En cette fin de première décennie du XXIe siècle, les tentatives d’analyse et de bilan se multiplient pour enfin se détacher des horreurs du siècle précédent. La dernière initiative en date est le lancement en début d’année d’un portail se proposant de recenser la "violence de masse" au XXe siècle. L’ambition est de constitué en ligne une véritable encyclopédie scientifique animée par un collectif international de chercheurs en histoire, relations internationales et sciences politiques. Le projet, en accès libre, a été initié en 2004 par Jacques Semelin, lui-même chercheur au CERI   et au CNRS.  Loin du modèle Wikipédia, le site se positionne donc comme un véritable fond historiographique que vont alimenter des publications rigoureusement contrôlées. Il s’agit autant de produire de la connaissance et de la propager que de recenser et définir les cas de "violence de masse". Le site, va à ce titre, élargir à terme son champ de recherche au XIXe siècle. On note également que le financement du projet a initialement été pris en charge par Science-Po Paris et le CNRS.

L’euphémisme "violence de masse", préféré à des termes beaucoup plus explicites comme génocide ou encore épuration, marque aussi la volonté de ne pas s’astreindre aux définitions juridiques souvent sujettes aux interprétations contraires et largement connotées historiquement. Le but n’est donc pas de susciter la controverse sur la dénomination, mais bien de forcer le consensus sur l’identification. Ce choix apparaît d’autant plus louable que la qualification de beaucoup d’épisodes historiques est encore aujourd’hui l’objet de polémiques, on ne citera que le cas de la Grande famine ukrainienne de 1932-1933 dont le grand spécialiste français, Nicolas Werth, fait aussi parti du comité de lancement du site. La question du dénombrement semble aussi avoir été traité avec précaution tant il est difficile aussi bien d’établir des paliers de qualification que de comptabiliser réellement le nombre de victimes.

Le site, encore en construction, s’organise autour d’une articulation géographique, d’abord continentale ensuite nationale. Le parti-pris initial est de se détacher de l’actualité brulante (Darfour, Irak…), au moins dans un premier temps, et d’éviter "l’instrumentalisation politique ou communautaire"   de la pensée. Il s’agit aussi de mener une réflexion d’ensemble au centre de laquelle se trouverait "le rôle moral de l’historien"   comme gardien d’une mémoire apolitique. Une entreprise de "prévention" en somme.


-  voir le site de l'encyclopédie sur la violence de masse (www.massviolence.org).
- voir également l'article sur le récent livre de Ben Kiernan, Blood and Soil, A World history of genocide and extermination from Sparta to Darfur.


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Crédit photo: Flickr.com/ Lycid