Derrière les enjeux de bricolage institutionnel, l’essentiel est de fabriquer un projet pour la métropole. Moins une question de frontière que de création d’un acteur collectif.
Quelle organisation optimale pour les pouvoirs locaux ? Le débat a lieu actuellement dans différentes instances, notamment au sein d’un "comité pour la réforme des collectivités locales" présidé par l’ancien Premier Ministre Edouard Balladur. Mais la réforme de l’administration locale est en réalité quasi-permanente depuis une quinzaine d’années : rares sont les moments où ne se prépare pas une loi, ne s’organisent pas un comité, des assises, voire des États Généraux, consacrés à la réforme territoriale. En moins de 10 ans, se sont succédé la loi Chevènement de 1999 visant à la simplification et à la rationalisation de la coopération intercommunale, l’acte II de la décentralisation, qui a notamment compris une réforme constitutionnelle en 2003 pour affirmer que la République était décentralisée et la loi "Liberté et responsabilités locales" de 2004. Bref, c’est un chantier permanent dont les enjeux apparaissent souvent complexes.
Paris, un temps à l’écart des grandes manœuvres territoriales, par le retard francilien en matière de structuration intercommunale, devient un objet central des "réformateurs territoriaux", puisque devenue figure majeure de la complexité en matière de gouvernance urbaine. Jean-Marc Offner et Frédéric Gilli, dans la première partie de leur ouvrage, démêlent patiemment les origines des difficultés institutionnelles et, dans les interventions des différents acteurs, distinguent les postures artificielles et conjoncturelles des vraies oppositions politiques et institutionnelles.
Mais, disons-le tout de suite, cet ouvrage décevra tous ceux qui pensent y trouver une réponse simple aux multiples questions actuellement en débat sur la place et le rôle respectifs des différentes institutions locales. Pourquoi ? Parce que les auteurs ne croient pas en l’existence d’une "organisation idéale". Ils invitent à un élargissement puis à un déplacement du débat.
Mais le plus important réside dans leur souhait de créer un "acteur collectif, apte à élaborer un message rencontrant l’intérêt de l’ensemble des acteurs métropolitains tout en servant de carte d’identité pour les relations extramétropolitaines ". Aussi, proposent-ils la création d’un "Haut conseil au Paris métropolitain" : "Haut Conseil" pour donner à cette instance une fonction de représentation des territoires, à l’instar d’une haute assemblée, et une compétence d’aide au débat et à la décision ; "Paris Métropolitain" pour spécifier des capacités d’interpellation sur les politiques et enjeux territoriaux à toutes les échelles, dans une logique de création de cadres de discussion commun ainsi que de lieux de rencontre et de débat fixes. Le rôle du Haut conseil serait de construire une vision stratégique à long terme, par l’ouverture des débats à un nombre très large d’acteurs, et de mener une évaluation des politiques publiques métropolitaines. "À l’articulation entre la connaissance et l’action, entre le technique et le politique, le Haut Conseil du Paris Métropolitain serait à l’aise pour proposer des imbrications entre innovations techniques et organisationnelles, car c’est bien souvent ce genre de solutions hybrides qui permet le changement ". Il s’agit de construire, grâce à ce lieu, une vision prospective, de créer un consensus, qui ne soit pas issu d’un arrangement, mais assumé après débat contradictoire et public, de faire émerger une identité métropolitaine. Et si, comme toujours depuis la Révolution française, le débat sur le bon gouvernement de la capitale ne renvoyait-il pas fondamentalement aux conceptions que nous nous faisons de la démocratie ?
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