La nouvelle référence pour découvrir Istanbul, son histoire, sa géographie et ses promenades.

Istanbul. Histoire, promenades, anthologie & dictionnaire sera sans doute la nouvelle référence francophone pour les dix ou vingt prochaines années. Le gros volume s'intègre dans une série dédiée aux villes, commencée en 2003 chez Robert Laffont dans la collection Bouquins avec un Saint-Pétersbourg continuée avec un New York, paru à l'automne 2009 et qui doit se poursuivre en 2010 avec un Shanghai.

Il ne s'agit pas seulement de voyages dans le sens de la relation de voyage avec ses anecdotes, son parti-pris littéraire et subjectif. Pas davantage exclusivement d'un ouvrage scientifique d'érudition. Car Istanbul (ou Byzance ou Constantinople) ne se prête pas facilement au jeu de la mise en équation. Comme s'exclame Flaubert en 1850, "c'est crâne, la gueule vous en pète" (article, "Flaubert, Gustave" dans la partie dictionnaire du livre). La remarque vaut, bien sûr, cent soixante ans plus tard et oblige l'observateur à se faire autant historien que sociologue ou poète pour en recueillir l'essentiel.

À l’instar des autres volumes, Istanbul se divise en quatre parties.

La première est consacrée à l'histoire ancienne et contemporaine de la ville : de Byzance à Istanbul. Un historien n'apprendra rien de nouveau en lisant l’essai de Jean-Claude Cheynet et Béatrice Caseau mais sa lecture est nécessaire au débutant qui ignore tout de Byzance. Il en va de même pour la période ottomane décrite par Stéphane Yérasimos. Mais on ne saurait envisager l'Istanbul de la période républicaine, celle qui commence en 1923, sans en connaître les précédentes.

La seconde partie est faite de "promenades". Elle s'adresse plus particulièrement à un public français. Les Istanbulu (Stanbouliotes) qui connaissent bien leur ville n'y trouveront  rien de véritablement nouveau. Il s'agit néanmoins d'un renouvellement salutaire du regard porté sur la ville. Les clichés de l'orientalisme y sont repris et dépoussiérés. On se promènera donc dans les marchés, le long du Bosphore, comme Loti, Nerval, Gautier et beaucoup d'autres à propos desquels on trouvera, pour mieux les connaître, des articles concis et étroitement liés à leur passage à Istanbul en fin de volume. On s'échappera aussi d'une ville de façade pour gagner les îles, ces "neuf points sur la carte" (titre de l'essai de Catherine Pinguet) qui font partie de la ville. On découvrira aussi ce que le cinéma, la photographie et bien sûr la littérature d'hier et d'aujourd'hui doivent à la capitale ottomane.

La troisième partie est une anthologie topographique et thématique. Elle confronte les auteurs, étrangers et turcs, ces derniers souvent contemporains, dans leur écriture de la ville. Les frontières de la création sont repoussées au-delà des quartiers touristiques ou des domaines auxquels le lecteur français a facilement accès. Une part est réservée aux bas-fonds, à l'errance urbaine des auteurs d'aujourd'hui. D'un seul coup, on découvre des auteurs turcs mal connus en France et leurs préoccupations, leurs thèmes de prédilection.

La quatrième partie qui permet une consultation choisie de l'ouvrage est un dictionnaire complété par un index qui ne fait pas démériter l'excellente réputation des titres de la collection Bouquins. Cinq cents entrées répondent aux questions les plus précises comme la présence énigmatique des chiens errants dans la ville, la réalisation de L'immortelle, un film qu'Alain Robbe-Grillet réalise à Istanbul en 1963 ou l'histoire de la musique juive dans la "ville que désirait le monde" (Philip Mansel cité par Nicolas Monceau en avant-propos).

La visée clairement pluridisciplinaire de l'ouvrage réunit un maximum de contributeurs. L'objectif étant de connaître l'histoire de la métropole à travers ses trois noms, sa dimension mythique allant de l'orientalisme au réalisme ou à l'intimisme. Et enfin le lecteur bénéficiera d'une présentation complète des arts et de la culture à Istanbul.

Sans tourner le dos aux hauts lieux historiques de la période ancienne qui composent la superstructure de la ville, la lecture de ce nouveau volume se veut une plongée dans la réalité de l'Istanbul contemporaine. L'essai que Jean-François Pérouse consacre à Beyoğlu en est un témoin majeur. Ce spécialiste du grand Istanbul, géographe et chercheur à l'université de Galatasaray affiche son goût pour "les quartiers qu'ignore l'étranger de passage". Si "tout Turc a été en contact avec Beyoğlu", ce grand quartier de la rive européenne est le théâtre privilégié de la vie nocturne mais aussi un "district laborieux" et donc l'image même d'une ville inattendue.

Au XXe siècle, le profil culturel d’Istanbul a complètement changé à cause notamment des mouvements de populations. Ce brassage fut favorisé par les départs de 1930 et 1960 des Arméniens et des Grecs remplacés par l’arrivée de Turcs d’Anatolie comme l’illustre le réalisateur Nuri Bilge Ceylan dans son film Uzak.

Mais force est de constater que pour connaître Istanbul il faut parfois s'éloigner de son extrême centre, aller à la rencontre de la plus grande partie des habitants, dans les faubourgs. C'est désormais là que vivent les millions de nouveaux venus, les "paysans de l'est" en quête d'une vie meilleure.

Quitter les réflexes historiographiques classiques pour mener l'enquête dans le labyrinthe moderne sans oublier qu'à Istanbul le sol urbain est souvent vieux de trois millénaires, voici le programme que nous propose l'équipe d'auteurs regroupés autour de Nicolas Monceau

 
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- Entretien avec Nicolas Monceau, éditeur scientifique de l'ouvrage, par Thomas Mercier.