que je n’ai pas mis de voix off, ni d’interview, etc. On m’avait même proposé d’aller sur les tournages mais ce qui m’intéresse au contraire, c’est qu’il s’agit d’une matière qui existe sans moi. Il ne s’agit pas d’un point de vue extérieur à la pornographie. Cette matière est prise dans le dispositif même de la pornographie, géré par ceux qui ont produit ces images. Il y a donc une forme d’intériorité dans cette archive. Ce rapport au documentaire me plaît parce qu’au contraire de la fiction, ici, le monde précède le film. On n’a pas affaire à la page blanche sur laquelle il faudrait inventer un monde que des techniciens viendront créer sur mesure pour le tournage. Le monde est déjà là et l’on s’interroge sur comment filmer ce monde. Comment l’organiser. Et là, puisque je n’ai pas tourné les images, cela se redouble : ce n’est même plus comment je vais filmer ce monde mais comment est-ce qu’un monde a été filmé ? Les images sont là, il y a déjà un sujet, il y a déjà une main qui a tenu cette caméra.

Fabrice Bourlez : Oui, mais vous n’avez pas choisi n’importe quel monde : vous auriez pu choisir les caméras de surveillance d’un supermarché !

Raphaël Siboni : La pornographie a cette particularité de réduire le cinéma à l’expression de pures intensités. Dans le "gonzo" on a tout enlevé : c’est du all sex. Le tout était de saisir comment émergent des intensités, des points de saillance. Essayer de réduire le cinéma à des intensités sur la surface d’un écran. La pornographie parle du cinéma. C’est le sujet parfait si on veut décrire cette machine de vision qui depuis maintenant un siècle enregistre le monde. Bien sûr, la pornographie est un monde très particulier mais c’est un choix logique parce que c’est l’expression la plus réduite d’intensités, toujours poussées à leur maximum. Il y a une forme d’abstraction absolue dans la pornographie. C’est un cinéma des intensités. Ce sont les seules images qui peuvent provoquer une excitation sexuelle réelle. Se masturber devant une image, si on pense à ce que c’est que le cinéma en tant que machine, c’est reconnaître que ce sont des images qui ont un impact sur le corps humain. Alors l’idée d’emmener ces images que je n’ai pas tournées au cinéma, de changer leur échelle (puisqu’elles sont faites pour être regardées sur Internet, dans des petites fenêtres, compressées), d’un seul coup, c’était inviter à les regarder et à les penser. Parce qu’il y a une véritable hypocrisie par rapport à la pornographie : tout le monde regarde ces images et très peu de gens acceptent de les penser. C’est pourtant un des récits de notre sexualité. Cependant, il ne faut pas oublier que c’est une pornographie extrêmement violente, vraiment dominante, d’hommes, faite pour des hommes. C’est une archive très orientée. Je pense qu’on pourrait faire des films très différents sur le même principe mais sur d’autres tournages. Dans l’art contemporain, on s’intéresse beaucoup aux sexualités un peu marginales. On dirait presque que la sexualité dominante, hétéro, beauf, n’intéresse pas. Le fait de prendre en compte la sexualité dominante me semblait intéressant parce que cela m’obligeait à questionner les paramètres, le mode d’expression, d’une sexualité dominante à l’écran. Dans ce type de pornographie, absolument tout est fait à l’économie. On n'y voit rien d’autre que ce que les gens sont censés vouloir voir. Ces images ne sont pas là par hasard. Elles sont extrêmement construites et signifiantes. Il y a parfois des moments de cinéma. J’ai essayé de les comprendre. J’ai essayé de voir comment elles ont été pensées et comment elles pensent elles-mêmes. Je les ai mises en rapport les unes avec les autres pour mieux comprendre ce qu’elles disent de l’époque dans laquelle elles ont été tournées

 

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