Oscillant entre le roman et l’autobiographie, Pascal Silvestre nous donne un aperçu de l’univers des coureurs de fond, sans toujours explorer à fond ce qui les motive.

 

La structure de Marathon est intéressante : sous la forme d’un roman d’une dizaine de chapitres, ce sont autant de portraits qui sont dressés, et à chaque fois d’une personne dont la vie tourne autour de la course à pied, en général du marathon. On sent bien sûr que Pascal Silvestre se réfère à sa propre expérience dans les récits de course, les préparatifs, l’entraînement, mais aussi les marathons à l’étranger - et le choix du marathon de New York, dans deux des chapitres, est peut-être un peu trop facile et attendu.

 

Ceci dit, le déploiement à grandes foulées du motif du marathon donne lieu à de belles évocations poético-philosophiques, lorsque par exemple Silvestre écrit que « Lors des derniers kilomètres, le marathonien communique à son insu une humanité exaltée, une humanité débarrassée, comme nettoyée, de toutes les conventions, de toutes les politesses. »   Cette humanité parvient à transparaître plus ou moins facilement, selon les personnages. Certains comme celui de « Bourvil », volontaire au marathon de Paris, sont particulièrement attachants. Dans d’autres cas, les coureurs semblent plus anodins, leurs efforts pour s’entraîner et boucler un ou plusieurs marathons sont amplement décrits, sans véritable supplément d’âme.

 

L’unité du livre repose sur un procédé classique mais plaisant : les personnages apparaissent parfois dans d’autres chapitres, offrant d’autres perspectives. Un des coureurs, Matthieu, fervent catholique qui prie en courant (!), apparaît ainsi assez souvent (un peu trop ?), tout comme l’auteur lui-même, Pascal Sylvestre, avec de très nombreuses mentions de son site internet de course à pied. On a même le droit, une dizaine de fois, à l’adresse du site, encore rappelée sur la quatrième de couverture, et à une description des qualités de la « coach » du site, l’ensemble prenant alors une allure de publicité sous la forme d’un essai-roman, ce qui peut déranger   .

 

Les descriptions de Paris, lors d’entraînements, de rencontres amoureuses ou simplement pendant le marathon de Paris, pourront ravir le lecteur parisien, mais aussi laisser sur leur faim les autres, coureurs ou non. Car pourquoi courir ? Pour se sentir bien ? Certainement, mais comment en venir à cet entraînement si exigeant pour devenir capable de parcourir la distance reine de 42,195 km ? Un effet de mode ? Assurément, mais pas seulement. Pourquoi courir encore, lorsque les médecins l’interdisent formellement, suite à une blessure sérieuse (c’est le cas d’André dans le roman) ? Pascal Silvestre tente de lever le voile sur le « rêve derrière le rêve » ; mais en se perdant dans la description du quotidien (et en assurant la promotion de sa petite affaire), il n’atteint pas le cœur du sujet. Peut-être que, relisant Camus, il faudrait tout simplement pu commencer par imaginer Sisyphe heureux… dans son effort

 

Pascal Silvestre

Marathon

JC Lattès, 2015

200 p., 17 euros

 

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