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Le rassemblement des think tanks français

Alors que le sommet du G20 s'est clos sur un bilan plutôt mitigé, une autre réunion de débats d'idées ayant aussi pour ambition de réfléchir sur la crise a fait son entrée sur la scène publique. Moins relayé par les médias, le Forum des think tanks s’est tenu le samedi 6 novembre au centre universitaire Malesherbes. L’occasion pour ces organismes de préciser leur place dans les débats actuels et de redéfinir leurs missions et leurs moyens d’action. Plusieurs tables rondes se sont tenues devant un public d'universitaires, journalistes et experts. La croissance et l’Europe étaient au cœur des quatre sujets abordées au fil de la journée : 1) Quels modèles de développement pour quelles finalités ? 2) Quel(s) moteur(s) pour la croissance ? 3) Comment l’Europe plus forte et plus solidaire ? 4) Les nouvelles formes de citoyenneté en France et en Europe, un enjeu pour la démocratie.

La décroissance et la crise de l’Europe au cœur des débats

Le colloque sur la croissance qui réunissait entre autres Dominique Reynié, directeur général de Fondapol, Jean-Marc Daniel (représentant de l'Institut de l'Entreprise) et Gilles Finchelstein, directeur de la Fondation Jean-Jaurès a abordé la question de la mobilisation de l’épargne des pays du Nord et la régulation de la politique économique. Des idées comme celle de l’investissement productif (Investir dans le capital produit plutôt que dans le financement) ont été exposées. Les intervenants ont également interrogé l’adhésion de la collectivité à cette notion de croissance, avant de faire la liste des dossiers considérés comme urgents dans le débat économique : l’impôt sur les sociétés, l’évolution du taux de change, la nécessité de réduire le déficit public, et la responsabilisation des acteurs publics. L’autre intérêt du débat était de revenir sur le Grand Emprunt, au point mort depuis quelques temps, et élément essentiel pour relancer la croissance. La discussion s’est conclue sur la volonté d’utiliser "les parts d’ombre de la croissance." Il faut "savoir intégrer les bienfaits de la décroissance dans les études futures", a déclaré Mathilde Lemoine, économiste et représentante du club Les Gracques. Les autres tables rondes se sont concentrées sur l’Europe à travers les notions de solidarité et de citoyenneté. Au cœur des problèmes se trouve une Europe "déclassée", selon Olivier Ferrand, président de Terra Nova, qui a opposé deux visions de l’Europe, "Une Europe des projets", et une "Une Europe des preuves", l’une découlant de l’autre. Dans ces deux visions, ce sont finalement les inquiétudes qui se sont substituées aux rêves et aux projets. Le temps des idéaux est révolu, une Europe des "preuves" est ce qui compte à présent. "Aucun de ces projets ne verra le jour tant que les problèmes institutionnels ne seront pas réglés. Le nœud du problème étant l’écart entre un exécutif global et les gouvernances. L'orientation fédérale de l’Europe ayant échoué, et la Commission ayant été transformée en gouvernement démocratique, l’impasse est totale car 27 pays ne peuvent pas décider ensemble de tout. Prenez l’exemple d’une Europe sociale, qui est foncièrement une idée de gauche, comment y faire adhérer 27 gouvernements ? Une Europe politique reste à mon avis le préalable à toute construction d’une Europe sociale." Gérard Drusillol, expert à l’Institut Thomas More a renchéri sur le cas d’une Europe "stagnante" sur laquelle pèsent de nombreux risques comme celui de la "déconstruction" face aux rivalités des puissances internationales. "D’un côté la Chine va faire pression pour une Europe plus forte, de l’autre les Américains se désintéresseront du continent si celui-ci n’est pas assez unifié." Le partenariat franco-allemand a aussi été évoqué ainsi que les problèmes engendrés par la crise de l’euro. Les risques ont donc été clairement été définis, l’éloignement de l’Amérique, le retour des identités nationales, et le potentiel de croissance réduit, comme causes des défaillances de l'Europe.

Malgré une inquiétude partagée quant au succès des politiques publiques actuelles, des pistes de réflexion intéressantes ont été développées, comme le développement de la politique numérique qui pourrait participer à une Europe plus solidaire, plus capable d’intégration, et plus démocratique dans son accès au savoir. Pour remédier à la "crise de l‘Europe", les nouvelles discussions autour du projet de Lisbonne ont été décrites comme susceptibles de relancer les projets économiques, et de redonner une certaine ambition au projet européen.

Quelle place pour les think tanks dans le débat actuel ?

Pour Jean-François Kahn, président du CRREA (Centre de réflexion et de recherche pour l’élaboration d’alternatives), l’intérêt de ce rassemblement des think tanks était aussi de sortir des "dogmes du discours libéral", malgré la majorité de libéraux présents lors du forum. Cet événement a aussi permis aux think tanks de mieux définir leurs modes de fonctionnement face au public. La question de leur financement (dotation publique ou non) a été précisée, marquant la différence entre les fondations politiques, telle que la Fondapol par exemple et les " think tanks " à proprement parler qui sont plus des clubs de réflexion. Les intervenants ont aussi exprimé leur difficulté à exister sur la scène du débat public et la nécessité de s'imposer chaque année dans un paysage politique mouvant. Leur objectif est avant tout de trouver des moyens pour faire passer leurs idées, convaincre et avoir une place dans les débats actuels. La place des think tanks, c’est "d’aller où les politiques ne vont pas car trop contraints dans leurs fonctions", a déclaré Jean-Paul Tran Thiet de l'Institut Montaigne. Les think tanks auraient ainsi le rôle d’étudier les propositions les plus intéressantes et de les faire passer aux politiques. Guillaume Klossa, président d’Europanova a insisté sur ce lien de "ramification" entre politiques etthink tanks qui permettrait un meilleur approfondissement des projets et l’apport du travail d’experts sur les questions européennes. "Le but est donc de rassembler autour de l’Europe mais aussi de cesser de diviser l’énergie politique. Il ne faut donc pas perdre de vue une identité européenne commune qui doit se construire sur les spécificités de chacun et sur la volonté des Etats", a conclu le président d’Europanova

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