La spécialiste de la Russie, chercheuse au CERI, Marie Mendras a été démissionnée de la Direction de la Prospective du ministère des Affaires étrangères par Bernard Kouchner cette semaine. Elle avait été nommée il y a environ huit mois à ce poste. "Elle n'a pas su trouver ses marques, ni compris ce qu'était le métier de diplomate, ni su comment on anime une direction d'administration centrale", affirme un membre de la Direction de la Prospective (DP). "Elle a été nommée dans une logique néoconservatrice, très typique d'une partie du cabinet de Bernard Kouchner, son directeur de cabinet en tête. Mais sur la Russie, comme sur le reste des dossiers, cette philosophie a fait long feu. Si on ajoute à cela, le manque de compétence de la directrice, ses faux-pas, ses crises d'autorité, on explique aisément que Bernard Kouchner s'en débarrasse après quelques mois seulement. Elle aura été l'une des plus brèves directrices d'administration centrale de toute l'histoire du Quai d'Orsay", confirme un autre membre de la DP. Selon les personnes que nous avons interrogées au sein de la DP, Mme Mendras avait fait l'unanimité contre elle dans son équipe, et plusieurs intellectuels et spécialistes des relations internationales avaient réclamé son départ. L'un d'entre eux rappelle "l'incompétence totale et l'amateurisme grave de la directrice de la DP", alors qu'un autre parle d' "une erreur de casting manifeste".

Cette démission confirme le double échec de Bernard Kouchner, et dans sa volonté d'ouvrir les analyses diplomatiques aux chercheurs indépendants (lire notre enquête sur la Direction de la Prospective que nous publions en parallèle) et dans le choix incohérent de nommer cette chercheuse inexpérimentée pour coordonner une telle direction. Selon plusieurs sources, elle n'aurait été nommée à ce poste que parce que le ministre, qui ne la connaissait pas, voulait nommer une femme à la tête de la direction.

Pierre Sellal, Secrétaire Général du Quai d'Orsay, avait laissé entendre depuis plusieurs mois à ses visiteurs que les jours de Mme Mendras étaient comptés. "Elle a été soutenue à bout de bras par le ministre et le cabinet, mais vraiment, il n'était plus possible d'arriver à la sauver vu les gaffes qu'elle accumulait", précise-t-on dans l'entourage de Bernard Kouchner. Une dizaine de chercheurs de haut niveau avaient démissionné, ou été abusivement licenciés, depuis l'arrivée de Mme Mendras. Son départ a été accéléré à la fin de l'été. Mme Mendras aurait alors réclamé un poste d'ambassadeur, selon différentes sources, mais "elle devrait être placardisée dans un non-poste auprès du directeur de la non-encore créée agence culturelle internationale", confirme-t-on de sources proches du ministre.

C'est Joseph Maïla (chercheur, né en 1948, éminent professeur de sociologie politique et de relations internationales, d'origine libanaise, spécialiste du Moyen-Orient, ancien recteur de l'Institut catholique de Paris) qui devrait succéder à Marie Mendras. Il dirigeait, depuis 2009, le pôle religion créé au ministère des Affaires étrangères par Bernard Kouchner, dont il est proche. Mais le départ du gouvernement de M. Kouchner étant annoncé pour cet automne, sa réforme inaboutie de la Direction de la Prospective et le départ de sa directrice, confirme son échec dans le secteur des idées et des intellectuels plus qu'il n'atteste d'une volonté de reprise en main

Barnabé LOUCHE

 

> Lire notre enquête sur la Direction de la prospective du Ministère des Affaires Etrangères que nous publions en parallèle.