Quelle considération pour les homosexuels dans le milieu très masculin des sports ?
Cette étude, richement argumentée, cherche à poser la problématique liée à l'homosexualité en milieu sportif en mobilisant à la fois des travaux menés en sociologie du sport et en sociologie du corps. Le ton est donc donné puisque loin de se conforter aux limites d'une perspective relative à une seule et stricte école de pensée, le projet de ce livre est ambitieux. Il cherche, en effet, à dégager des pistes de réflexions qui tendent à rendre compte de manière pertinente et intelligente des considérations et conditions des homosexuels dans le milieu hétérosexiste sportif.Faire du sport, est-ce bon pour soi ?
Cette étude s'engage ainsi à poser une première interrogation, à savoir la "nature" du monde du sport. Toujours en gardant en tête la problématique de l'homosexualité, Sylvain Ferez tend à nous définir l'univers sportif comme foncièrement enclin à véhiculer des valeurs et représentations traditionnellement rapportées à l'ordre du masculin. Qu'il soit individuel ou collectif le sport rappelle la compétition entre athlètes, l'agressivité dont doivent savoir user les sportifs s'ils veulent améliorer leurs performances, dominer leur jeu, parfaire leur pratique et donc être efficaces.
Ainsi Ferez s'applique à constater que les hommes perçus comme gays sont "rejetés" du milieu sportif, et que les femmes considérées comme lesbiennes sont, au contraire, mieux accueillies. Là encore le constat s'impose puisque les gays, considérés comme des invertis, des efféminés, seraient donc moins fiables voire nuisibles et, de ce fait, incompétents à participer à une activité sportive qui, elle, nécessite de l'individu qu'il soit viril, imposant, craint, qu'il "en ait".
L'auteur décrit ainsi l'univers sportif comme autant de pratiques n'ayant de cesse de rappeler l'aspect autoritaire et conquérant supposé des athlètes. Se pose ainsi la question de l'homosexualité qui serait perçue comme un contre modèle. Dans cette perspective, les homosexuels doivent savoir composer et s'adapter en vue d'intégrer une équipe ou bien encore afin de légitimer leur carrière notamment dans les compétitions de haut niveau. L'alternative qui leur est offerte est alors : nier leur homosexualité ou la dissimuler.
Les Gay Games, la solution ?
Ferez nous invite à re-penser le cadre de l'univers sportif en sa qualité de stricte référence au modèle dominant hétérosexuel. Ainsi l'auteur cherche à promouvoir le cadre homosexuel en tant que tel, comme analyseur permettant de rendre compte d'une pratique sportive pour le coup adaptée à la population spécifique gay et lesbienne.
L'ouvrage s'applique dès lors à redonner de manière développé et pertinente l'histoire de ce que Ferez présente alors comme les Gay Games. Véritables vitrines de la communauté homosexuelle, les Gay Games se présentent telle une alternative à la forme traditionnelle du sport. L'homosexualité ne relève plus de ce qui se cache, mais se présente comme une forme d'institution.
Les Gay Games renvoient à des structures sportives organisées pour replacer les homosexuels dans une pratique sportive qui n'est plus homophobe ni discriminatoire. Ils permettent aussi la mise en place d'un mouvement militant puissant revenant sur des questions centrales relatives entre autres aux luttes homophobes, au Sida, à la visibilité des homosexuels notamment via les Gay Pride.
Les Gay Games ont donc comme objectif de reconsidérer les homosexuels en tant que sujets et ce, en travaillant sur l'acceptation et la reconnaissance à la fois politique et sociale des gays et lesbiennes.
Le corps homosexuel : fantasme ou réalité ?
Dans une dernière partie, nous pouvons comprendre les difficultés auxquelles font face les Gay Games à lutter contre une société de consommation et de l'image toujours plus omniprésente. Déjà stigmatisés comme individus à risque et anormaux, en proie à l'homophobie, les homosexuels sont désormais soumis au joug d'une industrie de la beauté. Objectifs, notamment pour les gays : être plus musclés, mieux sculptés, mieux épilés, plus bronzés, beaucoup plus sexy.
S'opposent ainsi les pratiques sportives organisées et proposées dans les clubs sportifs des Gay Games, à celles plus stylisées dispensées dans les clubs de fitness. Cette opposition tend à nous présenter la diversité du monde homosexuel, articulé entre communauté et sujets, entre militantisme et consumérisme.
Sylvain Ferez réalise un exercice de recherche complet, n'hésitant pas à poser nombres d'interrogations pertinentes sur les conditions des homosexuels et sur leur(s) place(s) dans un monde sportif pas forcément "fair-play". Les références sont multiples et variées, ceci aidant le lecteur à s'approprier l'objet dont il est question : le corps homosexuel en-jeu. Acteurs des années 2000, la lecture de ce livre ne peut que nous permettre de nous rendre compte des efforts menés auparavant et encore à l'heure actuelle par les associations et militantismes gay et lesbienne, à rendre les homosexuels non plus comme des "autruis", des "bêtes de curiosité" mais à les considérer comme tels.
--
Crédit photo : *dolbystereoben* / flcikr.com
