Une vaste reconstitution des discours dénigrant l’héritage de 68 et un appel à une 'sédimentation' bénéfique de mai 68 dans le cadre d’un libéralisme social rénové.

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Faut-il "liquider" mai 1968 ? Prenant pour point de départ le discours de campagne de Nicolas Sarkozy, Serge Audier entreprend une vaste reconstitution des discours dénigrant l’héritage de 68, jusqu’à en faire la source de tous les maux de la société française. De la crise des valeurs et de l’autorité à l’individualisme, au relativisme, à l’hédonisme, au narcissisme voire au nihilisme, toutes ces perversions peuvent trouver leur origine dans l’esprit 68 : "Vivre sans contraintes et jouir sans entraves", "Il est interdit d’interdire". La fresque est impressionnante, et se lit comme un roman : sans se cantonner aux diatribes conservatrices, La Pensée anti-68 procède à un passionnant travail d’exhumation des différentes mouvances idéologiques qui ont pris, depuis l’événement, 1968 pour cible. Ainsi l’apport majeur de l’ouvrage tient-il d’abord à la diversité des réquisitoires qu’il expose. Dans un patient travail d’enquête dont l’érudition impressionne, S. Audier retrace les discours qui, de l’extrême gauche à l’extrême droite, ont voulu s’élaborer sur les ruines de l’esprit 68. Il ne fait pas mystère de l’enjeu théorique de l’ouvrage : il est impossible de comprendre le retour, en France, à l’idéologie libérale et la renaissance d’un discours républicain, si l’on ne prend pas en compte la réaction à la révolte et au legs de Mai.


Généalogies

Dépouillant les pamphlets autant que les ouvrages théoriques de plus grande envergure, S. Audier procède d’abord à une anatomie et à une généalogie du discours anti-68. L’état des lieux est édifiant : à droite comme à gauche se fait jour la thèse paradoxale selon laquelle les acteurs de 68 ont joué un rôle majeur dans le déploiement du capitalisme, en donnant l’assaut aux mœurs traditionnelles qui limitaient jusqu’alors le plein essor de la marchandisation du monde. À l’extrême droite, le discours surprend peu : le gauchisme de Mai apparaît comme le destructeur de la tradition, de l’autorité, du sens du sacré, de l’identité culturelle et historique ; il constitue une étape du capitalisme voire de l’américanisation de la France. Dans la droite libérale ou conservatrice (Finkielkraut compris), les attaques convergent autour des enjeux éthiques et culturels de l’événement. Plus surprenant en revanche, la gauche et l’extrême-gauche ne sont pas en reste, certains n’hésitant pas à vouer aux gémonies les soixante-huitards convertis aux vertus du capitalisme. Dénonçant les traîtres passés sans scrupules du col Mao au Rotary, plusieurs essayistes (notamment autour de S. Halimi ou de A. Monville) font le lien entre l’attitude libertaire et le culte libéral du marché : toute critique de la loi n’est-elle pas bonne à prendre ? Enfin, la gauche républicaine ou souverainiste ne manque pas à l’appel : d’E. Todd à E. Conan, 68 apparaît comme le premier moment d’une rupture entre les élites de gauche et le peuple. Si le désir de libérer les masses ouvrières de l’oppression bourgeoise a échoué, autant trahir et dès lors, le credo libertaire peut fort bien s’accommoder du capitalisme. Au nom d’un socialisme "originaire", J.-C. Michéa ou F. Ricard pourront s’élever contre la modernité progressiste, en brossant le tableau d’une génération narcissique : Mai constitue alors le moment de l’aggiornamento des sociétés modernes, celui d’une révolution libérale-libertaire qui a délégitimé les formes de socialité précapitaliste, abolissant tous les obstacles culturels au pouvoir sans réplique de l’économie. Les nouvelles tables de la loi de la modernité – il est interdit d’interdire, tout et tout de suite !, prendre ses désirs pour des réalités, jouir sans entraves et vivre sans temps morts – convertissent la jeunesse à une forme illusoire de liberté ; elles prônent un culte de la jouissance qui rend possible l’essor sans précédent de la société de consommation. Dans sa Modeste contribution aux discours et cérémonies officielles du dixième anniversaire, Régis Debray n’avait-il pas dénoncé l’aventurisme des fils de bourgeois au comportement pseudo-révolutionnaire, qui prétendent donner des leçons au mouvement ouvrier ? N’avait-il pas voulu abattre la révolte libertaire qui, au nom de la défense de l’individu, justifie l’existence du système capitaliste et promeut l’hégémonie américaine ?

S. Audier n’a pas de mots assez durs pour dénoncer cette "croisade" anti-68 venue de tous les horizons idéologiques : dénuée d’enracinement dans le contexte politique et social français ou international, faisant l’impasse sur les conflits au sein du monde du travail, ponctuée d’affirmations péremptoires et d’amalgames polémiques, elle ne conserve d’un mouvement multiforme que quelques grandes figures et de nombreux slogans, épouvantails commodes. Plus encore, elle utilise parfois sans scrupules des cautions théoriques réputées, quitte à déformer les doctrines. Raymond Aron n’est-il pas présenté comme le père du discours anti-68 ? Fin connaisseur de Aron, sur lequel il a récemment publié, S. Audier montre que La Révolution introuvable paru dès 1968 n’est pas l’impitoyable réquisitoire que l’on croit. Loin de se borner à dénoncer l’impasse de la révolte ou à se faire l’apôtre de la désillusion du gauchisme, Aron semble plus hésitant et plus ambigu : à ses yeux, les revendications antihiérarchiques de la nouvelle gauche portent une aspiration libérale inconciliable avec le projet révolutionnaire. Aussi faut-il savoir faire la part des choses : la réaction violente à droite contre 68 est surtout le fait d’universitaires et d’intellectuels qu’Aron a contribué à fédérer autour de son séminaire, notamment les fondateurs de la revue Contrepoint, qui voit le jour en mai 1970 et offre un répertoire de thèmes sur le caractère régressif de la révolte étudiante, ou sur l’impasse de la civilisation dont 68 serait l’expression.

Mais si la généalogie de la pensée anti-68 ne peut remonter à Aron, il faut lui découvrir d’autres ancêtres – et c’est ici que l’enquête prend un tour violemment polémique dont elle ne se départira plus. La genèse de la haine de 1968 à droite s’enracinerait en effet dans les écrits de Jules Monnerot, qui ont exercé une grande influence sur une part de la droite traditionaliste et de l’extrême droite. De la volonté de "démarxiser l’université" aux brûlots contre la démocratisation scolaire et universitaire, synonyme de mort de la civilisation, l’essayiste réactionnaire aurait infusé ses idées dans le Club de l’horloge, groupe de réflexion de la droite libérale et nationaliste qui plaide pour un retour à l’autorité et au sens de la hiérarchie. Il est impossible de restituer ici dans toute son ampleur la passionnante investigation qui conduit l’auteur à renouer les liens personnels et à déjouer toutes les stratégies abritées derrière le discours anti-68, de droite comme de gauche. On retiendra le jugement sévère contre la thèse, attribuée à R. Debray, d’une ruse de la raison capitaliste se servant de la contestation pour mieux asseoir la société consumériste – le culte de la révolution et de Mao aboutissant au sacre des valeurs américaines, les luttes d’émancipation préparant la révolution néo-libérale grâce au triomphe des idéaux individualistes. S. Audier rappelle quelques faits révélateurs : en 1978, l’année même du pamphlet de R. Debray qui croit voir déferler une vague libertaire et hédoniste sur l’Amérique, I. Kristol pose le premier jalon d’un discours néo-conservateur qui se déploie sur fond de retour aux valeurs religieuses, de rejet viscéral de l’esprit libertaire et hédoniste, autant que de critique de l’idéologie du "laissez-faire". L’esprit de Mai ne serait donc pas si bienvenu que cela…


La "contre-offensive" libérale

Mais la critique la plus virulente de S. Audier concerne la "contre-offensive libérale" qui trouve chez certains philosophes (P. Manent, A. Renaut, L. Ferry, M. Gauchet…) les ressources théoriques dont elle a besoin. La critique est double : non seulement le libéralisme n’a jamais disparu, en France, de l’horizon idéologique, mais Mai 68 a suscité l’avènement d’une forme perverse de libéralisme dont les affinités avec le courant néo-conservateur américain sont réelles. S. Audier confère un rôle de premier plan à la revue Commentaire, fondée par Aron en 1978 et dirigée d’abord par J.-C. Casanova, P. Manent et M. Fumaroli – revue dont le titre s’inspire de Commentary, l’un des organes de diffusion majeurs des idées néo-conservatrices aux États-Unis. Alarmée par l’évolution des moeurs, des attaques contre la religion, l’autorité, l’honneur ou le patriotisme, attachée à la hiérarchie et hostile à l’égalitarisme autant qu’à l’hédonisme, cette mouvance libérale à la française naviguerait ainsi en eaux troubles, sans craindre à l’occasion de s’inspirer du philosophe et juriste Carl Schmitt ou d’instrumentaliser la pensée de Leo Strauss au service d’une rhétorique réactionnaire. Ici apparaît l’une des principales cibles de La Pensée anti-68 : P. Manent n’est-il pas l’incarnation même de ce libéralisme conservateur, catholique et réactionnaire ? Dans des pages cruelles, S. Audier rappelle le parcours de ce disciple de Leo Strauss, importante figure du monde intellectuel français. Montrant d’abord comment l’héritage idéologique straussien est soluble dans la critique des démocraties libérales, il dresse le portrait d’une figure pathologique du libéralisme français, plus proche en réalité du néo-conservatisme religieux. Traducteur et introducteur en France d’Alan Bloom, l’un des plus éminents disciples de Leo Strauss aux États-Unis, P. Manent rejoint sa critique des liberals – libéraux de gauche, favorables à l’État-Providence. Certes, le lien avec la critique de mai 1968 devient ici plus ténu, et l’on sent l’auteur, tout à sa polémique, prêt à abandonner son fil conducteur pour le plaisir de la polémique. Mais là encore, l’enquête historique demeure passionnante, tout comme l’est la critique de l’usage instrumental de Tocqueville relu au prisme conservateur – où l’on retrouve la subtilité des analyses de l’auteur de Tocqueville retrouvé, qui avait démystifié la "redécouverte" de Tocqueville, dans les années 1980, par… P. Manent lui-même. Refusant l’interprétation prétendument tocquevillienne de 1968 comme explosion de la "douceur" démocratique, S. Audier va désormais se lancer dans un nouveau pan de son enquête, démystifiant cette fois l’introuvable "pensée 68".


Fragilité

Disons-le d’emblée, ce troisième volet de l’ouvrage, qui constitue une démolition en règles de La Pensée 1968 d’A. Renaut et L. Ferry, est sans doute le plus fragile. Certes, l’auteur marque des points en soulignant les failles de l’ouvrage qui établit une forme de "liste noire" des philosophes ayant contribué à susciter une "pensée 68" : Foucault, Althusser, Derrida, Bourdieu, Lyotard. Il est vrai qu’Althusser, alors très malade, était absent des barricades, que Foucault était en Tunisie, que Barthes ou Lévi-Strauss ont mal vécu la contestation, que Deleuze a soutenu le mouvement sans être activiste, que Bourdieu s’est déclaré sceptique et Derrida peu enthousiaste face à l’euphorie spontanéiste. Mais faut-il pour autant nier en bloc que Foucault, Derrida, Lacan, Althusser, Bourdieu, Lyotard, Deleuze aient été des maîtres-à-penser dans les années 1960, et qu’ils aient partagé une forme d’antihumanisme théorique ? On peut douter de la pertinence d’une catégorie unifiée ("la pensée 68"), mais de là à récuser l’importance du thème de la "mort de l’homme", il y a un pas que S. Audier a peut-être tort de franchir. Se cantonnant à une approche strictement biographique, refusant donc la leçon des maîtres du soupçon (qui n’auraient pas voulu, sans doute, être réduits à des acteurs ou à des "auteurs" comme les autres), S. Audier ne se donne pas les moyens d’éclaircir la question fondamentale qu’il pose : peut-on reconstituer une convergence théorique ou une configuration idéologique orientée dans les années 1960 ou 1970 par le thème de la mort du sujet ? La question dépasse la dimension historique de l’influence réelle des philosophes sur les événements de Mai, et il ne suffit pas, à cet égard, de révéler les lacunes de La Pensée 68 (sur le trotskisme ou le maoïsme) ainsi que ses oublis (Lefort, Morin, Castoriadis…). S. Audier rappelle les trois thèmes fondamentaux développés par L. Ferry et A. Renaut afin de cerner les contours de la pensée 68 : fin de la philosophie, usage de la généalogie comme paradigme réduisant les discours conscients à des symptômes, dissolution de l’idée de vérité. A chaque fois, marxisme, nietzschéisme et freudisme constituent les matrices d’un procès du sujet.

Finkielkraut leur emboîtera le pas dans La Défaite de la pensée : la pensée 68 apparaît ici comme le fossoyeur de l’idée de nature humaine – l’homme disparaissant comme sujet autonome pour devenir le champ d’action de forces ou de structures qui échappent à son appréhension consciente. Or peut-on nier qu’une telle critique radicale de la subjectivité ait bien eu lieu ? Ne faut-il pas critiquer ces thèses sur le fond, plutôt que sur la forme ? À trop vouloir montrer l’illusion rétrospective dont seraient victimes les auteurs de La Pensée 68, S. Audier prouve trop : on ne peut oublier la démystification de la figure classique du sujet – les Éléments d’Autocritique d’Althusser ou la chute magnifique des Mots et des Choses de Foucault en sont les meilleurs témoins. Sans doute l’évolution, voire la volte-face, de L. Ferry témoigne-t-elle de la faiblesse de sa thèse initiale, puisqu’il reconnaît désormais à sa juste valeur le projet émancipateur des "déconstructeurs" ou des "généalogistes", qui continuaient, à leur façon, le travail des Lumières. Mais doit-on pour autant suivre cette piste et réintégrer la pensée 68 dans le courant humaniste ? Citant plusieurs exemples, S. Audier en est convaincu : "Si l’on tient à donner une lecture philosophique de mai 1968 ; c’est donc l’hypothèse "humaniste" qui pourrait se révéler plus pertinente"   . À moins de définir précisément le sens de cet humanisme, cette voie suggérée par F. Furet ne peut être prise au sérieux jusqu’au bout. Après avoir reproché à juste titre aux contempteurs de Mai leurs simplifications et leurs instrumentalisations abusives, S. Audier ne risque-t-il pas à son tour de se voir imputer ces travers ? Nier que bien des penseurs des années 60 aient été sceptiques à l’égard des droits de l’homme, en se fondant notamment sur la critique marxiste des libertés formelles, paraît délicat à soutenir. Il est dommage en ce sens que l’auteur, qui avait d’ores et déjà tous les arguments nécessaires à sa panoplie, recourt plus qu’il ne l’aurait fallu à l’argument d’autorité : vouloir enrôler Furet, comme plus tôt Aron ou Tocqueville, dans son combat pour la réhabilitation d’une pensée 68 devenue humaniste, peut paraître paradoxal. Que nous importe au fond les stratégies de Furet dans sa critique de La Pensée 68 ? Faire remonter la critique de l’antihumanisme à des cercles chrétiens (autour du catholique Jean Brun et de son Retour de Dionysos contre le nietzschéisme) ne peut davantage suffire : l’argument ne porte malheureusement pas contre la thèse elle-même. Que la critique des thuriféraires de la dissolution du sujet ait été formulée par des auteurs peu fréquentables ne suffit pas à prouver qu’elle est fausse. Que P. Vidal-Naquet ait combattu ceux qu’il dénigrait sous la formule des "quatre nouveaux prophètes" (Lévi-Strauss, Lacan, Foucault et Althusser) ne permet pas davantage d’invalider l’influence de ces philosophes : n’est-ce pas la preuve que ces prophètes avaient pu en être ? Mieux aurait donc valu affronter les œuvres de Foucault, Derrida, Althusser ou Lacan eux-mêmes – mais ce travail, de très grande envergure, ne pouvait sans doute pas trouver sa place ici.

Retour de l’humanisme ou "revanche de Sartre" ? Mai 68 n’est sans doute pas réductible à cette analyse. Mais S. Audier ne s’arrête pas à cette proposition théorique. Pour finir, les itinéraires d’anciens gauchistes devenus "républicains" comme B. Kriegel, R. Debray, P.-A. Taguieff ou M. Gauchet, autres cibles de choix, permettent à nouveau de cerner l’usage de la critique de Mai. L’exemple de M. Gauchet (autre cible du Centre Raymond Aron) est révélateur, ne serait-ce que par la virulence des propos qu’il a pu tenir : mai 68 n’aurait "rigoureusement rien imaginé d’effectivement, de positivement différent, hors de la réitération sur un mode folklorique de poussiéreuses antiennes révolutionnaires". Désireux de montrer les impasses d’un certain libéralisme, de dénoncer le sacre des droits de l’homme et la privatisation de l’individu, Gauchet fait de mai 68 une étape du processus de dépolitisation de la société française, et la cristallisation d’une tendance individualiste qui met en péril le projet d’autogouvernement démocratique. Or n’y a-t-il pas ici encore un formidable déni ?

À l’issue de ce brillant ouvrage, plein de gratitude à l’égard de son auteur, le lecteur pourrait être enclin à se demander d’où vient tant de haine. Mais la conclusion de S. Audier s’engage dans une autre direction : contre le libéralisme (néo)conservateur voire réactionnaire, contre le républicanisme qui l’est en définitive tout autant, l’auteur esquisse pour conclure la voie qui pourrait être la sienne – celle d’une sédimentation bénéfique de mai 68 dans le cadre d’un libéralisme social rénové. Certes, cette sédimentation (l’expression est inspirée de Castoriadis) est loin de tout radicalisme : l’héritage de 68 qui est ici revendiqué n’a plus rien à voir avec la révolution, réelle ou imaginaire. Elle réduit à son tour le message politique issu de Mai en le formulant comme une exigence très consensuelle de démocratie et de participation : "Toutes ces mutations nous conduisent vers un point central que les réductions de mai 1968 à une révolte égocentrique et consumériste passent sous silence : l’exigence de participation, inséparable de la mise en question permanente des hiérarchies, de la division des tâches, et des organisations"   . Se revendiquant de l’autorité de R. Aron (mai 1968 comme désir de démocratiser la démocratie par une plus grande participation à tous les niveaux), S. Audier abat ses cartes : le legs de mai 68 peut être mis au service d’une nouvelle démocratie économique et sociale, soucieuse de limiter les effets pervers du capitalisme. Cette sédimentation de Mai gagnerait ainsi, selon l’auteur, à être méditée par une gauche émancipée du culte marxiste du développement des forces productives, qui pourrait trouver chez Lefort, Castoriadis ou Gorz les éléments d’un renouveau idéologique. Sans proposer à son tour de véritable interprétation de l’événement, S. Audier tire ainsi de son procès de la pensée anti-68 une leçon de modération : à l’écart de la radicalité, 68 pourrait nous offrir l’image, et non le mythe, d’une exigence d’émancipation et d’un désir de participation. Que le lecteur se rassure : si le libéralisme et le républicanisme sont coupables, le gauchisme, lui, est vraiment mort.


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Une livre intéressant par son projet, qui malgré ses grandes qualités se laisse trop dériver vers le pamphlet à cause d'un manque de rigueur.

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Un livre qui analyse finement les interprétations hostiles à '68', traquant les contresens et l'à-peu-près.


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