Le récit d’un volontaire international engagé auprès de la gauche révolutionnaire ayant combattu aux côtés des Kurdes contre Daech en Syrie.

André Hébert est le pseudonyme d’un militant révolutionnaire, d’orientation marxiste, parti combattre au Kurdistan dans les Unités de Défense du peuple, les YPG, la branche armée du Parti de l’Union Démocratique, un des partis kurdes du nord de la Syrie. André Hébert s’est engagé en Syrie à deux reprises entre 2015 et 2016, puis en 2017.

 

Hommage au bataillon international

André Hébert appartient à cette gauche révolutionnaire anticapitaliste. Enfant de la bourgeoisie parisienne en rupture intellectuelle avec son milieu d’origine, il a fréquenté plusieurs groupes militants avant de partir combattre, considérant que la Révolution était en marche au Rojava, le territoire du nord de la Syrie peuplé de Kurdes.

Il décrit avec minutie son passage en Turquie et son arrivée dans la partie syrienne du Kurdistan. Il est mélangé aux autres combattants internationaux, dont certains combattent juste Daech, sans engagement militant, même si la majorité des combattants internationaux sont là pour des raisons idéologiques. Très vite, ils sont regroupés dans une caserne puis formés à la science militaire avant d’être laissés libres de choisir leur unité. Les volontaires partent au plus proche du front.

L’ouvrage se veut un hommage à ses compagnons d’armes du bataillon international. Initialement créé par des communistes et des maoïstes turcs, ils ont été rejoints par des Grecs, des Allemands, des Américains et quelques Français. André Hébert fut le premier d’entre eux. Ils appartiennent à tout l’arc de la gauche anticapitaliste (marxiste, libertaire, syndicaliste, etc.). Parmi plusieurs centaines de combattants internationaux, les pertes du bataillon ont été lourdes : près de cinquante d’entre eux ont été tués, victimes comme les Kurdes, d’abord de Daech mais aussi de bombardements de l’armée turque. Parmi ces victimes, André Hébert évoque le souvenir de Jordan MacTarggart, un anarchiste américain blessé une première fois en 2015 et tué par Daech à l’été 2016, ou celui d'Anna Campbell, une autre anarchiste, anglaise et féministe, tuée par les bombardements de l’aviation turque.

 

Au cœur du conflit

Son livre ne cache pas les aspects idéologiques et du quotidien de cette armée mixte dans laquelle il est interdit de boire ou de courtiser. Les combattants doivent enregistrer des vidéos posthumes. Il n’esquive pas non plus la question des alliances : l’aide de l’armée américaine et d’une manière plus large des Occidentaux n’est pas mal perçue. La hiérarchie est présente même si les soldats n’affichent pas de grade. Il évoque aussi le bruit de la guerre, les bombardements, les canons avant les attaques des villes ou les heures d’attentes pendant les gardes ou avant de monter au front. Sa description de la bataille de Raqqa est aussi saisissante à ce point de vue.

Enfin, il rappelle ce pourquoi il est allé se battre : participer à une révolution, mais aussi combattre le Califat, totalitarisme en noir et blanc qui sème la mort, la désolation et l’asservissement. Les pages écrites sur les zones libérées en sont une des preuves.

Son ouvrage évoque l’ennui du quotidien qui touche le combattant à son retour en France. Il est pris dans le confort d’une société de consommation qui contraste avec la vie trépidante du combattant, la dureté de la vie quotidienne, le risque omniprésent de la mort, mais aussi une forme de nostalgie pour cet engagement et du dépaysement que représentent le climat et la vie dans cette région. La guerre nécessite une vigilance de tout instant. Elle monopolise l’esprit. Ainsi, lorsque pour des raisons familiales, il séjourne en France, il n’est que physiquement présent ; sa pensée est avec ses camarades dans cette étrange mais visible fraternité des combattants.

 

Le livre s’inscrit déjà dans la lignée des grands témoignages sur la guerre. Outre ses qualités littéraires incontestables, l’auteur sait mettre en perspective ; ses études d’histoire n’y sont pas pour rien. Son livre est nourri de lectures. L’hommage à la Catalogne de George Orwell inspire et constitue une référence pour l’auteur du livre, y compris dans la sobriété et la qualité de l’écriture et du récit.